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Grosse galère pour le carnaval antillais à Bordeaux

Avec plus de 2 000 participants les années précédentes, et 4 000 attendus ce week-end, le carnaval antillais de Bordeaux est l’un des plus gros évènements ultramarins de France. Sauf que, malgré l’intervention de la mairie et de la préfecture, le Parc des expositions, seul capable d’accueillir cette affluence, a refusé de le faire. La fête va commencer, mais ailleurs…

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Grosse galère pour le carnaval antillais à Bordeaux

L'affiche était jeudi toujours vierge, la force pas du côté de l'organisateur My Kartel (DR)
L’affiche était jeudi toujours vierge, la force pas du côté de l’organisateur My Kartel (DR)

Si vous comptiez aller faire la fête ce week-end avec la communauté antillaise de métropole, qui se réunit chaque année à Bordeaux pour Carnaval, ne vous fiez pas à l’annonce encore visible ce jeudi matin sur la page Facebook de l’organisateur, MyKartel : l’évènement, distinct du défilé du Carnaval des Deux Rives, samedi dans les rues de Bordeaux, ne se tiendra pas au Parc des expositions.

Ce jeudi, une ultime réunion à la Préfecture entre les responsables de My Kartel, Jean-Louis David, adjoint au maire de Bordeaux en charge de la sécurité, les représentants du Préfet et le président de CEB (congrès et expositions de Bordeaux), Bernard Séverin, n’a rien donné. Le Parc des expos refuse d’accueillir ce caranaval antillais. L’évènement devait théoriquement attirer ce week-end près de 4 000 personnes à Bordeaux, contre 2 000 l’an passé, si bien que les organisateurs ont essuyé le refus de l’Espace du lac, où il se déroulait les années précédentes.

L’association My Kartel était pourtant prête à payer au Parc des expositions les 110 000 euros finalement exigés pour la location d’un hall les vendredi et samedi, confiante dans sa capacité à mobiliser la communauté antillaise : environ 25 000 personnes suivent son char lors du Carnaval des Deux Rives. Selon son vice-président, Gilles Dupros, elle a proposé ce jeudi une avance de 50 000 euros, fruit des préventes de 2 200 tickets.

« Mais le délai imparti par le Parc des expositions était trop court, indique-t-il : les conditions commerciales ont été énoncées le mercredi 26 février à 11 h, nous avons reçu un premier devis de 148 000 euros ne correspondant pas à nos besoins à 15 h et nous devions fournir un chèque de banque à 18 h ! »

Impossible de réunir l’intégralité de la somme avant l’évènement, ni que l’association obtienne un chèque de banque. Mais les dirigeants de CEB ont fermé la porte, pour trois raisons, selon Bernard Séverin :

« L’association n’a pas pu nous fournir son attestation d’assurance, indispensable pour couvrir les risques et BA-ba de toute organisation. Elle s’apprêtait à nous verser 50 000 euros en liquide, alors que nous n’avons pas le droit de recevoir plus de 3 000 euros en espèce. Et la ville n’avait pas encore signé l’autorisation d’ouverture pour cette manifestation. Tout le monde est ennuyé car ces gens sont adorables, mais ils marchent sur la tête : ils ont envoyé les invitations à venir à Bordeaux avant de trouver une salle. »

300 CRS au Carnaval

MyKartel contestent : ils disposent bien d’assurances, qu’ils comptaient fournir aux gestionnaires du Parc en même temps que le chèque. L’association n’a pas fait de communication de masse pour ne pas attirer trop de carnavaliers. Et elle fait valoir l’importance de son dispositif de sécurité, qui représente 60000 euros dans son budget de 250000 euros. Et ils considèrent qu’en refusant un paiement fractionné, et en sommant de fournir en 7 heures les 110000 euros demandés, CEB les a « rançonnés ». C’était selon eux un prétexte utile pour leur refuser l’utilisation d’un hall.

Le Parc des expositions, géré dans le cadre d’une délégation de service public, était pourtant sous pression de la Ville pour accueillir l’évènement, rappelle l’adjoint à la sécurité :

« Les responsables du Parc des expositions n’étaient pas très chauds pour des raisons de sécurité et de consommation d’alcool. On a essayé de les rassurer en leur disant que les organisateurs gèrent chaque année le carnaval de façon très encadrée et sécurisée. En vain. Nous avons donc ensuite alerté  le préfet pour qu’il réquisitionne le hall des expositions, car nous n’avons pas les moyens de contraindre un de nos opérateurs à faire ce genre de choses. »

Du côté de la préfecture, il n’était pas question de réquisitionner un lieu dans ce cadre privé, sans qu’il y ait pour l’heure risque d’atteinte à l’ordre public. Les services de l’Etat ont en revanche joué un rôle de médiateurs, et proposé de mobiliser 300 CRS pour assurer la sécurité des abords. Objectif : éviter les quelques incidents graves (échanges de coups de couteaux) qui se sont produits l’an dernier en marge du carnaval antillais. Mais ni la Ville ni la préfecture n’ont obtenu le feu vert du Parc des expos.

« La préfecture voulait mobiliser deux compagnies de CRS, cela prouve bien qu’elle avait des craintes, poursuit Bernard Séverin. Et nous ne sommes pas une discothèque, comme on l’avait indiqué à My Kartel pour refuser leur première demande en novembre. Des litres de rhum et de boissons diverses et variées vont circuler. Nous avons 800 mètres berges de lac non protégées, avec un risque majeur de noyade. Qui en serait responsable ? Nous n’avons pas envie d’être condamnés à de la prison, comme c’est déjà arrivé à Brest. Enfin, 4 000 acheteurs débarquent lundi matin pour Vinipro et risquent de trouver des bouteilles, ou pire, sur le gazon. »

Le Parc des expos fait en outre valoir qu’il n’accueille presque plus de soirées étudiantes pour ces raisons – « à part celles des Arts et métiers, qui ont un service de sécurité efficace ».

« Le carnaval, c’est une religion »

Reste qu’au moins 2 200 personnes ont déjà acheté leur ticket pour le carnaval antillais, et beaucoup vont devoir se faire rembourser car l’Opéra Club, où devrait finalement se tenir la fête, ne peut en accueillir 2000. Ce jeudi, My Kartel et la mairie ont visité cette boîte de nuit à Bordeaux Lac. Gilles Dupros salue d’ailleurs l’intervention de la Ville, notamment de ses adjoints Jean-Louis David et Pierre de Gaétan Nijkam. Mais il ne comprend pas les difficultés rencontrées :

« Le carnaval, pour les Antillais, ce n’est pas une soirée étudiante, ni une fête ordinaire. C’est comme pour les Brésiliens un évènement culturel, presque une religion. Aux Antilles, ce sont trois jours chômés, les lundi, mardi et mercredi gras. Personne n’imaginerait qu’il puisse ne pas se tenir dans une ville. »

Depuis l’époque où les DOM-TOM dépendaient de l’académie de Bordeaux, le carnaval bordelais est une institution et un point de rendez-vous incontournable pour les Antillais « expatriés » en métropole. My Kartel espère qu’il pourra le rester.


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