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J’ai testé l’autopartage à Bordeaux : ça roule !

L’arrivée de l’armada Bluecub à Bordeaux ne doit pas occulter une offre déjà bien fournie d’autopartage sur l’agglomération bordelaise. Koolicar, Citiz ou Drivy ont déjà posé les jalons d’une utilisation partagée de la voiture, remettant en cause son usage strictement individuel. Notre journaliste a expérimenté tous ces systèmes, qui se complètent plus qu’ils ne se concurrencent, pour répondre à tous les usages. Du sur-mesure pour nos déplacements.

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J’ai testé l’autopartage à Bordeaux : ça roule !

La propriétaire d'une voiture contactée via Drivy laisse ses clés en toute confiance à sa conductrice du jour.
La propriétaire d’une voiture contactée via Drivy laisse ses clés à sa pilote du jour. (Photo Drivy)

Cela fait huit ans déjà que j’ai revendu ma Clio, huit ans que le vélo est devenu mon meilleur ami, que je connais par cœur les réseaux de transport en commun, que j’utilise le covoiturage pour mes vacances, mes déplacements professionnels, mes week-ends.

Mais dans une ville comme Bordeaux, où les transports en commun n’ont pas encore la solution à tous mes trajets, où les bus de nuit sont quasi inexistants, où l’étalement urbain étire les distances, la voiture parfois me manque… Lasse d’aller systématiquement demander aux proches, j’ai tenté l’aventure de l’autopartage, ces voitures qu’on utilise à plusieurs, sous la houlette d’un système organisateur.

J’ai d’office écarté les toutes récentes BlueCub électriques, pensées pour des trajets courts dans l’hypercentre et dont les tarifs sont étudiés pour de très coutes distances. Pour cet usage là, mon vélo suffit. Restaient donc Koolicar, en expérimentation à Bègles et Bordeaux, Citiz, pionnier de l’autopartage à Bordeaux, et Drivy, leader de la location entre particuliers. En voiture…

Sésame, ouvre-toi : ma carte Koolicar sert de clé pour les voitures louées aux particuliers (Photo Stéphanie Pichon/Rue89 Bordeaux)

Étape 1 : une journée à la campagne en 107 Koolicar

Le petit dernier de l’autopartage en est encore au stade de l’expérimentation. Soutenu par l’ADEME, il n’a été déployé que dans quelques villes en France, en priorité à Bègles. Son principe? Jouer les intermédiaires entre particuliers qui habitent la même ville, et équiper les voitures d’un système où une carte magnétique vient remplacer les clés. C’est le système qui se rapproche le plus de ce que je recherche : pas (encore) de frais d’inscriptions, et un partage entre particuliers. Je m’inscris suite à un appel à expérimentation de la CUB.

Ici la sélection est drastique, le locataire doit afficher un permis de conduire valide depuis au moins 5 ans et ne pas avoir de «casier» chez les assureurs ! Il se passe quelques semaines avant que je reçoive enfin le sésame : la carte Koolicar qui me servira de clé pour les voitures louées.

Première tentative le jour de Noël : j’ai besoin d’une voiture 24h minimum pour un repas de famille à 1h de Bordeaux. Je sais que le système n’est pas vraiment fait pour les trajets longs (maximum 2 jours et 300 km), mais en ces périodes de fête les loueurs classiques affichent 120 € la journée, sans l’essence ! La voiture la plus proche de chez moi est une 107 blanche, à 2 € de l’heure. J’opte pour le forfait 24h/100 km à 42 euros.

• Un système gratuit pour les propriétaires

Au moment de la réservation, je me trompe sur les horaires. Impossible de rattraper l’erreur sur le site internet, j’appelle Koolicar qui rectifie aussitôt. On sent que l’équipe est petite, les rapports cordiaux, c’est «kool» en quelque sorte. Un sms m’indique au dernier moment l’adresse où est garée la voiture. Aïe, un siège auto derrière, ça n’était pas prévu, surtout qu’on est quatre dans la voiture. L’intérieur est propre, la voiture bien entretenue – c’est une des conditions imposée aux propriétaires de Koolicar.

Une fois passée la carte magnétique sur le pare-brise, je trouve les clés sur un aimant près du volant. L’état des lieux se fait depuis mon téléphone portable. Au retour, dès que j’ai remis les clés sur l’aimant, un sms m’indique la durée de ma location, mes kilomètres et le montant en euros. Je n’ai plus qu’à payer en passant par le site internet.

Il est possible de laisser un avis sur la location, mais à la différence de Drivy, ici tous les échanges restent anonymes. Quelques semaines plus tard, j’en saurai cependant plus sur ma propriétaire dans un article de Sud-Ouest. Pour l’heure, Koolicar ne se rémunère que très peu, d’autant que son système Koolbox installé sur les voitures vaut plusieurs centaines d’euros. Mis à disposition gratuitement pour les propriétaires dans la phase Bêta, il pourrait être payant à long terme.

Bilan : 138 km/23h28min/ 57,60 euros avec l’essence

Frais inscription : 0

Conditions : au moins 5 ans d’ancienneté de permis, minimum 9 points sur le permis de conduire.

Nombre de voitures : 20 à Bègles, 2 à Bordeaux

Nombre de conducteurs : 70

Le + : une inscription gratuite, des locations à l’heure ou à la journée, pas d’échanges de clés, la possibilité d’un réseau privé de conducteurs.

Le – : peu de véhicules à louer, concentrés essentiellement sur Bègles, des conditions drastiques pour louer.

Où trouver une voiture prêt de chez soi ? Le site de Drivy vous donne la marche à suivre pour trouver son propriétaire. (capture d’écran)

Étape 2 : une journée de boulot au volant d’une twingo Drivy

Le site Drivy, lancé en 2010 à Marseille, est devenu le numéro un de la location entre particuliers sur le plan national. Sur le principe du covoiturage ou de Rb&b, il met en relation des particuliers, propriétaires et locataires. L’inscription prend cinq minutes, elle est gratuite. On a ensuite accès à toutes les voitures de l’agglomération (354 dans un rayon de 20km autour de Bordeaux centre !), pour une durée minimum d’une journée. Le site prend 30% de la somme versée au propriétaire, pour l’assurance, les fonctionnalités du site internet…

Je me décide un jour où j’ai un rendez-vous professionnel à Artigues l’après-midi et un spectacle au Cuvier de Feydeau le soir. J’estime la distance à 50km en tout. J’opte pour une petite voiture twingo, à cinq arrêts de bus de chez moi. La propriétaire, Ségolène T., est inscrite depuis avril 2012. Les commentaires sont élogieux, le tarif défiant toute concurrence (16€ la journée). Si je préfère l’option mini et économique, des plus frimeurs auraient tout aussi bien pu louer une berline noire BMW à 63€ la journée ou un cabriolet SAAB à 105 € !

• Des utilisateurs qui cherchent le contact

Tout est facile, et intuitif dans le système. Le numéro de téléphone s’affiche dès lors qu’on passe réservation, qui n’est confirmée qu’une fois que le propriétaire est ok. On se donne rendez-vous le lendemain à 8h avant qu’elle ne parte au travail. La transaction dure moins de deux minutes le temps d’expliquer avec le sourire que sa voiture « n’est pas un bolide », et m’avertir des petites choses qui se dérèglent : une portière conducteur qui ne s’ouvre pas de l’intérieur, un système de verrouillage automatique du moteur. Je sais que l’essence n’est pas comprise dans le prix et me renseigne auprès de Ségolène. « Pas de souci, pour une si courte distance, n’en remettez pas » ! Flexibilité, improvisation, j’aime.

Je pars sous des trombes d’eau au volant d’une twingo plus toute jeune. Pas sûre qu’elle m’aurait convenu pour un trajet plus long. Le lendemain à la même heure, Segolène ne vérifie ni les kilomètres, ni le niveau d’essence. Confiance maximale. Contrairement à Koolicar, ici les utilisateurs ne cherchent pas l’anonymat mais plutôt le contact. Sur le site, conducteurs et propriétaires s’évaluent, commentent, c’est ce qui créé la relation de confiance.

Bilan : 22 euros (avec supplément de 4 € pour baisser la franchise à 150€)/ 24h/ 53 km

Condition locataire : un permis valide depuis plus de deux ans, une carte bleue au nom du locataire.

Nombre de voitures : 364 inscrits dans un rayon de 20km autour de Bordeaux

Le + : la multiplicité des types de véhicules et des tarifs, la possibilité de louer sur du long terme, le rapport direct avec le propriétaire

Le – : on ne connait jamais vraiment l’état du véhicule, l’essence n’est pas comprise

Pionnier de l’autopartage à Bordeaux, Citiz (ex Autocool) propose 51 véhicules à Bordeaux. (photo Citiz)

Étape 3 : une soirée culture avec une twingo Citiz

Citiz, c’est le pionnier de l’autopartage à Bordeaux, qui apparait en 2001 sous le nom d’Autocomm. L’association compte alors trois membres et une seule voiture partagée. En 2007, l’association recrute un salarié puis se transforme en structure coopérative, Autocool, avant de devenir l’an dernier Citiz, qui réunit sous le même nom le réseau de 16 partenaires répartis dans 80 villes de France. Dès Autocool, la coopérative a été soutenue financièrement par la CUB et la ville de Bordeaux, qui sont même entrées dans son capital à hauteur de 15% (avec Mérignac et Cenon).

Il ne s’agit pas d’autopartage entre particuliers mais de voitures en libre-service avec un parc de 51 voitures réparties plutôt en centre ville (26 stations sur la CUB), qu’on loue à l’heure, à la journée, à la soirée, ou pour un week-end. Les formules sont modulables, les voitures aussi, de toutes tailles. Les prix sont dégressifs selon l’abonnement (5 à 10 euros par mois), et il existe même une formule Liberté sans abonnement (l’inscription est gratuite depuis le 1er janvier). On paye ensuite à l’heure et au kilomètre, avec l’obligation de ramener la voiture à la station de départ.

• Prévoir des horaires larges pour l’autopartage

J’opte pour une formule Liberté, pour une soirée culturelle à Pessac. Je réserve sur le site internet la veille, une twingo à la station Nansouty à 19h. Je dois indiquer mon horaire de retour, 23h15. J’arrive à l’heure, mais la station Citiz est… vide ! La centrale téléphonique bordelaise connectée 24h/24 me confirme que l’utilisateur précédent est en retard. « Je l’appelle », me dit-elle. Sans succès. Elle me propose immédiatement une voiture à la station la plus proche. J’attends encore 15 minutes avant d’accepter.

A Bergonié m’attend la même twingo tout confort. Comme Koolicar, ma carte d’abonné ouvre la voiture, les clés sont dans la boite à gant, attachées à un terminal. Je pars finalement avec 20 minutes de retard sur l’horaire prévu. Niolas Guenro, directeur Citiz Bordeaux Métropole & développement réseau, m’explique le lendemain qu’au-delà d’un retard toléré de 15 minutes, une pénalité de 10€ par heure est prévue. Et me précise :

« L’usager précédent a essayé de prolonger sa réservation vers 17h30 depuis le clavier du véhicule, mais la prolongation étant impossible, elle a échoué. Il aurait alors du appeler (gratuitement) la centrale d’appel qui vous aurait ensuite prévenu. »

Chez Citiz, la ponctualité est donc un vrai gage du partage sans encombre des véhicules. Mieux vaut prévoir un peu large pour les horaires de déplacement !

Bilan : 29 km / 4h / 22,50 € avec l’essence

Frais inscription : gratuits. 150 € de dépôt de garantie, rendus à la résiliation de l’abonnement. 500 € de caution (non encaissé)

Conditions locataire : avoir un permis en cours de validité, ne pas avoir fait l’objet de condamnation pour état d’ivresse au cours des 5 dernières années, ne pas avoir fait l’objet d’un retrait de permis de conduire supérieur à 45 jours au cours des 3 dernières années

Nombre de voitures : 51, de la twingo à la kangoo en passant par la Toyota Yaris hybrides

Nombre de conducteurs : 1500

Nombre de stations : 26

Le + : un tarif réduit (étudiants, demandeurs d’emploi), un service 24h/24, un partenariat avec la TBC qui offre des avantages aux abonnés (TBCool), un parking assuré

Le – : des stations surtout en centre ville de Bordeaux, des horaires à respecter strictement

Aller plus loin

Notre encadré : L’autopartage, un frein à la voiture ?
Enquête nationale 2012 sur l’autopartage par le laboratoire 6T, téléchargeable sur le site de l’ADEME
Le site de Citiz bordeaux
Le site de Koolicar
Le site de Drivy


#autopartage

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Photo : WS/Rue89 Bordeaux

Photo : Oliver Degabriele/Flick/CC

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