Enquêtes et actualités gavé locales

Pour les 10 ans de votre média : objectif 2000 abonné⋅es

30/04/2024 date de fin
719 abonné⋅es sur 2 000
Pour ses 10 ans, Rue89 Bordeaux propose un abonnement à 10€/an et vise les 2000 abonné.es

Ces restos qui tablent sur les produits locaux

Deux tables bordelaises composent leurs cartes exclusivement avec des ingrédients locaux. La Soupe au caillou est 100 % bio et végétarienne. Belle campagne se fournit dans un rayon de 250 kilomètres. Malgré cette éthique exigeante, la qualité est au rendez-vous.

Cet article est en accès libre. Pour soutenir Rue89Bordeaux, abonnez-vous.

Ces restos qui tablent sur les produits locaux

Le bar-restau Belle Campagne est ouvert le soir rue des Bahutiers, dans le quartier Saint-Pierre (photo SB/Rue89 Bordeaux)
Le bar-restau Belle Campagne est ouvert le soir rue des Bahutiers, dans le quartier Saint-Pierre (photo SB/Rue89 Bordeaux)

Il y avait du beau monde à Belle campagne, mercredi dernier. A l’invitation du site Ecolo Info, une cinquantaine de personnes sont venus parler « locavorisme » en son nouveau temple bordelais. Ouvert depuis six mois, ce bar-restaurant mijote des plats dont les ingrédients ont tous été produits dans un rayon de 250 kilomètres. Une nouvelle preuve que l’engouement pour l’alimentation du terroir, fondé sur des raisons gastronomiques, écologiques et sociales, ne se dément pas.

Après les circuits courts entre agriculteurs et consommateurs, types Amap ou Ruche qui dit oui, le « made in local » passe donc à table à Bordeaux. Belle campagne rejoint dans cette veine La soupe au caillou, une autre bonne adresse sise à Saint-Michel (et peut-être d’autres, n’hésitez pas à nous les signaler). Nous les avons testées.

1 – Qu’y mange-t-on ?

Malgré son nom tiré d’un fameux conte, la cantine de la place Maucaillou n’est pas ouverte pour souper. En revanche, La Soupe au caillou propose le midi des formules abordables (13 euros avec un café), puis fait salon de thé jusqu’à 18h. Le crédo : bio, local (donc de saison), et végétarien.

« Parce que nous mangeons nous-mêmes comme ça, et qu’on connaît la galère pour trouver un resto végétarien à Bordeaux ! », sourit la fondatrice trentenaire du resto, Annie Lecomte.

Nous déjeunons d’un steak végé à l’indienne (haricots, riz, légumes et épices), accompagné d’une purée brocolis-pommes de terre, et d’une belle salade composée (aux légumes de saison, bien sûr). Le tout est très fin, parfumé, et copieux. On aurait aussi pu opter pour des légumes sautés à la japonaise ou pour des lasagnes (veggies aussi).

En dessert, la tarte aux citrons est sold-out, nous prenons un brownie. S’il est aussi bio (et bon), le chocolat fait partie, avec le thé, le café, le sucre et la plupart des épices, des produits non locaux servies à La Soupe.

Légumes du Haillan et boudin de canard

Chez Belle campagne, qui recherche pour tous ses ingrédients des fournisseurs situés à 250 kilomètres à la ronde, on affirme que le café est le seul produit de la carte qui échappe à cette règle.

« Par exemple, on a décidé de se passer de poivre, et on essaie de remplacer au maximum le sucre par du miel, mais c’est compliqué pour les gâteaux », explique son jeune co-gérant, Adrien Bucquet.

S’il ne recherche pas absolument des producteurs bio, ce dernier assure que ses fournisseurs sont dans des démarches qualité qui s’en rapprochent. Son resto n’est pas non plus végétarien : parmentier au jarret de bœuf, boudin de canard, manchons de poulet… Les carnivores se lèchent les babines chez Belle campagne, que nous essayons entre amis, le soir (le restau est ouvert de 18h à 1h).

Mais la carte tente de satisfaire tout le monde, avec quelques plats convenant aux végétariens. L’assiette de légumes du Haillan est savoureuse et les frites maison et leur aïoli ont un grand succès. Les desserts (gâteau de carottes ou poire aux noix rôties) sont tops.

Le tout à des prix très corrects pour la qualité – de 3,5 euros à 7 euros les « finger food » (il paraît que ça fait plus chic que tapas), de 15 à 18 euros les plats. Les boissons (bière du Mascaret, vins du cru ou de la Loire…) sont en revanche relativement plus chères.

Annie Lecomte, la patronne de la Soupe au caillou (à droite), son équipe et ses filles (photo SB/Rue89 Bordeaux)
Annie Lecomte, la patronne de la Soupe au caillou (à droite), son équipe et ses filles (photo SB/Rue89 Bordeaux)

2 – Composer une carte locavore, c’est compliqué ?

Annie Lecomte, de La soupe au caillou, est plutôt avantagée : son mari, Icham, tient l’étal bio du marché des Capucins. Il se fournit en Gironde, mais surtout dans le Lot-et-Garonne.

« A part le vin, c’est dur de trouver des produits bio près de Bordeaux », souligne-t-elle.

Alors le restaurant a renoncé à certains produits importés de contrées lointaines, comme les framboises ou les scorsonères (genre de salsifis). Mais le plus difficile est, selon Annie Lecomte, « de changer l’habitude qu’ont les gens de tout avoir en toute saison. Au début, nos clients ne comprenaient pas qu’on ne mette pas de concombres dans nos crudités en hiver, ou qu’on ne propose pas de tarte aux myrtilles en décembre. On leur a expliqué et on n’a plus ce genre de questions ».

Adrien et les 40 producteurs

Chez Belle Campagne, Adrien Bucquet et Manuel Dagens passent beaucoup de temps à dénicher des fournisseurs, d’où l’ouverture du restaurant seulement en soirées. Ils travaillent avec 40 producteurs, qui leur permettent de tenir leur règle locavore. Parfois non sans difficultés : vu le succès du restaurant, qui affiche souvent complet, la quantité a parfois du mal à suivre. Les fournisseurs de pommes de terre de Belle campagne sont en rupture de stock.

Il faut donc multiplier les touches. Les deux jeunes cofondateurs ont par exemple signé récemment un accord avec des pêcheurs artisanaux, pour proposer des poissons issus à 100 % de la région. Ils sont ainsi les premiers à Bordeaux à garantir la provenance locale de leurs poissons.

Adrien Bucquet nous fait par ailleurs goûter en exclusivité quelques huîtres non triploïdes de Ostrea Chanca, à Cap Ferret. Et il est très fier d’une trouvaille récente : un producteur et transformateur de céréales bio de Blasimon (Gironde), Eric Berjon, qui produit notamment de l’huile de soja, indispensable aux woks.

Belle campagne compte en faire profiter tout le monde, puisque le restaurant va ouvrir une épicerie dans la même rue. Ces locavores ont les dents longues !

3 – Quelle ambiance ?

Entre les deux restos locavores, on est presque aux antipodes. Les horaires y sont pour beaucoup : dans la journée, jusqu’à 40 personnes viennent manger à La soupe au caillou ; plutôt des gens du quartier, mais aussi quelques habitués venus de plus loin, notamment pour sa cuisine végétarienne. Le public est plus différent et familial le samedi, avec un brunch servi aux chineurs de la brocante. Mais l’ambiance est toujours détendue, à la bonne franquette. Sur les murs, les artistes de Saint-Michel peuvent présenter leurs œuvres.

La cantine tourne, mais Annie Lecomte attend avec impatience la fin des travaux sur la place Saint-Michel et sur la place du Maucaillou, envahie par les voitures.

Belle campagne surfe sur le succès actuel de Saint-Pierre. La déco et le style sont léchés, la musique est chouette et éclectique. C’est branché, mais supportable, et même plutôt cool. On l’a dit plus haut, le resto affiche donc souvent complet, mieux vaut réserver.

Y aller

Belle Campagne : 15, rue des Bahutiers, 33000 Bordeaux. 05 56 81 16 51

Mardi – Samedi : 18h – 01h. Dimanche : 10h – 15h

La soupe au caillou : 6a, place du Maucaillou, 33000 Bordeaux. 05 56 78 07 74

Lundi – vendredi : 9h30 – 17h. Samedi : 10h – 16h


#agriculture biologique

Activez les notifications pour être alerté des nouveaux articles publiés en lien avec ce sujet.

Voir tous les articles

À lire ensuite


Mildiou dans le Bordelais : série noire pour les vignerons, carte blanche aux pesticides ?

Photo : SB/Rue89 Bordeaux

Terre de liens, 20 ans de lutte en Aquitaine contre les campagnes sans paysans

Photo : Crédit : Terre de Liens Aquitaine

Plus d'options