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La bataille de Pessac aura bien lieu

Cela faisait 25 ans que Pessac n’avait pas connu de 2e tour aux élections municipales. Fief socialiste, chasse gardée d’Alain Rousset qui y officia de 1989 à 1995 et qui compte bien s’y représenter en 2020, Pessac hésite à redonner une majorité au maire sortant Jean-Jacques Benoît. En embuscade, Franck Raynal, tête de liste UMP, voudrait bien créer la surprise dimanche soir, et faire basculer dans l’escarcelle déjà bien pleine de la droite communautaire, la troisième ville de l’agglo.

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La bataille de Pessac aura bien lieu

Jean-Jacques Benoît entouré de Noël Mamère et Alain Rousset (Stéphanie Pichon/Rue89 Bordeaux)
Jean-Jacques Benoît entouré de Noël Mamère et Alain Rousset (Stéphanie Pichon/Rue89 Bordeaux)

C’est semaine de bataille à Pessac. Mercredi soir, chaque camp affutait ses troupes dans dans deux meetings musclés d’entre-deux tours. L’outsider Franck Raynal au Royal, le maire sortant Jean-Jacques Benoît à quelques centaines de mètres, à la salle Bellegrave. Chacun soutenus par des ténors de la vie politique, Alain Juppé d’un côté, Alain Rousset et Noël Mamère de l’autre. C’est qu’il y a de l’enjeu et du suspense. Si la ville de 57 000 habitants, aux 8 élus communautaires, tombait à droite, cela affaiblirait un peu plus les socialistes dans les rangs de la CUB.

450 voix d’écart

« Je suis arrivé en tête, c’est l’essentiel », se rassure Jean-Jacques Benoît, le maire se présentant pour un deuxième mandat. « Et la droite n’a pas de réserve de voix ».

Le ballotage favorable (39,37% contre 37,29% pour Franck Raynal), l’alliance avec la liste sans étiquette de Charles Zaiter (8,74%) et l’appel de la liste NPA d’Isabelle Ufferte (5,58%) à battre la droite ont beau l’avantager, l’équipe socialiste tremble de ne pas réussir à conserver ce bastion de la CUB quand la droite, portée par la vague bleue déferlant sur la CUB, y croit comme jamais.

Dimanche le match sera serré dans une commune qui avait l’habitude, depuis 25 ans et la première élection d’Alain Rousset en 1989, d’élire sur un plateau, et au premier tour, ses maires socialistes. Si l’affiche était la même qu’en 2008 – Franck Raynal (UMP) contre Jean-Jacques Benoît (PS) -, le score s’est avéré plus inédit. Seulement 450 voix séparaient les deux candidats au premier tour contre 4600 voix en 2008.

L’arrivée de deux nouvelles listes dans l’échiquier politique local a largement changé la donne. Le Front National n’était plus présent à Pessac depuis 1995 et Gérard Aupetit a recueilli 9,03% des suffrages, soit 1971 voix, qu’il a décidé de ne pas donner au candidat de droite.

Quant à la liste sans étiquette «citoyens pessacais» du caméléon politique Charles Zaiter, elle a créé la surprise en se hissant à 8,74% des voix (1907 votes), bien vite rapatriées sur la liste de rassemblement de la gauche au soir du premier tour, malgré les appels du pied pressants de Franck Raynal.

Meetings simultanés

Mercredi soir, les deux équipes ont abattu leurs dernières cartes dans des meetings simultanés, où, derrière le match Raynal-Benoît, se jouait un autre duel entre Alain Juppé, et Alain Rousset, président de la région aquitaine, député de la 7e circonscription, figure tutélaire de Pessac la rose, et installé à la dernière place toute symbolique de la liste de la gauche.

Comme pour accréditer les mauvaises langues qui lui reprochent son manque de charisme, Jean-Jacques Benoît, devant 600 supporters, a pris la parole en dernier. Derrière Noël Mamère venu enflammer la grande salle de Bellegrave pour sonner l’heure du rassemblement de gauche. Derrière Alain Rousset, qui dit encore « nous » en parlant du bilan pessacais en citant peu de fois le nom du maire pendant sa longue tribune. Et même derrière Charles Zaiter, l’allié du deuxième tour, qui, il y a un an encore démissionnait avec perte et fracas du conseil municipal où il siégeait avec la majorité.

« Je crois que sa venue dans notre liste est une excellente nouvelle et la marque qu’on va faire de grandes choses ensemble à Pessac. »

Alain Juppé venu soutenir Franck Raynal (Stéphanie Pichon/Rue89 Bordeaux)

Au même moment au Royal, une salle aux dimensions plus modestes, les chaises manquent pour accueillir tous les sympathisants UMP. « Ce sera un meeting debout » se lamente une militante, « comment va-t-on faire asseoir les personnes âgées ? » qui sont effectivement nombreuses dans l’assistance.

Franck Raynal n’a pas les mêmes égards que son adversaire pour son mentor, Alain Juppé, et prend le micro en premier pour appeler à une « veillée d’armes » et à terminer « la bataille de Pessac ». Derrière lui, debout sur la scène, Alain Juppé attend patiemment son tour, entouré des colistiers de la liste Pessac Avenir et de presque tous les maires de centre et de droite de la CUB élus dès le premier tour.

Les premiers mots du maire de Bordeaux iront à Franck Raynal « un homme qui a de l’énergie, une vision claire, concrète, réaliste ». Sur le pupitre figurent ces mots en jaune « Voter Franck Raynal à Pessac, c’est voter Alain Juppé à la CUB ». « Après la Madrellie du Nord, il faut faire chuter la Roussétie du Sud », martèle l’outsider.

« La bataille de Pessac n’est pas la seule à être encore menée » évoquant aussi Saint-Médard-en-Jalles et Mérignac, « qui paraissaient il y a peu de temps imprenables ».

Un vote sanction national

Effectivement, comment cette ville considérée comme acquise par la gauche locale, a t-elle pu ainsi vacillé ?

Pour Jean-Jacques Benoît : « C’est la politique nationale qui nous frappe de plein fouet. C’est un vote d’exaspération qui n’a pas tellement de rapport avec la vie locale ».

Alain Rousset ne cache pas qu’il est « un peu déçu, mais on est dans un recul qui est malheureusement dans la fourchette de baisse nationale de 10 à 20% ». Autrement dit, la gifle a eu lieu à Pessac comme ailleurs, et le bilan du maire sortant ne serait pas en cause.

Pourtant des critiques se sont fait entendre, la première venant de son nouvel allié Charles Zaiter. Ce dernier démissionnait il y a un an du Conseil Municipal, agacé par les atermoiements sur le projet de lieu de culte musulman mais surtout par « une gestion municipale en solo : pas de concertation, pas d’échanges, tout se fait selon les options du maire, pas de discussions ni de prise en compte des opinions exprimées ».

Un an après, les deux hommes assurent être à nouveau sur la même longueur d’ondes, persuadés que leurs valeurs et leurs projets se rejoignent.

« Dans une famille il peut y avoir des différends. Sa démission m’a questionné. J’ai entendu qu’il fallait une vie démocratique plus vivace, où l’on puisse s’écouter les uns les autres. »

Rousset, effet repoussoir ou atout cœur ?

Pour Franck Raynal, ce vote mitigé marque « un effet Rousset qui s’émousse » :

« Les Pessacais ne supportent plus qu’Alain Rousset considère que c’est sa propriété, son fief, que la ville lui appartient. »

Atout cœur d’un côté, repoussoir de l’autre, Alain Rousset semble avoir encore toute sa place dans la campagne, même en place non éligible.

« Si j’ai voulu être sur cette liste, même en dernière position, c’est pour rappeler ce qui s’y est fait. »

N’a-t-il pas annoncé à quelques jours du premier tour, qu’il était prêt à être maire en 2020 ?

« J’ai un peu fait le tour, j’ai présidé la CUB, la Région, j’ai été député. A 63 ans, je me dis que je ne vais pas rester indéfiniment dans les jeux politiques. Je peux apporter des choses aux Pessacais. »

Quitte à renvoyer Jean-Jacques Benoît au rôle de maire par intérim pendant son absence.

« Il aura fait deux mandats, il est plus âgé que moi. C’est un peu un juste retour. »

Aujourd’hui encore le maire sortant s’inscrit dans un héritage « Roussétien », et continue à défendre une identité pessacaise du « bien vivre » rendu possible par la culture (le cinéma Jean Eustache et ses 200 000 entrées par an, le festival du film d’histoire), les espaces verts nombreux dans la ville, l’urbanisme maitrisé, un centre ville rénové.

Même le grand projet de parc animalier et végétal au Parc du Bourgail – appelé le SAVE officiellement, le « grand zoo » officieusement – remonte aux années Rousset. Ce point phare du programme municipal socialiste à venir, atout touristique pour toute la métropole, est remis en cause par Franck Raynal, qui a dores et déjà programmé son arrêt en cas de victoire.

Le candidat UMP y voit un projet coûteux et sans intérêt pour les Pessacais et préfère promettre « une meilleure gestion de la ville en restaurant de nouvelles marges de manœuvre budgétaires, en relançant la machine de l’investissement et en lançant dès son arrivée un audit financier et organisationnel de la mairie ».

A travers cet exemple ce sont deux visions de la ville qui s’affrontent. Pessac tranchera dimanche soir.


#Alain Juppé

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