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30/04/2024 date de fin
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Poutou : « On veut mettre les mains dans le cambouis »

Tête de liste du Nouveau parti anticapitaliste (NPA) et ancien candidat à la présidentielle, Philippe Poutou vise les 5% à l’élection municipale. Ce score offrirait un siège au NPA en cas de victoire d’Alain Juppé au premier tour, et une nouvelle tribune pour l’ouvrier de Ford. Suite de notre série d’entretiens avec les candidats bordelais.

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Poutou : « On veut mettre les mains dans le cambouis »

Philippe Poutou est crédité de 3% d'intentions de vote dans un récent sondage (Photo Anne Chaput/Rue89 Bordeaux)
Philippe Poutou est crédité de 3% d’intentions de vote dans un récent sondage (Photo Anne Chaput/Rue89 Bordeaux)

Rue89 Bordeaux : Quel est votre objectif pour cette élection municipale, au delà d’une candidature de témoignage ?

Philippe Poutou : Au départ, je ne voulais pas être tête de liste, mais on m’a convaincu que cela aurait été du gâchis de ne pas profiter de ma petite notoriété acquise lors de la présidentielle. En 2008, nous avions fait 3%, alors que la Ligue communiste révolutionnaire avait le vent en poupe, et s’apprêtait à créer le NPA. Un sondage me donne pour l’instant un score similaire. On sent qu’on peut atteindre la barre des 5%, ce qui nous garantirait un élu si l’élection se joue au premier tour.

Assez pour peser localement ?

On nous reproche beaucoup de ne pas mettre les mains dans le cambouis. Cela nous permettrait d’exister, d’apparaître comme une des voix de l’opposition, et de nous mêler aux affaires de la ville. Nous avons besoin d’apprendre comment tout cela fonctionne. On pourrait faire des propositions, et nous appuyer sur les mouvement sociaux. Mais on sait aussi que cela sera difficile de faire un bon score. L’ambiance est plutôt fataliste, les gens désespérés, on souffre de ça.

Siègerez-vous au conseil municipal si vous êtes élu ?

Oui, je participerai. Cela m’embêterait un peu car je veux toujours travailler à l’usine [NDLR : Ford, à Blanquefort], où je bosse 4 jours par semaine. Mais il faudra bien jouer le jeu. Ce serait un petit évènement qu’un élu anti-capitaliste arrive au Palais Rohan ! Et puis être conseiller municipal et communautaire, puisque je siègerai aussi à la CUB en cas d’élection, cela fait partie de la vie démocratique telle qu’on la souhaite. Ce n’est pas comme être président de la République, fonction antidémocratique par excellence.

« La cogestion colle aux basques de Feltesse »

Vous espérez donc que l’élection se joue à un tour, tant pis si la gauche n’arrive pas à se qualifier…

Ce serait bien qu’Alain Juppé, ou même Vincent Feltesse gagne au premier tour ! Les règles sont anti-démocratiques mais ce n’est pas nous qui les fixons. Nous sommes pour la proportionnelle intégrale, qui répartirait les sièges en fonction des scores du premier tour.

Mais la multiplication des candidatures gêne plutôt Vincent Feltesse… Quelles différences faites-vous entre lui et Alain Juppé ?

Je ne dis pas bonnet blanc et blanc bonnet. Humainement, les deux hommes sont très différents, et le côté atypique et sincère de Feltesse n’est pas déplaisant. A la fin du dernier débat télévisé, il m’a dédicacé son bouquin, quand Juppé a refusé de me serrer la main. Je crois qu’il n’a pas aimé que je rappelle sur le plateau sa condamnation dans l’affaire des emplois fictifs de la Ville de Paris, en déclarant qu’à mon sens un élu condamné ne devrait pas pouvoir se représenter. Lorsqu’il était maire de Blanquefort, Feltesse nous a aussi beaucoup aidé dans la lutte des Ford. En revanche, les socialistes mènent la même politique libérale que la droite. Cette même logique de pensée se traduit dans la cogestion de la CUB, qui colle aux basques de Feltesse. Comment apparaître comme un opposant à Juppé dans ces conditions ? On l’a par ailleurs peu entendu Feltesse s’indigner des propos et de la politique de Valls.

Quelle politique pourriez-vous mener dans une ville ?

La question fondamentale pour nous, c’est que les besoins de la population doivent être entre les mains des services publics, pas de sociétés privées qui en profitent pour détourner des richesses. On défend la gratuité de l’accès à la culture dans les quartiers, et celle des transports en commun.

Comment la financer alors que ce service est déjà déficitaire ? Et pourquoi les riches ne paieraient-ils plus le tram ?

Cela coûterait moins cher si c’était complètement municipalisé. Le délégataire de service public, Keolis en l’occurrence, fait forcément sa marge.  C’est une question de principe : comment pourrait-on mieux répondre à un besoin social ? En temps de crise, cela redonnerait des moyens aux plus pauvres. Quant aux riches, ils contribuent déjà, via l’impôt, au financement des transports. Même si les financements sont compliqués, la politique devrait vraiment répondre aux besoins de se déplacer des gens : la femme de ménage qui doit se déplacer 10 fois dans la journée, ou l’ouvrier qui doit prendre sa voiture parce que les bus ne circulent pas tôt le matin ou tard le soir, ou parce que son usine n’est pas desservie par les transports. Mais ces gens ne sont pas écoutés par les élus. Alain Juppé répond ainsi qu’il n’y a aucun souci, parce qu’il s’engage à faire plus de crèches et plus de logements sociaux. Et le PS préfère ne pas trop évoquer la baisse des dotations de l’Etat aux collectivités…

Vous défendez aussi la réquisition des logements vides, alors que c’est une prérogative de l’État…

C’est ce que nous répond le maire, et c’est vrai que cela dépend de la loi et de l’action du préfet. Mais sa réponse est insatisfaisante. Le maire peut prendre l’initiative et faire pression pour obtenir de la préfecture la réquisition des quelques 15 000 logements vides recensés sur la CUB par Droit au logement.

Diriez-vous, pour paraphraser Nathalie Arthaud, de Lutte Ouvrière, qu’on ne fait pas une liste pour sortir Bordeaux du capitalisme ?

Heureusement qu’on peut agir pour limiter la casse et créer des exemples, sinon… Quand on a commencé à se battre pour sauver l’usine de Blanquefort, on nous disait que ça ne servirait à rien, que tout se décidait à Detroit, et qu’au siège de Ford on en avait rien à fiche de son site en Gironde. En politique, c’est pareil, rien n’est joué d’avance. Donc, Arthaud a tort.


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