Rue89 Bordeaux : Quels sont les objectifs d’Enercoop Aquitaine ? Espérez vous débaucher beaucoup de clients d’EDF ?
Yohann Didier : On voudrait surtout que la coopérative devienne un outil de gouvernance locale de l’énergie, qu’elle mobilise les acteurs de la transition énergétique. Nous avons trois métiers : commercialiser notre offre d’électricité auprès de nos 900 clients en Aquitaine pour l’instant – nous en visons 7500 en 2020 ; développer des outils de production avec notamment notre système national de financement solidaire, Energie partagée ; et proposer des services d’accompagnement des clients (particuliers, entreprises ou collectivités) pour les aider à réduire leur consommation électrique. Nos clients ont d’ailleurs un profil particulier, car ils sont déjà sensibilisés aux écogestes et consomment 20% d’électricité en moins que les autres.
Mais ils payent plus cher…
Oui, de l’ordre de 20% de plus que les clients d’EDF. Mais l’écart est en train de se réduire car les tarifs de l’électricité augmentent. Selon la Commission de régulation de l’énergie, ils doivent grimper de 30% d’ici 2017, de 50% d’ici 2020, notamment afin de financer les travaux de prolongation de durée de vie des centrales nucléaires. A ce rythme, nous serons rapidement compétitifs. Notre grand-frère Ecopower, une coopérative belge, est même 15% moins chère que ses concurrents, car elle maîtrise toute la filière, de la production à la distribution, et n’a aucun dividende à reverser à ses actionnaires. Résultat, elle doit refuser de nouveaux abonnés, faute de capacités de production suffisante !
Et vous, parvenez-vous à alimenter vos clients avec une production locale ?
Pour l’instant, cette production ne répond seulement qu’à la consommation de 300 à 400 de nos clients. Elle vient essentiellement d’une centrale hydroélectrique à Saint-Aulaye, en Dordogne, ainsi que de quelques petits producteurs photovoltaïques. Le reste est fournie par des producteurs d’énergie renouvelable situés ailleurs en France. Pourtant, l’Aquitaine est sans doute la région qui a le plus fort potentiel pour les énergies renouvelables – éolien terrestre et offshore, hydroliennes, biomasse de la forêt et de la viticulture, géothermie… Manque peut être une production conséquente en biogaz, qui permettrait de stocker les énergies renouvelables. Mais notre problème, c’est surtout qu’on ne peut pas intégrer dans notre offre les parcs de production d’énergie renouvelable neufs. Car contrairement à EDF, on ne bénéficie pas de la contribution au service public de l’énergie (CSPE).
C’est-à-dire ?
Tous le monde paye sur sa facture EDF cette CSPE, qui compense l’obligation de rachat par l’électricien de l’énergie renouvelable produite par tout un chacun. Afin de soutenir cette production, les tarifs de rachat sont en effet plus élevés. Pour 1 kilowatt/heure acheté 30 centimes à un particulier, EDF est compensé 25 centimes par la CSPE. Pas nous, et c’est un vrai blocage qui on l’espère va être levée par l’Europe. Comme les tarifs d’obligation d’achat pour l’hydroélectricité sont désormais terminés, on a pu capter la production d’une quarantaine de petites centrales sur les 1800 centrales passées dans le marché, dont quelques unes dans les Pyrénées et en Dordogne.
Après deux ans de travail, votre association de préfiguration d’Enercoop Aquitaine vient de donner naissance à une coopérative, la septième société régionale d’Enercoop en France. Qu’est ce que cela change pour les clients d’Enercoop dans la région ?
Rien. Ils restent clients d’Enercoop national tant que nous ne commercialisons pas encore notre offre, ce que l’on devrait faire d’ici 2018. En revanche, les clients sociétaires d’Enercoop France pourront intégrer le sociétariat local – il en coûte 100 euros la part sociale. Nous avons pour l’heure 33 sociétaires.
Êtes vous optimiste pour le développement d’Enercoop Aquitaine ?
Oui, car en appliquant à l’Aquitaine les résultats d’une enquête de l’Ademe menée en 2008 sur la sensibilisation des gens à l’électricité verte, on estimait que les gens très militants représentaient un vivier potentiel de 300 000 foyers, sur 1,7 million de compteurs. Et puis la région est bien engagée dans la transition énergétique avec notamment plusieurs Territoires à énergie positive labellisés.
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