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Marc Morisset : « Le revenu de base est un changement de paradigme »

La première université d’été du Mouvement Français pour un Revenu de Base s’est tenue les 21, 22 et 23 août à Coulounieix-Chamiers en Dordogne. Dans ce cadre, une rencontre atelier a eu lieu à Bordeaux pendant les journées d’Europe Écologie-Les Verts. Entretien avec son animateur, Marc Morisset.

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Marc Morisset : « Le revenu de base est un changement de paradigme »

Le revenu de base, vers une nouvelle société ? (John Potter/Pixabay)
Le revenu de base, vers une nouvelle société ? (John Potter/Pixabay)

Et si chaque citoyen recevait un revenu inconditionnel, qu’il soit pauvre ou riche, actif ou chômeur ? Un revenu de base, qui sera le même pour tout le monde, cumulable même avec d’autres revenus. L’idée détonne et étonne !

Marc Morisset (DR)

Marc Morisset, élu EELV à Saint-Médard-en-Jalles, est défenseur de ce projet. Il a animé une rencontre atelier qui a réuni, entre autres, Karima Delli (députée européenne) et Jean Desessard (sénateur) dans le cadre des Journées d’été d’Europe Écologie-Les Verts en liaison avec la première université d’été du Mouvement Français pour un Revenu de Base qui s’est tenue à Coulounieix-Chamiers (24).

Il y a deux ans, Marc Morisset s’est impliqué dans la question du revenu de base avec une conviction personnelle qui l’a amené à investir dans un matériel de base : une banderole, des T-shirts et des pins. Il y a vu un changement indispensable aux paradigmes dominants qui correspond à ses idées écologiques.

« L’EELV avait déjà une idée semblable dans son programme, celle de réserver aux jeunes entre 18 et 25 ans un revenu qui permettrait leur lancement dans la vie active. Une idée qui était défendue par Eva Joly pendant la dernière présidentielle. »

Il s’est retrouvé propulsé par son parti à la défense de cette question. Persuadé que cette idée est entrain de faire sa place dans la politique européenne, voire internationale, il nous explique ses bienfaits dans une société « fatiguée de courir après le profit ».

Rue89 Bordeaux : Le revenu de base inconditionnel, c’est quoi ?

Marc Morisset : Je me réfère à sa définition officielle sur le site :

« Le revenu de base est un droit inaliénable, inconditionnel, cumulable avec d’autres revenus, distribué par une communauté politique à tous ses membres, de la naissance à la mort, sur base individuelle, sans contrôle des ressources ni exigence de contrepartie, dont le montant et le financement sont ajustés démocratiquement. »

J’ajouterai que c’est un revenu qui se veut émancipateur et permettrait d’assurer une existence dans la dignité et une participation dans la société. Il sous-tendrai à extraire la société de ses références monétaires.

Comment le Revenu de base peut-il être financé ?

Il y a plusieurs propositions qui ont été définies depuis une trentaine d’années. Elles prouvent que l’idée est réalisable. Le plus dur évidemment est de tester.

Il y a trois sources possibles. La première se trouve dans la théorie de Yoland Bresson, décédé malheureusement le lendemain de notre atelier. Il évoque la mise en place d’un pourcentage du PIB sur trois ans pour amorcer un premier financement.

La deuxième source est la simplification des aides déjà en place. Cette révision est également nécessaire. Toutes les dépenses en ce sens devraient être réunies pour alimenter le revenu de base et faire en sorte que les contrôles pour le droit aux aides existantes soient supprimés. Ce qui constitue en soit des économies.

La troisième source est l’impôt sur le patrimoine.

On retient donc qu’il faut supprimer des aides pour financer le revenu de base…

Il faut permettre surtout à chaque personne de se détacher de l’emploi. Si le revenu de base suffit à un certain niveau de vie pour elle, elle se consacre à autre chose. Elle peut ainsi aider son entourage. Ce qui permettra de réduire les dépenses dans certains secteurs et aspirer par là à une société moins consumériste.

Les effets du revenu de base illustrés d’après le Mouvement français pour un revenu de base (DR)

Pourquoi le revenu de base doit être inconditionnel sachant que certains n’en auraient pas besoin ?

C’est un principe important. Le revenu de base devrait être un droit constitutionnel. Les personnes qui n’en ont pas besoin et qui y accèdent malgré tout comprendront la notion de partage et ne se sentent pas exclues ou en position injuste de payer pour les autres. C’est un changement de paradigme auquel les personnes aisées participent.

Les trois piliers de la République se trouvent ainsi honorés :

– La liberté : des individus de la société se retrouvent détachés de l’emploi et pourront ainsi se consacrer à d’autres contributions comme je l’ai évoqué, à savoir le bénévolat, les tâches d’intérêt commun…

– L’égalité : le caractère inconditionnel du revenu de base illustre bien ce point.

– La fraternité : c’est le moteur de cette idée qui a pour objet de recréer une société moins marchande.

Mais il reste l’ambition, c’est dans la nature humaine !

Prenons pour exemple un jeune à la recherche d’emploi. Il est tenu donc de vivre en ville, lieu où les emplois sont plus faciles à trouver. Il trouve un travail. Pour s’y rendre, il doit se trouver un moyen de transport qui constitue une dépense. Dans certain cas, il se retrouve dans le cadre de son travail à participer à une urbanisation et une extension de la ville.

Pour pousser l’exemple, un terrain qui appartient à sa famille dans le village d’où il est natif se retrouve soit sur la tracé d’une autoroute, soit sur les plans d’un supermarché. Il participe alors à sa disparition.

Si on repart à zéro et que ce jeune ne soit pas dans la survie et dans l’urgence de trouver une source de revenus, le terrain en question lui aurait peut-être donner envie d’un projet : la création d’une amap ou autre.

De ce côté, le revenu de base déverrouille des envies comme celle de participer à une société avec des projets utiles, en opposition aux grands projets inutiles.

Sachant qu’il va attirer les convoitises, comment peut on rendre ce revenu européen voire international ?

Il y a déjà un mouvement mondial qui défend cette idée : le BIEN. Il a d’abord été le Basic Income European Network en 1986 avant de devenir le Basic Income Earth Network en 2004. Ce mouvement compte parmi ses fondateurs Yoland Bresson.

A l’échelle européenne, le Revenu de base concourt au statut de l’Initiation citoyenne européenne (ICE). Pour 2014, 285 000 signatures ont été récoltées alors qu’il en fallait un million. Pour 2015, les modalités de l’ICE sont à revoir, nous sommes en attente.

A l’échelle mondiale, c’est un mouvement qui se greffe sur les flux financiers. Tous les pays sont concernés. Il y a différents niveaux de vie dans différents pays. Le revenu de base permettra un rééquilibrage de ces niveaux.

Son développement dans certains pays pourrait même contribuer à la lutte contre la corruption.

Concrètement, puisque vous dites qu’il y a des calculs qui rendent le revenu de base possible, quel pourrait être son montant ?

Il est estimé environ à 500 € dans un premier temps, comme une amorce de la dynamique. C’est une somme qui peut paraître dérisoire dans certaines villes, mais suffisantes dans d’autres, notamment dans les zones rurales. Ce qui permettrait une redensification de ces zones.

Il faut miser aussi sur le temps libre des personnes qui ne seront plus dans la contrainte de l’emploi. Ces personnes pourraient mettre en place une nouvelle économie basée sur le partage et l’échange. Je rappelle que ce pourrait être aussi une solution pour débarrasser notre société de ses impératifs marchands.

Comment a été développée cette idée lors de votre atelier ?

Il a été question d’autonomie dans l’application du Revenu de base. Cette autonomie permet aussi bien à l’individu de s’émanciper dans notre société comme dans d’autres sociétés et dans d’autres pays. Ce qui aide à la lutte contre l’immigration en général, et l’immigration clandestine en particulier, dans la mesure où les populations pauvres retrouvent de quoi subvenir à leurs besoins.

Nous avons également abordé une des théories de Pierre Rabhi : celle de satisfaire nos besoins sans pour autant détruire les ressources de nos enfants.

Ces ateliers reprendront pour la semaine européenne du Revenu de base qui aura lieu entre le 15 et le 21 septembre un peu partout en Europe. Dans le cadre de cette semaine, des plans d’actions s’y préparent à Bordeaux. Affaire à suivre…


#Économie

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