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Saint-Malo : La Route du Rock et de la gadoue

Un festival en été ne veut pas dire festival sous le soleil, et l’édition 2014 de la Route du Rock à Saint-Malo l’a rappelé encore cette année. La boue et la gadoue font aussi partie de la rock attitude. La preuve !

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Saint-Malo : La Route du Rock et de la gadoue

En 2014, la Route du Rock fut boueuse à Saint-Malo (JL Séré)
En 2014, la Route du Rock fut boueuse à Saint-Malo (JL Séré)

C’est entre autre avec l’idée de fuir la météo humide et venteuse qui sévissait dans le quart sud-ouest de la France que j’ai décidé de partir en Bretagne. Par la Route du Rock de Saint-Malo. Peut-être cela vous a t-il échappé mais il n’y a rien de tel que la Bretagne pour trouver le soleil. N’en déplaise aux Méridionaux, cette année la Bretagne est la région française où le temps a été le plus ensoleillé. Sans doute aussi un peu parce qu’il n’a jamais autant plu pendant un été en France depuis 1960…

Pourquoi la RDR ? Parce que c’est « le » festival des musiques indépendantes (comprendre non commerciales ou moins qu’ailleurs) où la programmation peut d’une année sur l’autre complètement passer à travers, comme en 2012 (14500 entrées et un manque à gagner de près de 150000 euros) après le beau succès de 2011 et ses 20000 entrées, le point d’équilibre étant atteint autour des 17000 entrées. Parce que c’est aussi un festival à échelle humaine (une seule scène jusqu’à l’année dernière, une deuxième inaugurée cette année) dans le cadre enchanteur du fort Saint-Père situé sur la petite commune de Saint-Père-Marc-en-Poulet (oui, oui) à une quinzaine de kilomètres de Saint-Malo, bien desservie par une navette gratuite pour les festivaliers.

La météo brrrrrrrrrrrrrrrrrretonne

Nous partons de Bordeaux en voiture pour la fameuse cité corsaire que ces pirates d’Anglais nous envient depuis des siècles. 28 euros de péage plus tard nous passons radieux Nantes et entrons en terres bretonnes où les autoroutes sont gratuites (exigence d’Anne de Bretagne lors du rattachement à la France) mais où un déluge de pluie nous accueille, sans doute symboliquement en guise de bienvenue.

Cette météo brrrrrrrrrrrrrrrrrretonne est si caricaturale que nous en rions de bon cœur. Pour être tout à fait franc, nous rions d’un jaune qui manque à ce décor, en pensant aux concerts du lendemain qui s’annoncent boueux-fangeux voire pire. Nous décidons prudemment d’éviter le premier jour avec son affiche certes pointue mais dispensable (Kurt Vile, The War on Drugs, Real Estate, Caribou, Darkside, Thee Ho Sees et The Fat White Family)…

The War on Drugs quand même, merde… Le lendemain les premiers échos du festival nous confortent dans notre choix. Le devant de la grande scène s’est très vite transformé en une sorte d’aquaboue parsemée de mares d’inégales profondeurs obligeant l’intervention pataude de camions pompes pour assainir un champ désherbé par le piétinement, gorgé de plusieurs jours de pluie ponctué en ce fameux jeudi d’un orage hallebardier de belle tenue. Faut croire que la Brrrrrrrrrrrrrretagne dispose de phénomènes climatiques particuliers que l’on rencontre nulle part ailleurs. De telles conditions n’ont pas joué en faveur des diverses prestations scéniques, donc pas trop de regret.

Une journée "sold out" malgré les conditions météo (JL Séré)
Une journée « sold out » malgré les conditions météo (JL Séré)

Une journée soleil et sold out !

Vint enfin le 15 août, jour phare de cette 24e édition avec la tête d’affiche qui allait mettre tout le monde d’accord : les Anglais (encore eux) de Portishead, 16 ans après leur première incursion dont beaucoup parlent encore. Mais avant cela il y a les derniers préparatifs, les trois couches de vêtements de pluie, le pantalon kway, les bottes en caoutchouc et… les lunettes de soleil, ce fameux, voire légendaire, voire oxymoresque, soleil breton, vous ne vouliez pas me croire, il existe et a décidé de se manifester en ce beau jour pour le plus grand bonheur des 14000 festivaliers rendant la journée « sold out » pour la seconde fois dans toute l’histoire de la RDR ! (la première ce fut en 2005 pour les Cure, édition qui détient le record d’affluence avec 27200 entrées).

Le trajet en navette est plus long que prévu car la route du rock est parsemée de défauts d’organisation. Peu à peu la galère s’installe à toutes les étapes : pour obtenir le bracelet d’accès qui ne sert à rien puisque toute sortie est « définitive », pour poireauter à l’entrée sans aucune explication, pour passer les contrôles goulots d’étranglement, pour acheter les jetons bières, pour manger un morceau, etc.

Des gens font la queue pour se faire refouler en l’absence du bracelet sésame, le personnel encadrant n’est pas informé, l’entrée sur le site prend trois quart d’heure de retard privant ainsi le gros du public du premier concert, celui des post-punk UK Cheathas : rageant !

Moquette de foin et ambiance zen

Enfin parvenu sur place, une forte odeur de foin vous saute aux narines, un foin tout ce qu’il y a de plus légal qui sert à recouvrir et assécher les vingt centimètres de crème collante qui tient lieu de sol sur l’ensemble du site… Je suis quand même impressionné par l’épaisseur de cette moquette naturelle. Les Bretons savent recevoir leurs festivaliers. Par contre les handicapés en chariot ou en béquilles n’ont visiblement pas été pris en compte dans les bisbilles budgétaires qui empêchent depuis des années les travaux de drainage et d’assainissement de l’immense flaque de gadoue qui nous entoure.

Pensées émues pour les milliers de campeurs que l’on annonce privés d’eau chaude et d’un nombre suffisant de toilettes… Aucun moyen de s’assoir non plus… Sur la grande scène Anna Calvi apparait, élégante, belle à souhait, en talons hauts qui contrastent avec nos bottes crottées jusqu’à mi-fesse. Elle est visiblement ravie de profiter des derniers rayons de ce soleil inespéré… et nous donc !

L’ambiance est zen, le son est bon, la voix est claire, distincte, lyrique, le tout peut-être un brin précieux pour un set de festival où il vaut mieux aller à l’essentiel, au moins pour couvrir les quolibets de gros cons qui souhaiteraient qu’elles se dévêtissent dans des termes peu amènes qui m’obligent à changer de place dans la crème anglaise (encore les Anglais !).

File d’attente bis

L’intermède avant Slowdive est assuré par les Américains de Protomartyr quatuor néo-punk originaire de Detroit dont la musique énervée traduit bien le spleen et la colère de cette ville officiellement déclarée en faillite économique par ses dirigeants et créanciers visionnaires. Puis vint le rock atmosphérique de Slowdive, mythique groupe anglais dont on avait perdu la trace depuis leurs trois albums parus entre 91 et 95. Leur musique mélancolique se situe entre Cocteau Twins et Mogwaî. Leur set fut parfait et émouvant tout du long, le sourire de sa jolie chanteuse Rachel Goswell qui embellit en vieillissant ne fit que confirmer cette impression planante.

En deux-trois riffs rageurs le groupe Metz qui, comme son nom l’indique, est originaire de Toronto, balaya cette béatitude en extrayant le public de la douce torpeur où les princes du Shoegaze l’avait plongé.

Pour nous c’est l’heure de partir en quête de nourriture avec nos jetons obtenus à grand peine en ayant fait une première fois la queue. Ce système de jetons est censé protéger les stands du vol mais c’est notre temps à nous que l’on vole… Double peine, double file d’attente…

Port (JL Séré)
Portishead, la tête d’affiche du festival (JL Séré)

Suite et faim

Alors bien sûr lorsque nous retournons au concert évènement de Portishead, il y a juste 10000 personnes devant nous serrées comme des sardines concarnoises. Je m’en veux d’avoir fait une erreur stratégique aussi grossière : quitter ma place pour une petite faim… Les 7 musiciens de Portishead entrent furtivement sur la scène plongée dans l’ombre épaisse de la nuit malouine. On y voit rien, c’est génial.

Les premières nappes d’un synthé magnifique déchirent cette atmosphère oppressante et, bonne surprise, le son est excellent et seconde bonne surprise, trois écrans géants relaient la voix outretombesque de Beth Gibbons sous forme d’animations picturales qui illustrent tout le bien qu’elle pense de l’exploitation humaine de la planète… Le guitariste Geoff Barrow nous raconte son plaisir d’être en ce lieu qui le ramène 16 années en arrière. La perle absolue « Roads », extrait du mythique premier album, suit ce joli clin d’œil acclamé par un public déjà emballé par un spectacle où tout est en place, fragile, précis, sur un fil ténu, maîtrisé…

Une heure de set plus tard la plupart des grands classiques du groupe ont été fidèlement interprétés, Beth Gibbons, comme à Benicassim en 2003, comme à chaque fois je pense, est descendue dans la fosse étreindre les mains qui se tendent vers elle, remercier, embrasser, faire le plein de cette chaleur humaine dont elle a tant besoin, dont nous avons tous tant besoin…

Bottes au rendez-vous de la 25e

La prestation des New-Yorkais Liars m’a paru bien brouillonne une fois de plus après leur concert de Roskilde début juillet où ils ne m’avaient guère convaincu. Ne me demandez pas ce qu’il advint de la prestation des Berlinois de Moderat, la lassitude de marcher dans la boue a eu raison de notre motivation de départ.

Ne me demandez pas non plus ce qu’il advint du troisième jour du festival, nous l’avons passé à la plage de Saint-Malo, il fait tellement beau et chaud en Bretagne ! Vivement le 25e anniversaire de la RDR que les programmeurs annoncent déjà apocalyptique ! Prévoyez les bottes !


#la Route du Rock

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