Avec un nouveau groupe au Conseil régional, Aquitaine Région Citoyenne, Gérard Boulanger (Front de gauche), Patrick Beauvillard (Nouvelle donne), Stéphane Guthinger et Patrick du Fau de Lamothe (Aquitaine écologie), veulent ouvrir une nouvelle ère dans la politique régionale et, comme la municipalité de Grenoble, servir de modèle pour une politique nationale, en toute modestie.
En mars 2010, Gérard Boulanger mène la liste du Front de gauche en Aquitaine pour les élections régionales. Cette liste obtient 5,95 % des voix au premier tour et s’associe avec la liste PS pour le second tour, Gérard Boulanger est alors élu conseiller régional. Au Conseil régional d’Aquitaine se constitue ainsi un groupe politique mixte Front de Gauche et Parti communiste composé de Gérard Boulanger et Stéphane Guthinger pour le mouvement de Mélenchon, et Alain Baché pour le PC.
La présidence de ce groupe était confiée à l’élu communiste, qui « prenait des initiatives sans jamais nous réunir » précise Gérard Boulanger. Alain Baché jette l’éponge en janvier 2013 avec l’arrivée de Patrick du Fau de Lamothe. Gérard Boulanger et Stéphane Guthinger composent alors un nouveau groupe avec le militant écologiste : Aquitaine écologie et Front de Gauche.
Pour cette troisième tentative, Aquitaine région citoyenne précise dans sa déclaration d’intention son souhait de proposer une « nouvelle offre politique alternative, à la fois écologique et économique, entrepreneuriale et sociale, citoyenne et fondée sur l’idée d’une société du bien-vivre ».
Gérard Boulanger nous en précise ici les grandes idées, et évoque des sujets qui fâchent, et que le nouveau groupe compte aborder dès sa première plénière du Conseil régional, lundi 20 octobre.
Rue89 Bordeaux : Quel est l’objectif de ce groupe ?
Gérard Boulanger : C’est le troisième groupe constitué à la Région Aquitaine. Pour son ouverture, on a voulu marquer le pas d’une manière hégélienne. Nous avons évité les références politiques dans sa dénomination d’où le nom d’Aquitaine région citoyenne. On a supprimé les références aux partis.
Concrètement cette ouverture vient du fait qu’on était souvent d’accord sur nos amendements et sur les votes concernant les amendements des autres. Pas forcément dans leur globalité mais souvent à 90% ou 95 %. Nous avons inventé un fonctionnement, sous les ricanements d’un certain nombre de nos adversaires, un fonctionnement où on n’est pas obligé d’être d’accord sur tout. Nos adversaires ne comprennent pas, ça les rend fous ! Ils n’ont pas fini de découvrir jusqu’où on peut aller dans ce type d’exercice. Mêmes sur nos désaccords, on confronte nos idées.
C’est un groupe de réflexion plus qu’un groupe politique ?
C’est un groupe malgré tout politique qui tire sa richesse sur la diversité. Nous sommes conscients qu’on ne peut pas bouleverser la donne, mais le climat à la région a déjà changé. Ce qui enrichit le débat à l’intérieur du groupe : on discute, on travaille, on donne des arguments qui peuvent parfois nous faire réfléchir. Un pacte est signé pour une liberté de vote et pour une présidence tournante tous les 6 mois. Je suis actuellement le président.
Dans ce vrai fonctionnement démocratique, nous avons franchi une étape qui me semble intéressante, d’abord pour la création d’un nouvel outil politique qui ne respecte pas la rigidité des partis traditionnels. Quand nous avons sollicité Patrick Beauvillard (un des trois vice-présidents au niveau national de Nouvelle donne avec Isabelle Attard et Pierre Larrouturou, NDLR) pour nous rejoindre, j’ai ouvert la porte à tous ceux qui veulent travailler avec nous. D’une certaine manière, on abolit les clivages politiques. Le plus important est de s’adresser au citoyen.
C’est un troisième groupe mixte qui se distingue autrement que par sa dénomination indépendante des partis ?
Ce groupe a une double caractéristique. Premièrement, nous sommes des gens de la société civile ; la politique n’est pas notre métier. Nous n’avons pas calculé notre trajectoire dès le début de notre carrière. Or la plupart de ceux qui sont dans l’hémicycle ont des logiques de carrière. Ceci emmène les partis traditionnels à des combats internes inutiles. Et on le voit encore plus fort aujourd’hui. L’UMP comme le PS se battent continuellement pour savoir qui est le prochain chef, nous voulons dépasser tout cela.
Deuxièmement, on veut mener des batailles de contenus. Il faut proposer de nouveau l’espérance. Détruire, c’est facile ; reconstruire c’est plus compliqué. Si on réussit tout le monde va nous applaudir, si on perd, on va dire que c’est rien, c’est un petit groupe.
Vous n’avez pas peur d’afficher une mauvaise image sur des votes contradictoires ?
Au contraire, il faut admettre publiquement qu’on n’est pas toujours d’accord sur un vote. Cependant, il y aura très peu de désaccord. Nous ne sommes pas regroupés pour rien. Nous avons des points commun sur l’écologie, sur l’économie et sur la société. Il y a des points sur lesquels nous allons être emmenés à interpeller tout le monde : sur l’A65, sur la LGV, comme sur le Grand Stade, contre lequel Patrick du Fau de Lamothe se bat déjà avec Matthieu Rouveyre.
On distribue énormément d’argent dans des conditions qui ne sont pas justifiés. Les financements sont publics et les bénéfices sont privés ! La Région donne 1 million de subvention pour une société dont je tairai le nom, alors que les actionnaires de cette société se sont distribués 24 millions de dividendes en trois ans.
Alors qu’avec une subvention d’1 million d’euros, on peut soutenir des centaines d’associations qui œuvrent pour la culture. 650 millions d’euros de prêts ont été accordés à des entreprises dont certaines qui n’existent plus ! On veut faire le point là-dessus surtout quand on voit ce qu’on réserve comme coupes dans les budgets de la culture.
La culture en France représente 3% du PIB et 700 000 emplois. Le festival de Cannes est la première manifestation culturelle au monde. La troisième manifestation publique après la Coupe du monde de football et les Jeux olympiques. Qu’on arrête de dénigrer la culture dans ce pays ! Sur ces questions, je suis décidé à cogner. J’ai joué le jeu pendant trois ans et ça ne donne rien. Je veux me sentir libre, je ne veux plus être dans un discours contraint.
L’appellation de votre groupe surfe sur des éléments de langage dans l’air du temps !
Ce ne sont pas des éléments de langage, ce sont de vraies convictions. Le Front de gauche s’est toujours positionné sur la question de l’écologie et de la citoyenneté. Jean-Luc Mélenchon l’a prouvé plusieurs fois. La question du réchauffement climatique n’est pas le monopole des partis verts, ni de gauche, même à droite on se pose la question. Ce n’est pas du politiquement correct, c’est un vrai souci. Il se passe des choses très graves et je veux faire converger des forces qui pensent la même chose. Les petits désaccords ne sont pas un frein. Claude Levi Strauss disait « le monde existait avant l’homme et il continuera d’exister après l’homme », tâchons de ne pas l’abîmer entre temps.
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