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Fabien Robert passe l’épreuve de la culture au conseil municipal

Fabien Robert, adjoint au maire en charge de la culture à la mairie de Bordeaux, a présenté ce lundi son document d’orientation culturel (DOC) en conseil municipal. Un « débat serein », avec des hommages de tout bord au travail accompli, là où on s’attendait à des échanges tendus.

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Fabien Robert passe l’épreuve de la culture au conseil municipal

Fabien Robert lors de la présentation du DOC à la presse (WS/Rue89 Bordeaux)
Fabien Robert lors de la présentation du DOC à la presse (WS/Rue89 Bordeaux)

 « Vous avez été gentils avec moi, je vais être gentil avec vous ! »

Voilà la réponse faite par Fabien Robert suite à une remarque après l’exposition de son document d’orientation culturel (DOC). L’adjoint en charge de la culture à la mairie de Bordeaux semble lui-même surpris alors qu’il s’était préparé à des retours difficiles sur un sujet annoncé sensible :

« Durant toute la campagne municipale précédente, la gauche avait fait de la culture son cheval de bataille, considérant que ce secteur était “le grand brûlé” par la politique d’Alain Juppé. Alors forcément je m’attendais à des échanges houleux », confie Fabien Robert à Rue89 Bordeaux en sortant du conseil municipal.

De son côté, le maire de Bordeaux s’est félicité de la tenue d’un débat « constructif et non caricatural » qui n’a pas manqué de quelques piques ajustées avec parcimonie et en temps voulu.

Une feuille de route très attendue

Le DOC de Fabien Robert était attendu par les acteurs culturels bordelais et par les opposants politiques. Si ces derniers reprochent à l’élu la mise à disposition tardive du document, celui-ci fait valoir le débat autour de cette question :

« Une délibération peut être transmise 7 jours avant le débat quand elle n’est pas soumise à un vote. Le but aujourd’hui est que le conseil municipal puisse avoir un échange d’idées », précise-t-il.

L’adjoint à la culture déroule sa feuille de route avec quelques annonces concrètes, comme la mise en place d’un Pass musée de 20€ qui permettra l’entrée dans tous les musées de Bordeaux.

Par ailleurs, l’élu mise sur les quartiers pour développer la culture tout en associant le secteur privé. Dans le cadre du projet de réaménagement Euratlantique, une participation de 5€/m2 sera demandée aux promoteurs pour permettre la création d’œuvres d’art dans l’espace public.

D’un autre côté, le soutien à La Manufacture Atlantique pourrait aller jusqu’à l’acquisition du lieu dont le loyer constitue une dépense lourde au regard du budget de fonctionnement. Enfin, la rénovation de la Halle des Douves aux Capucins et de la Salle des fêtes du Grand Parc permettront d’insuffler aux quartiers concernés une nouvelle dynamique culturelle.

Si le DOC dévoile des interventions précises de proximité, il n’affiche pas de grandes ambitions nationales ou internationales. L’idée d’un événement phare à l’échelle de l’Hexagone pour la capitale girondine est toujours dans le viseur avec 2017 comme échéance et l’arrivée de la ligne à grande vitesse à Bordeaux.

Débat sur la métropolisation

Alain Juppé a cru bon de le préciser au cours de la séance : « À chacun de s’appliquer la règle. » Il a cependant laissé libre cours aux conseillers municipaux lors de leurs interventions. Le règlement intérieur stipule effectivement que la durée d’une intervention ne doit pas dépasser 5 minutes. Mais le débat annoncé pour définir la culture « ensemble » valait bien une entorse à la règle.

C’est Pierre Hurmic, conseiller municipal des écologistes, qui profite le premier de l’occasion. Il se demande où est l’état des lieux, déplore le manque un comparaisons avec les autres grandes villes de France, et déplore un constat complaisant sur une politique culturelle municipale où « on est moyen en tout ».

L’élu écologiste relativise l’aide à la création, passée de 150 000 euros à 500 000 euros, en précisant qu’elle ne représente que 2,27% des subventions accordées au secteur culturel. Il invite l’équipe municipale à « une certaine modestie » :

« Nous attendons une vision plus métropolitaine. Vous vous complaisez dans une vision ultra municipale de la politique culturelle, sans propositions concrètes de déclinaison à l’échelle métropolitaine. N’est-ce pas avec la culture que nous donnerons sens et rayonnement à ce territoire nouveau ? »

Ce à quoi Fabien Robert rétorque que la métropolisation n’est pas « une mise sous tutelle des petites communes voisines » :

« Le devoir d’une métropole est de gérer les équipements culturels et d’encourager une politique inter-communale pour travailler ensemble sur des projets qui font l’identité de chaque commune : le cirque à Bègles et la photo à Mérignac, par exemple. »

Le Grand stade s’invite dans le débat

Matthieu Rouveyre reconnaît un « effort consenti pour dresser un constat de la culture à Bordeaux », et souligne une « réelle prise de conscience de la situation, qui méritait un chantier ». Il critique cependant « le manque d’humilité » dans la reprise des « classements dont on sait qu’ils n’évoquent pas seulement la ville centre » ainsi que la « récupération maladroite des initiatives privées ». Il ajoute :

« Les chiffres sur la baisse des dotations de l’Etat sont fantaisistes. Le manque des 66 millions annoncé d’ici 2017 est dénué de tout fondement. Sur le site même de la ville de Bordeaux, il est question de 3 millions par an. Ce qui assèche et va assécher durablement les finances, c’est le grand stade et la cité municipale ; chaque année, 6,7 millions sont versés à Vinci pour le grand stade de bordeaux. »

Arielle Piazza, adjointe au sport, soutenue par Alain Juppé, toujours sensible à cette question, apporte sa version des chiffres – selon elle, Matthieu Rouveyre mélange les coûts de construction et d’exploitation, qui s’élèveront à 3,55 millions ; l’opposant socialiste maintient lui son estimation, « validée par tous ceux qui s’intéressent au sujet », qui incluent les exemptions d’impôts locaux pour la SBA (Société Bordeaux Atlantique).

Matthieu Rouveyre critique enfin la suppression de la gratuité des musées, que ne compense que partiellement l’accès libre le dimanche. Interrogé après le conseil municipal, Fabien Robert revient sur cette question :

« La gratuité des musées a été votée par tous. Les socialistes déclarent aujourd’hui l’avoir fait par erreur ! Si un public d’habitués est pénalisé par cette décision, le Pass musée s’avère alors être un outil adapté. »

L'œuvre "Respublica" de Nicolas Milhé pour l'édition 2009 d'Evento sous la direction artistique de Didier Faustino (WS/Rue89 Bordeaux)
L’œuvre « Respublica » de Nicolas Milhé pour l’édition 2009 d’Evento sous la direction artistique de Didier Faustino (WS/Rue89 Bordeaux)

La promotion de l’Europe culturelle

Après l’intervention de l’élue EELV Delphine Jamet qui a relevé l’absence de la gastronomie dans le DOC et a proposé de mettre en œuvre un agenda 21 de la culture, Michèle Delaunay, députée socialiste de la Gironde, invite la ville de Bordeaux à des initiatives pour « la promotion de l’Europe culturelle » par un échange avec Munich « qui a un orchestre et une pinacothèque extraordinaires ».

La réponse cinglante d’Alain Juppé ne s’est pas faite attendre soulignant au passage que la ville allemande est « 10 à 15 fois plus importante que Bordeaux » :

« C’est ce que nous avons fait avec Los Angeles. Vous donnez des leçons alors que vous avez fait partie du premier gouvernement socialiste qui n’a pas fait de la culture une priorité. »

A son tour, Vincent Feltesse, le candidat socialiste à la mairie de Bordeaux, souligne la nécessité d’un travail qui mêlerait la gastronomie et la culture. De plus, il relève l’absence de la question de l’emploi culturel et demande des précisions sur l’avenir d’Evento, de la Base sous marine « qui nous fait tous fantasmer » et l’Escale du livre. Fabien Robert apporte des réponses :

« On ne peut pas évoquer une réussite concernant Evento, certes, mais on doit reconnaître que ce rendez-vous a ouvert la voix de l’événement culturel à Bordeaux. La Base sous marine développera son rôle au sein d’un quartier destiné à devenir un pôle culturel important. Des discussions sont en cours avec Mollat pour un rapprochement avec l’Escale du livre. »

La volonté d’un événement majeur

Pour l’adjoint à la culture, l’arrivée de la ligne à grande vitesse en 2017 est « une nouvelle opportunité ». Il précise après le conseil municipal :

« Nous ne voulons pas forcément créer un nouvel événement. Nous avons à Bordeaux plusieurs structures importantes : la biennale Agora possède un rayonnement national, l’Opéra a un savoir-faire reconnu, Darwin est un modèle unique et Pola un exemple précurseur… Nous réfléchissons à fédérer plusieurs idées pour créer un concept fort qui serait opérationnel grâce à des acteurs locaux et une direction artistique invitée. Pour cela, la Ville ne peut pas agir seule. Nous attendons le soutien de la Région et du Département pour y parvenir. »

Si le DOC n’a pas une réponse à tout, il a permis de lancer le débat sur des sujets qui préoccupent beaucoup d’acteurs culturels, dont certains étaient venus assister au conseil municipal. Un directeur de théâtre avoue ne pas avoir trouvé de l’intérêt à s’y rendre :

« Nous ne pourrons pas donner notre avis, à quoi bon d’y assister ? »

Il est difficile cependant de ne pas faire état d’une étonnante reconnaissance du travail fourni par le nouvel adjoint au maire en charge de la culture à Bordeaux. Même l’élu Front national, Jacques Colombier, a, sans le vouloir, vanté les mérites du DOC :

« J’ai cru à la lecture du document qu’il était rédigé par Jack Lang ! »

Interrogé sur cette comparaison, Fabien Robert répond amusé à la sortie du conseil :

« Jack Lang, comme André Malraux, a contribué à la construction de la grande politique culturelle de la France. Je prends alors cette réflexion pour un compliment… »

Ce sera au conseil spécialisé où siégeront 40 opérateurs culturels de le confirmer ; ils seront chargés de valider le DOC avant décembre.


#Alain Juppé

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