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Cofinoga Mérignac ne prête plus attention à ses salariés

Depuis leur rachat par BNP Personnal Finance l’été dernier, les salariés girondins de l’entreprise de crédit à la consommation ne savent pas à quelle sauce ils vont être mangés. Entre l’incertitude sur le devenir de leur métier et la peur pour leur emploi, leurs inquiétudes se multiplient sans que la direction leur apporte des réponses suffisantes. Témoignages.

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Cofinoga Mérignac ne prête plus attention à ses salariés

L’incertitude sur leur avenir inquiète les salariés de Cofinoga à Mérignac (photo d'illustration/Joergelman)
Les incertitudes sur leur avenir inquiètent les salariés de Cofinoga à Mérignac (photo d’illustration/Joergelman)

« Les avantages étaient bien meilleurs, on voyageait un peu, on participait à des séminaires mais, progressivement, on nous a supprimé des avantages comme la prime de vacances. Les moyens du Comité d’entreprise ont été restreints et la prime d’ancienneté gelée au bout de 20 ans. »

Ça, c’était avant. Un âge d’or révolu pour Solange∗. Elle travaille à « Cof » depuis 20 ans dans un service administratif et, aujourd’hui, elle a « l’impression que tout est fait pour ralentir l’activité ». Comme beaucoup de ces collègues, elle reproche à la direction un manque d’informations sur l’avenir de l’entreprise depuis son rachat cet été par le groupe bancaire.

Le 28 juillet dernier, BNP PF, qui jusque-là possédait à parts égales l’entreprise avec les Galeries Lafayette, a en effet racheté la part détenue par celle-ci dans le groupe Laser, lequel détient l’organisme de crédit Laser Cofinoga.

Un événement qui suscite depuis beaucoup d’interrogations car la banque possède déjà Cetelem une filiale spécialisée dans le crédit et qu’en 2012, de nombreux salariés de Cofinoga avaient été sacrifié sur l’autel de la rentabilité.

Et c’est sur le site de Mérignac que les suppressions d’emplois avaient été les plus importantes ; 397 sur les 433 au total que comptait le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE).

Money et l’impressionnisme

Échaudés par ce plan où la boite a tapé la bise à près d’un quart du personnel, les salariés sentent aujourd’hui le vent du changement.

Sandrine∗, 20 ans d’ancienneté, également employée dans un service administratif témoigne :

« On se doute tous qu’il va se passer quelque-chose. Il y a des réunions qui sont organisées et on nous dit ne pas s’inquiéter, que tout va bien aller mais nous on ne le croit pas trop. Tout le monde craint un nouveau PSE. »

Une perspective que Jean-Louis Gayon du syndicat CGT (19,72%) juge peu probable. Pour celui-ci :

« La direction va plutôt essayer de diminuer la masse salariale par d’autres moyens, par des mutations ou en exerçant des pressions pour que les gens partent par exemple. »

Sur cette question comme sur d’autres, la CFDT fait l’autruche. Malgré de nombreux appels de Rue89Bordeaux, aucune réponse ne sera donnée par ce syndicat majoritaire dans l’entreprise.

Le nettoyeur

La mobilité géographique est l’un des motifs d’inquiétude des Cof.

« On nous a fait comprendre que ceux qui avait une clause de mobilité devaient s’attendre à l’éventualité d’un départ. Certains ont peur d’être contraints à déménager pour aller travailler sur un autre site de l’entreprise, à Metz ou à Lille par exemple », commente Sandrine.

Sylvie∗, 10 ans à la relation client est de ceux-la :

« Je n’ai pas du tout envie de déménager dans le Nord si la direction décide que l’on doit y aller. Mais pour l’instant, on ne sait rien ; ni quel service déménagera, ni quand et ni où ce sera. »

Le nouveau directeur général Laurent David, nommé le 28 juillet dernier en remplacement de Rafael Cicala – surnommé le nettoyeur – leur a en effet annoncé qu’il y aurait des mobilités importantes sans apporter plus de précisions.

Au chapitre de la ré-organisation s’ajoute aussi des interrogations sur les tâches à effectuer. Impuissants, certains salariés constatent l’évolution de leur métier sans pouvoir en définir les futurs contours faute d’informations suffisantes.

Au service de l’octroi des crédits par exemple, Katie déplore qu’une partie essentielle de son travail va être supprimée :

« On nous a annoncé que bientôt ce serait des courtiers qui allaient analyser à notre place les dossiers des clients. Notre boulot se limitera à de la saisie de données sur ordinateur mais on ne sait pas si on n’aura de nouvelles tâches à accomplir. »

Dans ce service où l’on évalue les dossiers avant d’accorder les crédits, les salariés ont même appris que sur les 124 postes qu’il compte et qui sont répartis sur le site de Mérignac et de Jurançon (Pyrénées-Atlantique), une dizaine de postes allait être supprimés. Mais là encore, pas de certitudes ; personne ne sait qui partira ou pas.

Les interrogations s’appuient aussi sur des constats. Solange remarque qu’ « on a arrêté les campagnes d’activité. On anticipe plus sur les partenariats avec les clients et des gens en CDD depuis plusieurs années n’ont pas été renouvelés ».

Pas de psychose mais beaucoup de stress

D’après Jean-Louis Gayon :

« On ne peut pas parler de psychose à propos de l’avenir même si on est loin de la sérénité d’il y a dix ans. Le PSE est passé par là et il a été ressenti comme un cataclysme par les employés  qui n’y croyaient pas du tout au début lorsque l’on avait annoncé en 2011. »

Au Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de l’entreprise, Corinne Porsin, représentante CGT au sein de celui-ci constate :

« Il n’y a pas de mal-être généralisé au sein de l’entreprise mais une inquiétude partagée par un grand nombre. On ne m’a pas non plus rapporté de cas de burn-out. »

Sur ce dernier point cependant plusieurs salariées interrogées rapportent des cas limites. Sandrine a vu plusieurs de ses collègues « d’un naturel très calme à deux doigts de craquer ».

Solange rapporte également le cas « d’une collègue proche de la retraite, qui n’avait jamais eu de souci dans sa carrière mais qui un jour a fondu en larme sous la pression ».

Des cas qui, semble-t-il, relèvent d’une certaine forme de management infantilisant où, parfois mais pas systématiquement, les salariés sont livrés à des petits chefs nuisibles.

« C’est cauchemardesque »

Katie∗ s’entend en général plutôt bien avec ses managers mais finit par concéder que les conditions de travail sont difficiles :

« C’est cauchemardesque, le travail de tout le monde est contrôlé, celui des employés par les managers mais aussi celui des managers par leur supérieur hiérarchique. »

La pression pour atteindre des objectifs est donc bien réelle. En cas par exemple d’erreur répétées – au-delà de 20% d’erreur par rapport à une liste de critères pré-établis – les salariés se voient retirer leur délégation, c’est-à-dire la capacité à octroyer un crédit (le plafond est variable selon le niveau de délégation).

Il y a donc  ce stress « habituel » lié aux conditions de travail, et puis un autre lié plus spécifiquement au rachat de juillet dernier. Corinne Porsin atteste que ce phénomène-là est « beaucoup plus présent » :

« Les salariés viennent de plus en plus nous voir avec des questions sur l’avenir de l’entreprise. Ils veulent savoir quelles seront leurs futurs conditions de travail. »

Interrogée par Rue89 Bordeaux sur l’avenir, l’entreprise a déclaré qu’elle travaillait à une meilleure répartition du travail entre Cofinoga et Cetelem et qu’ « elle ne souhaitait pas s’exprimer davantage sur ce sujet-là ».

∗ Les prénoms ont été modifiés


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