Coup dur pour la ville de Bordeaux : le tribunal a demandé l’annulation totale des contrats qui lient la municipalité à la société Urbicité, filiale de Bouygues Construction, dans le cadre du partenariat public-privé de la cité municipale. Cette décision prendra effet à partir du 1er octobre 2015, la Ville a jusqu’au 15 octobre pour résilier son contrat.
La commune de Bordeaux et la société Urbicité sont condamnées à verser chacune la somme de 1200€ au Syndicat national du second œuvre (SNSO). La Ville, qui dispose d’un délais de deux mois pour faire appel, a déjà annoncé son intention de le faire et va demander un sursis d’exécution du jugement.
Les petites entreprises locales écartées
La décision du tribunal administratif fait suite à la demande du rapporteur public, Axel Basset, qui a soulevé à l’audience du 14 janvier plusieurs arguments. Rien ne justifiait selon lui un marché global qui porte atteinte aux intérêts collectifs des PME locales, représentées par le SNSO, qui espéraient se voir attribuer des petits lots.
Parmi ces arguments-massues : d’autres constructions dans le centre-ville, comme le Tribunal de grande instance voisin, n’ont pas nécessité l’appel à ce type de procédure ; le critère de la grande technicité (notamment énergétique) du bâtiment est exagéré pour un immeuble de bureaux ; enfin, il conteste le caractère complexe du marché.
« Nous considérons qu’à l’époque la complexité technique justifiait l’appel à un partenariat public-privé, maintient Nicolas Florian, adjoint au maire en charge des finances. La notion de bâtiment à énergie positive n’a été définie par un cahier des charges de l’Ademe (agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énegie) qu’en 2011, l’année où on a signé ce PPP. Cela se justifiait aussi par la volonté de réunir 900 agents dans un seul bâtiment, avec des fonctions communes et un accès du public. Il fallait faire appel à des gens ayant une lecture programmatique. »
Si l’élu UMP dit comprendre les motivations des petites entreprises écartées du marché de la maintenance, il fait valoir l’intérêt pour la Ville d’avoir un interlocuteur unique, ainsi que l’avantage d’avoir fait financer par une entreprise privée ce chantier de 72 millions d’euros, que la ville rembourse par un loyer annuel de 3,8 millions (dont 1,2 million pour la maintenance, le nettoyage…).
Un acte politique à confirmer
De son côté, le délégué général du SNSO, Renaud Marquié, ne cache pas sa grande satisfaction. Contacté par Rue89 Bordeaux suite à cette décision, il se déclare soulagé :
« Cette décision est symbolique. Elle rompt le monopole annoncé sur la maintenance de la Cité municipale, ce qui pourrait permettre à des artisans et des PME locales de pouvoir candidater. Dès qu’un montant de construction dépasse les 40 millions d’euros, 90% des marchés sont attribués aux majors du bâtiment (Eiffage, Bouygues…). Ce n’est pas supportable pour les petites entreprises ! »
Renaud Marquié envisage de rappeler à la mairie que « la Cité municipale est la maison de tous les Bordelais. Elle doit bénéficier aux entreprises bordelaises. S’ils font appel, ils décident une nouvelle fois d’ignorer ces entreprises. Ce sera un acte politique très lourd de conséquences. »
La joie du PS
Cette décision a provoqué également l de Matthieu Rouveyre, conseiller municipal d’opposition :
« Cette décision donne raison à la position jusqu’ici exprimée par le groupe socialiste, elle ouvre par ailleurs la voie à une renégociation du contrat qui pourrait aboutir à de conséquentes économies pour la Ville de Bordeaux. »
Selon l’élu, ce jugement ouvre en effet la possibilité au Maire de Bordeaux de « mettre en concurrence, de reprendre en régie ou de renégocier la maintenance de la Cité municipale durant la durée du contrat », alors que la partie exploitation du partenariat public-privé « est évaluée à près de 30 millions d’euros ».
Matthieu Rouveyre rappelle que la gauche et les écologistes se sont élevés « dès 2010 » contre ce recours à « un PPP illégal » : le 19 juillet, l’opposition votait « contre le rapport préalable lors du Conseil municipal en soulignant l’absence de complexité du projet, argument pourtant invoqué et nécessaire à la réalisation de ce contrat de partenariat public-privé ». Le 19 décembre 2011, elle s’opposait au contrat de partenariat qui ne présentait selon lui aucun des trois critères susceptibles de justifier un PPP (l’urgence, la complexité ou le bilan coût/avantage).
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