1- Slalomer entre les chalands de la rue Sainte-Catherine, et autres rues piétonnes
En cas de forte affluence, le cycliste est tenu de mettre pied à terre, ou de passer en mode trottinette s’il roule en pibal. C’est d’ailleurs pour cela que le vélo designé par Philippe Starck a été initié par la ville. Selon le Code de la rue adopté en 2010 par Bordeaux, il est du moins tenu de rouler au pas. D’après l’association Vélo-Cité comme la mairie, la densité de la foule incite de toutes façons les vélos à suivre des itinéraires bis, et on n’assiste pas à une aggravation des conflits d’usage avec les piétons.
2 – Prendre la bande cyclable de la rue Fondaudège (et d’autres) à contre-sens
« Complètement suicidaire et hyper dangereux », estime Muriel Sola-Ribeiro, directrice de l’association Vélo-Cité. Et pourtant largement pratiqué par les cyclistes, qui bravent la circulation automobile roulant parfois allègrement au delà des 50 km/h sur cet axe… Sans toutefois avoir encore provoqué d’accident grave.
« On s’est demandé pourquoi, et il s’avère que Fondaudège est une structurante entre les boulevards et les allées de Tourny, poursuit Muriel Sola-Ribeiro. Sur cet axe, il n’y a pas d’alternative, à moins de faire des détours de parfois 800 mètres, ce qui est assez rédhibitoire pour nous. Nous tâchons cependant de décourager les cyclistes, et espérons que les travaux sur les réseaux, en vue de la construction de la ligne D du tramway, vont permettre de tout chambouler. »
La vie de certains cyclistes est donc peut-être suspendue à la cour administrative d’appel, saisie de l’annulation de la DUP du tram…
Vélo-Cité milite pour la multiplication des contre-sens cyclables, qui permettent aux cyclistes d’emprunter des trajets plus directs et ne génèrent aucun surcroît d’accident – au contraire, car cela incite les autos à ralentir. Alors que la métropole ne compte que 42 km de contre-sens cyclables, l’association croit beaucoup au sens de l’histoire :
« La loi impose à toute zone 30 de passer à double-sens cyclable, poursuit Muriel Sola-Ribeiro. Or le projet d’Alain Juppé, comme celui d’Anne Hidalgo à Paris, est de passer progressivement à 30 km/h dans Bordeaux. L’intérêt serait de l’appliquer à l’ensemble de l’agglomération. Ce serait hyper ambitieux, nous verrons ce qu’il en est dans 6 mois lorsque le flottement lié à la mutualisation sera passé. »
3- La lutte des places pour attacher son biclou
La Ville de pierre tient à ses façades classées au patrimoine mondial de l’Unesco. De là à penser qu’un guidon contre un mur pourrait contribuer à la ruine de ses bâtisses, il y a une étape que certains riverains bordelais n’hésitent pas à franchir.
Seulement voilà, les cyclistes n’ont souvent pas le choix : il y a 5 200 arceaux (soit le double de places de stationnement) pour attacher son vélo à Bordeaux, quand le nombre d’usagers quotidiens est estimé par l’Observatoire des Deux Roues de Bordeaux Métropole à 17700 personnes.
« L’ambitieux plan vélo voté en 2012 par la Cub est un peu en panne, regrette Muriel Sola-Ribeiro. L’objectif d’installer 500 arceaux par an est passé à 100, un nombre que nous avons atteint dès le mois d’avril à Bordeaux. »
La faute à des moyens financiers contraints et au flottement cité plus haut quant aux politiques de la métropole, en stand-by pour cause de mutualisation.
4 – Des bécanes qui encombrent le passage
Parce qu’ils gênaient la circulation sur le trottoir, plusieurs vélos ont récemment été enlevés de la voirie par les services de la ville, sans avertissement aux propriétaires. Certes, les trottoirs sont étroits dans l’hyper centre bordelais, et cela a de quoi courroucer les jeunes parents en poussette ou les personnes handicapées.
« Il y a beaucoup d’individualisme, dont les cyclistes ne sont pas exempts, mais le mobilier urbain comme les potelets est aussi installé parce qu’il y a beaucoup d’incivilités du côté des automobilistes, qui se garent sur les bandes cyclables ou les trottoirs, rétorque Muriel Sola-Ribeiro. On espère que les parkings silos comme ceux de Belcier ou de la barrière du Médoc permettront aux résidents de libérer la place sur la voirie pour que les vélos puissent circuler et stationner. »
5 – Des vélos qui roulent sur les trottoirs
Il y a ceux qui passent par les trottoirs pour éviter la voirie d’une rue remontée à contre-sens. Et ceux qui redoutent de se frotter à la circulation des voitures, comme l’explique Muriel Sola-Ribeiro :
« Généralement on retrouve sur les trottoirs beaucoup de seniors qui se remettent à la pratique du vélo, car ils ont peur de rouler dans la rue, et sont dans un état d’esprit de piétons. C’est un constat consternant, les cyclistes n’ont rien à faire sur les trottoirs : c’est gênant, cela crée du danger et cela fait partie de notre travail de ne pas cautionner. Nous disons que le mieux est de mettre pied à terre et de marcher à côté du vélo. Comme pour les cyclistes en sens interdit, on n’a toutefois pas noté une augmentation des râleries des piétons. Notre inquiétude, c’est plutôt que le réseau vélo express (REVE) de la métropole est complètement en panne. »
6 – Des deux roues qui foncent devant les piétons
C’est pourtant un principe du code de la rue en vigueur à Bordeaux ou de la charte des mobilités : le fort doit céder le passage au faible, le vélo doit donc laisser passer les piétons. Certains d’entre eux râlent toutefois de la vitesse à laquelle roulent les vélos sur des espaces partagés, comme le pont de pierre ou la piste cyclable sur les quais. Devant le miroir d’eau, cette piste n’est pas matérialisée au sol, ce qui peut tromper la vigilance des badauds allant ou venant de la place de la Bourse. Cela se passe finalement mieux là où les espaces ne sont pas dévolus aux uns ou aux autres, comme dans le quartier Saint-Pierre.
7 – Griller des feux, un sport national
Ce sémaphore des allées de Tourny est traître : il était un temps équipé d’un panonceau « va tout droit », autorisant les cyclistes à passer au rouge, en veillant toutefois aux voitures sortant du parking souterrain. Le panneau a été enlevé, mais les vélos ne s’arrêtent plus à ce carrefour sans réel danger. Tout comme ils n’ont plus à marquer le stop à 500 carrefours de l’agglomération, pourvus de près de 1000 panonceaux « tourne à droite » ou « va tout droit ».
Cette expérimentation, dont la non dangerosité a été démontrée, a valu à la métropole d’obtenir le Guidon d’or de la Fédération des usagers de la bicyclette.
« On se dit pourtant que l’information n’a pas bien circulé, estime Muriel Sola-Ribeiro, de l’association Vélo-Cité. Nous avons en effets des retours de cyclistes qui se sont fait arrêtés par la police parce qu’ils sont passés au rouge à des feux pourtant équipés de panonceaux. Ils ont même été menacés de se voir retirer des points de leur permis de conduire, ce qui est totalement illégal : on ne peut pas toucher au permis B pour une infraction faite à vélo, sauf en cas d’accident causant des dommages, après jugement au pénal. »
8 – Doubler les voitures dans les bouchons
L’égo des automobilistes en prend souvent un coup. Scotchés dans les embouteillages, ils voient les vélos les doubler de façon plus ou moins prudente, sur leur gauche comme parfois leur droite. Pour le cycliste, c’est un gain de temps mais aussi le meilleur moyen de ne pas rester derrière les pots d’échappement des voitures. Celles-ci sont d’ailleurs tenues de laisser dégagé le sas réservé aux vélos devant les feux rouges : c’est verbalisable, mais très loin d’être respecté. Capable de se faufiler partout, la bicyclette assure à Bordeaux une moyenne de 12 à 15 km/h, pas loin des 17 km/h des voitures.
9 – Emprunter les voies du tramway
C’est évidemment dangereux parce qu’on peut toujours heurter une rame ou chuter en coinçant une roue dans les rames. Mais c’est toléré sur une bonne partie du réseau bordelais. Certains tronçons, indiqués par des panneaux bleus « réservés aux trams », sont en revanche interdits à toute autre véhicule. C’est notamment le cas du cours Gambetta, entre le centre de Bordeaux et le campus de Talence, pourtant très fréquenté par les étudiants cyclistes.
« On avait étudié cet axe comme pouvant intégrer le réseau Reve, note Muriel Sola-Ribeiro. Beaucoup de cyclistes préfèrent en effet rouler sur les voies, même si c’est interdit, car ils ne se sentent pas en sécurité sur les voies de 3 mètres partagées avec les voitures. Les automobilistes préfèrent doubler en les frôlant de très près, car ils n’osent pas chevaucher la plateforme du tram, comme ils y sont pourtant autorisés. »
A Talence, les vélos ne se privent pas de rouler sur les voies du tram lorsque la voirie est encombrée aux heures de pointe.
10 – Faire voyager sa monture
Il est permis et plutôt bien accepté de monter dans un tram avec son vélo, pourvu que la rame ne soit pas bondée.
« C’est autorisé aux heures creuse, définition assez théorique car les tramways sont souvent remplis. Mieux vaut les prendre très tôt ou très tard, ou avoir un vélo pliable qui prend moins de place », recommande la directrice de Vélo-Cités.
Aller plus loin
- Sur Rue89 Bordeaux : Bordeaux et le vélo, une idylle en roue libre ?
- Le Copehaguenize Index 2015, qui a vu Bordeaux reculer cette année
- L’article de Libération sur l’ouverture du Vélo-City à Nantes
Chargement des commentaires…