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A Bordeaux, des demandeurs d’asile dans l’impasse

Des familles de demandeurs d’asile à la rue, des Sahraouis menacés d’être expulsés de leurs bidonvilles en bord de Garonne : la situation de ces migrants est difficile à Bordeaux dans l’attente des réponses de l’administration française.

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A Bordeaux, des demandeurs d’asile dans l’impasse

Un des Sahraouis dans le bidonville du pont Saint-Jean de Bordeaux (Xavier Ridon/Rue89 Bordeaux)
Un des Sahraouis dans le bidonville du pont Saint-Jean de Bordeaux (Xavier Ridon/Rue89 Bordeaux)

Le drame humain des demandeurs d’asile en France ne se limite pas à Paris ou aux frontières, comme Calais et Vintimille. A Bordeaux aussi, des centaines de migrants vivent à la rue. Beaucoup d’hommes seuls, comme les Sahraouis ayant notamment trouvé refuge sous le pont Saint-Jean. Mais aussi une dizaine de familles, venues d’Ukraine, du Congo ou du Stri Lanka, et qui, du fait de l’ouverture de Vinexpo, ont dû quitter les chambres d’hôtels louées par la préfecture. Selon la Ligue des droits de l’homme, 35 adultes et une trentaine d’enfants seraient ainsi à la recherche d’un toit.

Depuis samedi, et à la demande du préfet de Gironde, 35 places sont ouvertes jusqu’à lundi prochain à l’ex clinique du sport de Mérignac, utilisée en hiver pour de l’hébergement d’urgence, et dont l’accueil a été confié aux Secouristes sauveteurs français. Selon le recensement quotidien effectué par les services de l’Etat, 11 places ont effectivement été occupées dans la nuit de lundi à mardi.

« Une trentaine de personnes qui auraient pu en bénéficier ne sont pas venues ou n’ont pas souhaité y rester », indique-t-on à la préfecture.

Intérêt économique

Mais certaines sources rompues à ces situations affirment que plusieurs familles restent sans abri, parce qu’elles n’ont pas pu joindre le 115. Contacté par Rue89 Bordeaux, le centre d’accueil, d’information et d’orientation (CAIO), qui gère le service téléphonique d’hébergement d’urgence, n’a pas donné suite à nos demandes d’entretien.

Les associations qui travaillent avec les demandeurs d’asile soulignent que ce problème est récurrent et pourrait donc être mieux anticipé à l’approche d’évènement comme Vinexpo, ou l’Euro l’année prochaine :

« Même si les capacités hôtelières de Bordeaux se sont développées, l’offre est insuffisante pour répondre à toutes les demandes, explique Jean-Claude Guicheney, président de la LDH Gironde. Les nuitées sont saturées pour les personnes qui peuvent être hébergées par le 115 (107 chambres d’hôtel sont actuellement occupées à ce titre). Alors qu’ils peuvent louer leurs chambres à des prix deux à trois fois supérieurs aux participants de Vinexpo, les hôtels ont un intérêt supérieur à faire valoir, qui n’est pas celui des personnes sans abri. »

La Ligue des droits de l’homme s’inquiète particulièrement du sort des Sahraouis : elle affirme que des policiers rendent quotidiennement visite aux réfugiés pour leur demander de faire leurs bagages, préalable à une expulsion imminente des trois squats qu’ils occupent – sous le pont Saint-Jean, sous la passerelle Eiffel, et rue Amédée-Saint-Germain, à Belcier.

« Ils n’attendent aucun tapis rouge »

La LDH a donc adressé la semaine dernière une lettre ouverte au préfet et à Alain Juppé, maire de Bordeaux. Elle y déplore le deux poids deux mesures entre l’accueil des ressortissants étrangers de Vinexpo et le traitement réservé aux demandeurs d’asile :

« Ils n’attendent aucun tapis rouge mais seulement un peu de considération de votre part. (…) Car pour l’heure ils reçoivent l’échec de leur revendication aux droits. Le droit à un hébergement théoriquement assuré par l’Etat aux demandeurs d’asile durant la phase de traitement de leur demande conformément aux dispositions du Code d’entrée et de séjour des étrangers et demandeurs d’asile et du Code de l’action sociale et des familles. Force est de constater l’impasse dans laquelle ils ont été placés depuis des mois, sinon lors du pitoyable épisode de répit de mars dernier en période de fortes marées, baladés durant quelques jours entre des hôtels et un gymnase. »

S’alarmant de l’état de santé de certains migrants, l’association demande « solennellement » aux autorités de proposer « un abri plus décent et digne », et à défaut, « de surseoir aux décisions de démantèlement des abris de fortune en attendant le rendu des décisions de l’OFPRA ». Dépêchés récemment de Paris, des représentants de l’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides ont en effet rencontré des Sahraouis bordelais, et 155 d’entre eux devraient être fixés sur leur sort début juillet – asile accordée en France, ou expulsion.

« Il serait donc envisagé de procéder au démantèlement de leurs “campements” avant même que ne soient rendues les décisions les concernant et sans aucune offre d’hébergement de substitution ? », interroge le courrier de la LDH.

Pas de bidonville sous le TGV

A la préfecture et à la mairie de Bordeaux, on confirme le souhait de démanteler des bidonvilles insalubres, et la nécessité de le faire alors que doivent prochainement commencer des travaux pour la ligne à grande vitesse sur le pont Saint-Jean. Mais les services de l’Etat assurent que la date de l’évacuation n’est pas arrêtée (pas plus que celle du chantier LGV), et que « le souhait du préfet est de trouver préalablement une solution d’hébergement d’urgence ».

On retombe ainsi sur le vieux débat du manque de places pérennes dans les structures d’accueil de sans-abris. Pour faire face à la situation des Sahraouis la Ville demande quant à elle que l’Etat lance une MOUS (maîtrise d’œuvre urbaine et sociale), destinée à promouvoir l’accès au logement des personnes et familles défavorisées, telle que celle récemment faite à Bordeaux pour résorber les squats de Roms.


#Bordeaux

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