« Ce dossier est d’une telle complexité qu’on se demande ce qu’on fait ici ? » s’interroge Max Bardet. Durant toute l’audience au tribunal de grande instance de Bordeaux, l’avocat de la direction de Ford aura tenté de rendre illégitime « cette tentative audacieuse » qu’est la plainte déposée à l’encontre de la direction du géant de l’automobile.
La plainte en référé a été déposée par le Comité d’entreprise de Ford Blanquefort, le syndicat CGT Ford ainsi qu’une femme et deux hommes salariés de l’entreprise. Le débat est « technique » avertit leur avocate, Monique Guedon. D’ailleurs, dans un premier temps la présidente – impassible durant l’audience – devra dire si le Tribunal est capable de statuer sur ces trois questions.
1 – 46 millions d’euros d’aides publiques pour un « viol » ?
Ça ne fait aucune doute pour le Comité d’entreprise et la CGT Ford, défendu par la voix de leur avocate Monique Guedon :
« Il y a un viol unilatéral et contractuel des engagements du maintien des 1000 emplois à temps complet et en CDI. »
Elle cite le contrat signé par l’entreprise en 2010 pour une durée de cinq ans : « Ces 1000 emplois actifs se font contre de l’aide publique. » Pour elle, Ford aurait reçu 46 millions d’euros d’aides venant de Blanquefort, du département, de la région, de l’État et majoritairement du Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE).
En mars dernier, l’effectif serait déjà inférieur au seuil des 1000 emplois. Elle compte 984 équivalent temps plein dont 34 prêtés à l’usine « sœur » Getrag Ford Transmission (GFT). En plus, elle avance que ce chiffre « comprend aussi les pré-retraité qui ne sont plus dans l’entreprise, les congés longue maladie et les apprentis et contrats professionnels ».
« Moi je suis à plus de 1200 emplois ! », lance avec enthousiasme Maître Max Bardet. Dans les rangs de la CGT, ça fait sourire et pouffer. L’avocat affirme également que dans tous les cas, ces 1000 emplois ne seraient pas un engagement mais un « objectif ». Le message sera martelé une bonne dizaine de fois à la présidente.
« Cet accord cadre n’est pas signé avec le Comité d’entreprise, la CGT et les trois salariés, mais avec l’État, la région et le département. Eux estiment que mon seuil de 1000 emplois est atteint », poursuit l’avocat.
2 – Prêter, c’est tromper ?
Ford Aquitaine Industries (FAI) prête certains de ses salariés à l’usine GFT. Pour la direction, cette démarche est le résultat d’un accord interprofessionnel signé en 2009. Aussi comme dans le cas du maintien des 1000 emplois, il n’y a pas de documents attestant « d’un trouble manifestement illicite ».
Maître Monique Guedon ne l’entend pas ainsi :
« Ce qui est légal, c’est quand le prêt de main d’œuvre n’est pas lucratif. »
Or, elle explique que l’usine GFT ne paie que 83% du salarié qu’elle emprunte à FAI. La différence serait payée par FAI.
3 – CE pour Comité Écarté ?
C’est en tout cas le sentiment des élus du Comité d’entreprise qui « n’ont pas eu dans les mains les conventions de prêt et n’ont pas été consulté pour donner un avis favorable ou défavorable » explique Maître Monique Guedon qui ajoute que le vote n’a pas concernait les 14 élus du CE.
La direction affirme avec aplomb que la consultation a bien été respectée en se basant sur des échanges à la fin de l’année dernière.
4 – Un procès Ford et après ?
Maître Monique Guedon a demandé la mise en place d’astreinte pour faire respecter le contrat cadre. Elle souhaite ainsi que Ford paie 5000 euros par jour de retard tant que 1000 emplois ne seront pas assurés sur le site et 2000 euros par salarié et par jour de retard tant que tous les prêts en direction de GFT ne seront pas terminés.
« Astreintes faramineuses et inapplicables, s’énerve Maître Max Bardet, et comment l’appliquer alors qu’on ne parle pas de la même chose ? »
Gilles Lambersend, délégué du personnel et membre de la CGT, espère aussi profiter de ce procès pour « réveiller les politiques ». Le jugement sera rendu le lundi 24 août.
Aller plus loin
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- Le site de la CGT Ford Blanquefort
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