Dans le cadre de la concertation récemment ouverte sur la nouvelle ligne Bordeaux – Saint-Aubin-de-Médoc, Trans’Cub salue le projet de desserte proposé par Bordeaux Métropole, un transport en commun à haut niveau de service (TCHNS), mode hybride bus-tram pour lequel l’association milite depuis 18 ans.
Cette « ligne E » passerait par Caudéran, Le Haillan et St Médard. Si l’association dit se réjouir que des lignes de transport soient ouvertes dans le quadrant Nord-Ouest de l’agglomération, elle poursuit son combat pour que le « Tram’Bus » s’impose face au tram dans un autre dossier plus controversé, celui de la ligne D.
Car Trans’Cub dit avoir déniché un argument de poids dans les documents mis à disposition lors de l’ouverture à concertation. Le recours à un Bus à haut niveau de service (BHNS) pour la nouvelle ligne E est en effet justifié par une fréquentation jugée insuffisante pour construire d’un tramway.
« La valeur obtenue pour le tronçon le plus chargé (1350) dans le cas d’une simulation en mode tramway, est faible et ne justifie pas ce mode », expose l‘étude de faisabilité de la ligne E.
« La fréquence attendue sur la ligne E est de 1350 voyageurs aux heures de pointe, or il en faut au moins 2500 pour justifier le recours au tramway », explique le président de l’association, Jacques Dubos.
Or en comparant ce dossier à celui de la ligne D, l’association a remarqué que, malgré un trafic prévisionnel moindre, la métropole n’a pas renoncé à l’idée d’un tramway entre les Quinconces et Eysines : la simulation tramway effectuée pour la ligne D prévoit en effet seulement 1100 passagers aux heures de pointe…
Le recours à un Tram’Bus sur la ligne D serait donc plus pertinente et plus rentable conclut l’association.
« Les politiques font des choix, ce n’est pas qu’un aspect technique, plaide Gérard Chausset, président de la commission transport de Bordeaux Métropole. On a besoin de défendre le tram, même si il faut aussi faire du BHNS, ce qui est le cas pour la nouvelle ligne. Car le tram demeure le moyen de transport le plus écologique. Le secteur nord-ouest de l’agglomération en a besoin et il y a un fort potentiel. »
Le « Tram’Bus » moins coûteux
Si, le 30 juin, la cour d’appel venait à confirmer l’annulation de la Déclaration d’utilité publique de la voie de tramway D, Trans’Cub espère faire pencher la balance en faveur du tram-bus. L’association est à l’origine du recours questionnant l’utilité publique de la ligne D, mais ne remet pas en question son tracé. Pour justifier la pertinence de son projet, Trans’Cub a d’autres arguments dans son chapeau.
« Le tram circule sur une voie fermée. Lors d’un accident, tout le trafic est perturbé. Le bus permet d’éviter ces problèmes, d’autant plus qu’on peut sauter des arrêts et faire des lignes directes si c’est nécessaire », soutient Denis Teisseire, conseiller technique de l’association.
Sur le plan économique, la ligne E prévoit une enveloppe de 100 million d’euros. Selon l’association, si l’on divise cette somme par le nombre de kilomètres de la voie, estimé à 20 km, cela revient à un coût de 5 millions d’euros par kilomètre. Soit cinq fois moins cher que la ligne de tramway D estimée à 26 millions d’euros pour un kilomètre.
Pour l’association, si le projet de la ligne D était révisé, au profit d’une ligne de Bus à haut niveau de service, les économies dégagées pourraient permettre de desservir de nouvelles zones dans le nord-ouest de l’agglomération.
« Cette marge de manœuvre financière permettrait de mailler davantage le réseau pour desservir d’autres communes comme le Taillan-Médoc ou encore le centre ville de Blanquefort, » proposent les membres de Trans’Cub.
« Attendons »
L’aménagement pour l’arrivée du tram D reliant Bordeaux à Eysines, via Le Bouscat et Bruges, a déjà commencé. De leur côté, les membres de l’association soutiennent que travaux déjà engagés pourraient être réutilisés pour le « Tram’Bus ». Mais une voie de tramway ne prend pas la même place qu’une voie de bus, rétorque Gérard Chausset :
« Sur la ligne D, si on prévoit deux voies de bus, il faut agrandir l’espace d’un mètre à chaque fois. S’il faut plus de place, il faut aussi plus d’expropriations ».
Les voies de tram occupent 6 mètres alors que pour circuler un BHNS a besoin d’un espace de 7 mètres.
« Quelle que soit la décision de la cour d’appel, la Cub [devenue Bordeaux Métropole, NDLR] doit revoir sa copie. Que veulent les usagers ? Un service à la hauteur de celui des tramways et que ça ne coûte pas cher », conclut Denis Teisseire.
Gérard Chausset relativise l’intérêt du « Tram’Bus » :
« Le BHNS reste un bus, ça n’est pas un tram hybride. Il ne faut pas faire croire que c’est le même service. Et s’il y a saturation du BHNS, il est difficile de trouver un modèle évolutif. Un tramway, c’est un investissement pensé sur 30 à 50 ans. »
Pour Michel Labardin, vice-président de Bordeaux Métropole en charge des transports de demain, la proposition de Trans’Cub est « tout à fait conforme à sa posture militante ». Mais le maire de Gradignan reste évasif quant à la possibilité d’un BHNS sur la voie D en attendant la décision du 30 juin.
« À mon sens, le juge n’a pas dit que le projet était trop cher mais que les éléments portés à connaissance pour la déclaration d’utilité publique n’étaient pas suffisamment étayés. Notre position, c’est de dire “attendons”. S’il y a rejet, nous reprendrons les études. »
Alain Juppé, lors de l’inauguration ce mardi de l’extension de la ligne B à Pessac, avait réaffirmé son soutien au projet de la ligne D et souhaitait relancer les travaux au plus vite en cas de décision favorable de la Cour d’appel.
Une question d’image
La ligne E fera en tous cas office de « test » pour l’introduction à Bordeaux du BHNS à Bordeaux, déjà adopté à Nîmes et Metz. Trans’Cub voudrait un nom plus accrocheur que les acronymes TCHNS (Transport en commun à haut niveau de service) ou BHNS (Bus à haut niveau de service) :
« Le terme “bus” a un côté ringard et “BHNS” est un barbarisme barbare. Le concept de “Tram’Bus” est plus parlant. Il correspond à une idée spécifique, celle d’un intermédiaire entre le tram et le bus », relève Hervé Harduin, conseiller technique de l’association.
Le but est de changer la perception que les usagers ont du bus en mettant en avant une image innovante. Le modèle du BHNS vise à proposer les mêmes services qu’un tramway, avec une esthétique similaire et la valorisation du confort des passagers. Il peut rouler à 20 km/h en moyenne, contre 18km/h pour le tramway bordelais, et bénéficie d’une priorité aux feux et carrefours pour assurer la fluidité des trajets. Le véhicule peut aussi s’intégrer au développement des « transports propres » en fonctionnant avec de l’hydrogène.
« La dénomination “Tram’Bus” est celle utilisée à Nîmes. Pour le moment, la ligne n’a pas été nommée. Techniquement, c’est un bus à haut niveau de service mais une dénomination propre à Bordeaux devrait venir », rétorque Michel Labardin, vice-président de Bordeaux Métropole en charge des transports de demain.
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