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Les cantines cherchent la formule bio et locale

Les cantines de la métropole bordelaise tentent au maximum de s’approvisionner en viande française et en produits locaux et bio. Mais ce n’est pas toujours simple. Par Marylène Iapichino et Simon Barthélémy.

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Les cantines cherchent la formule bio et locale

Rab de frites bio à la cantine du collège François Mauriac, à Saint-Médard (SB/Rue89 Bordeaux)
Rab de frites bio à la cantine du collège François Mauriac, à Saint-Médard (SB/Rue89 Bordeaux)

Ce mardi midi, c’est poulet-frites à la cantine du collège François-Mauriac, à Saint-Médard-en-Jalles. Mais attention : la volaille est bio et vient de Dordogne, les pommes de terre et les tomates servies en entrée poussent à Eysines, et les prunes et les pommes sont du Lot-et-Garonne. Bref, un menu 100% local – c’est à dire selon l’acceptation de l’établissement, composé de produits du sud-ouest – et quasi intégralement bio, est servi aux 550 élèves.

Et à Jean-Luc Gleyze : le président du conseil départemental est venu tester l’un des 11 restaurants pilotes dans les collèges girondins (gérés par le département). Et annoncer que la cantine vient de décrocher le label « bio engagé » développé par l’Arbio (l’association interprofessionnelle bio de la région Aquitaine) : il garantit que les repas sont composé d’au moins 20% de produits bio – objectif déterminé par le Grenelle de l’environnement. Le restaurant collectif de François-Mauriac est à environ 22%.

« L’idée de départ, c’était de monter en gamme, pour que les enfants mangent mieux, rapporte Eric Champoux, gestionnaire du collège. Mais si le bio c’est meilleur en terme de saveurs, c’est aussi plus cher. On est parvenu à le faire à budget constant, en gagnant des marges de manœuvres sur d’autres postes, en luttant notamment contre le gaspillage alimentaire. »

Moins de 10% de produits locaux

Par exemple, la cantine ne propose plus des petits pains entiers, mais coupés – « une tranche de pain gaspillée par collégien, c’est 7000 baguettes par jour » en Gironde, signale une affiche. Et les élèves sont incités depuis deux ans à dire s’ils veulent de petites ou de grosses rations. Lorsque les plateaux sont restitués, un « gachimètre » indique le poids d’aliments jetés les jours précédents.

Le collège de Saint-Médard est ainsi parvenu à maintenir à 3,55 euros le prix du repas demandé aux parents – pour un coût total estimé de 9 euros, subventionné aux deux tiers par le département, dont 1,5 euro pour les denrées. Et ce en faisant travailler de plus en plus de producteurs locaux, dont les denrées représentent toutefois encore moins de 10% des menus de la cantine.

« On a de la chance d’avoir les maraîchers de la vallée des Jalles à côté, estime Patrice Tellier, le cuistot du collège. Une fois qu’on a trouvé les bons fournisseurs, il n’y a plus de souci. Cela demande simplement de se remonter les manches, car il faut laver et couper les produits frais, et de s’adapter aux produits de saison : lorsqu’il n’y a plus de tomates en octobre, on passe aux navets, aux poireaux et au chou. Et c’est bon pour l’emploi : pour nous fournir, notre maraîcher d’Eysines a embauché trois personnes. »

Effet bœuf

En revanche, le cuisinier est moins satisfait du groupement d’achat par lequel la cantine doit passer pour se fournir en viandes : le bœuf, par exemple, est selon Patrice Tellier souvent élevé en Allemagne, puis abattu en Hollande.

Dans la métropole, la plus grosse cuisine centrale (21500 repas par jour aux écoles et maisons de retraite de Bordeaux et Mérignac), s’affiche encore plus vertueuse : le SIVU (un établissement public de coopération intercommunal, EPCI) revendique des menus bio à 29% et un approvisionnement en viandes 100% françaises.

Zone de stockage des viandes du SIVU (site internet SIVU)

Le directeur technique du SIVU, Didier Iapichino, affirme se fournir autant que possible auprès de producteurs de la région. Enfin, de la (très) grande future région, et au delà : le veau vient de Corrèze, les volailles de Dordogne, la charcuterie de Vendée, l’agneau du Quercy et le porc du grand Sud-Ouest.

« Nous avons de très gros volumes – un sauté de veau, c’est deux tonnes de viandes – et c’est difficile de s’approvisionner près de Bordeaux, justifie Didier Iapichino. La Gironde n’est pas un énorme bassin agricole, on doit donc aller plus loin – beaucoup de fruits viennent par exemple du Lot-et-Garonne. Les petits producteurs ont aussi du mal à répondre aux appels d’offres de la restauration collective car cela demande trop de travail administratif. »

Bouffée d’oxygène

Le responsable du SIVU juge donc qu’un assouplissement du code des marchés publics, qui prohibe toute préférence géographique permettant de privilégier des achats locaux, apporterait « une bouffée d’oxygène » aux agriculteurs :

« Dans nos cahiers des charges on demande déjà aux fournisseurs les circuits les plus courts possibles, et on leur impose d’avoir leur propre flotte de véhicule, ce qui élimine de gros intermédiaires. Mais c’est encore très exclusif, et permettre d’autres critères, cela va alléger le fardeau administratif des petits producteurs. »

Il existe toutefois d’autres limites à l’approvisionnement par des petits producteurs, techniques celles-ci : nombre de cuisines centrales ont par exemple renoncé à s’équiper de légumeries, pour laver et couper les légumes, à commencer par le SIVU :

« Lors de la création du SIVU, les responsables de l’unité de production culinaire n’ont pas souhaité faire cette acquisition, pour gagner de la place et économiser des m3 d’eau, indique Didier Iapichino. Aussi, j’achète les légumes pelés et boutés auprès d’un intermédiaire, Rosée des Champs, un gros faiseur qui dispose de machines, tout en respectant l’appellation bio. Et puis avec nos volumes, je ne pourrai pas faire travailler les petits producteurs d’Eysines. »

Vocations

Paradoxe : malgré la proximité des maraîchers, la cuisine centrale de Saint-Médard-en-Jalles, qui prépare environ 3000 repas pour la commune (écoles primaire, agents municipaux…), ne dispose pas non plus d’une légumerie.

Mais il se pose aussi, bien sûr, les questions du maintien et de l’installation de jeunes agriculteurs capables de répondre à ces défis, ou encore celle de la conversion au bio des exploitants conventionnels (la surface agricole utile dédiée à l’agriculture bio n’est encore que de 6,2% en Gironde).

« Nous avons des problèmes de foncier, un terrain vendu pour l’urbanisation rapporte beaucoup plus qu’une terre à vocation agricole, rappelle Jean-Luc Gleyze, le président du département. Il faut favoriser l’installation des jeunes, mais ceux-ci doivent encore trouver de quoi se rémunérer. La demande de la restauration collective fait partie d’un sujet d’ensemble à traiter. »

Ce sera l’objet d’un prochain article, sur l’agriculture urbaine, à suivre très prochainement dans Rue89 Bordeaux.


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