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Chauffeur Uber et taxi, collision d’intérêts

Sept mois après un arrêté interdisant Uberpop en Gironde, cinq chauffeurs ont été lourdement condamnés la semaine dernière par le tribunal correctionnel de Bordeaux. Pourtant, grâce à cette activité, Thierry a retrouvé « le goût du travail », alors que Jean-Pierre, jeune artisan taxi, s’inquiète pour son récent investissement.

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Chauffeur Uber et taxi, collision d’intérêts

L'appli Uberpop sur l'écran d'un téléphone dans le véhicule d'un chauffeur (DR)
L’appli Uberpop sur l’écran d’un téléphone dans le véhicule d’un chauffeur (DR)

La semaine dernière, cinq chauffeurs UberPop ont été reconnus coupables et condamnés par le tribunal correctionnel de Bordeaux à de grosses amendes et des suspensions de permis de conduire pour exercice illégal de la profession de taxi.

Âgés de 28 à 70 ans, les cinq hommes – un chômeur, un barman, un chef d’équipe dans le bâtiment, un professeur à la retraite et un vigile – étaient jugés pour des faits commis entre le 20 octobre 2014 et le 24 mars 2015. Depuis la suspension de l’appli par Uber en juillet dernier, et en attendant la décision du Conseil constitutionnel sur la légalité du service qui doit tomber autour du 15 septembre, ce service est interrompu sur la métropole bordelaise.

Malgré cela, le site permet toujours de s’inscrire pour « rejoindre le réseau Uber » en tant que chauffeur, à condition soit d’avoir ou d’être en cours d’obtention d’une licence pour le transport de personne, soit d’être inscrit, ou en cours d’inscription, au registre VTC (voiture de tourisme avec chauffeur). Surtout, selon Nadège Roy, présidente du Syndicat autonome artisans taxi Gironde, « sur les 300 chauffeurs UberPop actifs avant la suspension de l’application, une centaine continuent à travailler dans l’illégalité après avoir eu le temps de distribuer leurs cartes de visite ».

« C’est interdit et alors ? »

Thierry est l’un de ceux-là (le prénom a été changé). Au chômage depuis 2013, il avait retrouvé grâce à Uberpop « un boulot qui rapporte ». Après qu’elle lui ait « redonné le goût du travail », ce chauffeur Uber bordelais a dû abandonner cette activité mais il continue cependant « à rendre services à des clients fidèles pour des déplacements la nuit ou pour des trajets jusqu’à la gare ou l’aéroport », ce qui représente pour lui une source financière indispensable :

« Si je ne fais pas ça, je fais la manche. Ou je me retrouve carrément à la rue avec ma copine et ma fille, parce que sans ça, je ne peux pas payer mon loyer. De toute façon, ça ne passe plus par Uber, on m’appelle direct. »

Ce quadra, ancien responsable sécurité sur les chantiers, a démarré avec l’arrivée de l’appli UberPop à Bordeaux en 2014. Il reconnaît en avoir tiré 800 € à 1000 € par mois « selon le contexte » et malgré l’arrêté de la préfecture en février dernier :

« C’était interdit et alors ? Vendre de la drogue aussi est interdit et pourtant il y en a qui s’en mettent plein les poches, 100 fois plus que moi. »

« C’est mal tombé pour moi ! »

L’interdiction s’est faite sous la pression des chauffeurs de taxi, comme Jean-Pierre. Ce trentenaire n’a pas vu d’un bon œil l’arrivée d’UberPop sur l’agglomération bordelaise, et pour cause : il venait d’abandonner son poste de salarié dans une société de taxis pour s’installer à son compte :

« C’est carrément mal tombé pour moi. J’avais décidé de quitter mon employeur pour me lancer. J’avais longtemps hésité pour prendre cette décision. Les chauffeurs qui sont à leur compte sont nombreux, plus de la moitié. »

Jean-Pierre espérait une certaine liberté en étant propriétaire de sa voiture et de sa licence. Il a donc investi dans les deux, refusant le système de location « qui peut revenir très cher » :

« J’ai repris une autorisation de stationnement à 200 000€, voiture équipée incluse, à un chauffeur qui voulait partir à la retraite. J’ai apporté 25 000€ et j’ai fait un crédit avec des mensualités de 1500€. »

Alors le constat pour lui est sans appel : UberPop est une concurrence déloyale et qui aurait même pu ruiner son affaire naissante. L’arrivée de cette appli, alors que « bosser tous les jours au détriment de sa vie perso était déjà difficile à vivre », a été un danger pour son entreprise.

Comme Jean-Pierre, ils sont 30 à 50 artisans qui s’installent par an sur la Gironde et doivent payer entre 180 000€ et 200 000€ une autorisation de stationnement. Avec la loi Thévenoud, les autorisations délivrés à partir de 2014 ne sont plus cessibles et s’obtiennent après demande à la préfecture qui en définit les quotas.

D’UberPop à Uber X

Si Thierry peut comprendre l’argument des artisans taxis, il ne voit que ses intérêts et « c’est normal ». Aujourd’hui, la situation l’emmène à lorgner du côté d’Uber X, un autre service proposé par la même société et toujours en ligne. C’est un service VTC qui consiste à mettre à disposition une voiture avec chauffeur. Il nécessite une autorisation, une formation, et une voiture haut de gamme.

« Il me faut une licence qui vaut 3000 €, changer de voiture pour une autre plus récente et plus chic. Avec mes courses en cachette, je tente d’économiser. »

Des économies difficiles à faire mais peu importe ; avec Uber X, Thierry espère gagner 3000€ par mois « d’après ce qui se dit ». De son côté, Jean-Marc constate désemparé :

« Il paraît qu’il en arrive 15 nouveaux par mois des VTC Uber. Le marché va vite saturer et tout le monde va se retrouver le bec dans l’eau. »

Cependant Nadège Roy s’étonne de cette rapide reconversion :

« Certes, c’est un cadre légal par rapport à la législation VTC. Je constate quand même que nombreux sont ceux qui ont obtenu l’autorisation si rapidement alors qu’il faut une formation de 250 heures. Je ne suis pas certaine qu’ils soient tous dans la légalité. »


#Bordeaux

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