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Elections : grande région, nouvelles idées ?

Dimanche prochain, on vote. Qui dirigera la grande région Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes ? Les propositions des candidat-e-s sont elles aussi inédites que ce nouvel ensemble ? Analyse par Stéphane Moréale et Simon Barthélémy.

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Elections : grande région, nouvelles idées ?

Panneaux électoraux à Bordeaux (SB/Rue89 Bordeaux)
Panneaux électoraux à Bordeaux (SB/Rue89 Bordeaux)

Virginie Calmels, un programme « cost killer »

Virginie Calmels (WS/Rue89 Bordeaux)

La candidate de l’union UMP-UDI-Modem-CPNT, qui revendique son passé de chef d’entreprise (chez Endemol France, notamment), assure vouloir gérer la grande région comme une société. En jouant carrément au « cost killer » : la mesure choc du programme Calmels est sans conteste la « réduction du train de vie de la Région », avec comme priorité « le non remplacement des fonctionnaires (8000 agents actuellement dans les trois régions) partant à la retraite ».

Dans le viseur de l’adjointe d’Alain Juppé, « les fonctionnaires du siège (donc administratif) ». Cela représenterait sur six ans « 410 postes sur 2526 fonctionnaires ». Les TOS (personnels des lycées) ne seraient pas concernés.

Virginie Calmels promet aussi de lutter « contre l’absentéisme, qui révèle un profond mal-être au travail dans les services de la Région ». La candidate attend de ces mesures « 116 M€ d’économies ».

Sur ma route

Elle souhaite par ailleurs stopper le financement de la ligne de chemin de fer Pau-Canfranc, chère à son concurrent socialiste Alain Rousset, « un projet onéreux de ligne touristique qui n’a d’ailleurs pas reçu le soutien de l’Etat » assure la candidate. Sur les 470 M€ du projet, la région Aquitaine avait déjà engagé 100 M€. Si elle arrive aux affaires, Virginie Calmels coupera le robinet des 370 M€ restants.

A quoi serviront ces économies ? A financer, à hauteur de 110 M€, « les routes d’intérêt régional », le projet de contournement d’Oloron et de 2×2 voies Poitiers-Limoges. Les 260 millions restants abonderont le plan numérique, ce qui ferait passer le budget numérique régional (principalement financée par l’Etat) à 1,750 milliard d’euros.

Virginie Calmels voudrait inverser le ratio entre les dépenses d’investissement et celles de fonctionnement, actuellement de 40%-60%. Selon ses adversaires socialistes, cela équivaudrait à remettre en cause des dépenses d’intervention, comme les salaires des conducteurs de TER ou l’appui aux chômeurs de longue durée – « 10000 chômeurs formés en moins », a estimé Alain Rousset lors du dernier débat sur France Bleu.

« Pression fiscale »

Pour soutenir l’activité, elle souhaite en outre « une baisse de la pression fiscale dans la durée », qui se traduirait par une suppression de la taxe sur les permis de conduire (-1 million d’euros), un alignement vers le bas de la taxe sur les cartes grises dès 2017 (-12 M€), et la baisse de la part régionale de la TIPP (taxe intérieure sur les produits pétroliers) dès 2020.

Baisse du seul impôt pollueur-payeur, nouvelles routes, moins de fonctionnaires : voilà des idées ni neuves, ni vertes. Le volet éducation est plus audacieux, comme l’objectif de doubler le nombre d’apprentis (contre +50% côté Rousset), en augmentant la prime d’apprentissage, ou celui de doter chaque département d’un lycée de la deuxième chance pour lutter contre le décrochage scolaire.

Côté gouvernance, Virginie Calmels veut décentraliser les directions régionales dans les « capitales territoriales » – Poitiers, Limoges… Une idée partagée par Alain Rousset.

Alain Rousset : exporter le modèle aquitain

Alain Rousset (SM/Rue89 Bordeaux)

Le parti socialiste (uni avec le PRG au 1er tour) joue sur son bilan dans les trois régions qu’il dirige actuellement – même si c’est l’expérience aquitaine qui inspire essentiellement son programme.

De ce texte de 109 pages, conçu « avec 300 experts venus des 4 horizons de la grande région », il est difficile d’extraire une mesure choc. Exhaustif mais plutôt prudent, fait pour rallier écologistes et Front de gauche sans fâcher le centre, il comprend toutefois quelques idées à souligner.

Au chapitre économique, notons le projet de fonds régional d’investissement de 100 millions d’euros, constitué par le regroupement des fonds existants et le recours aux partenaires privés. But de ce fonds régional : permettre aux entreprises ayant un problème de fonds propres de se financer, plutôt que d’être sauvées « par des fonds cannibales ».

Sur toute la ligne

Autre mesure novatrice, dans le volet éducation cette fois : la généralisation à l’ensemble de la grande région d’un système importé du Québec et testé depuis peu en Aquitaine : une ligne directe et gratuite d’aide aux devoirs pour tous les lycéens et apprentis.

Le PS affiche l’objectif de 50% d’une classe d’âge diplômés de l’enseignement supérieur. En complément du plan national « Réussite en licence » serait développé un MOOC (formation en ligne) pour les jeunes qui rentrent à l’université, afin de « préparer en 3-4 semaines leur rentrée avec un programme de remise à niveau ».

Dans cette super-région, plus grande que l’Autriche, Alain Rousset, héraut de la décentralisation, avance quelques pistes pour démocratiser les prises de décision.

Assemblée citoyenne

Le candidat socialiste propose « un contrat avec tous les territoires », représentés par un élu de référence et des membres de la société civile, et « en charge de fixer leurs priorités pour cinq ans ». Alain Rousset l’assure : la fusion des trois régions en une seule se fera « dans une totale transparence, avec un observatoire de la fusion, un bilan systématique des aides et l’ouverture des données publiques ».

Au côté du Ceser (conseil économique, social et environnemental régional, qui rassemble les corps constitués), le PS propose « une assemblée citoyenne » qui pourra être consultée sur les grands enjeux régionaux. « Composée selon des modalités à définir (tirage au sort, représentation de tous les bassins de vie, etc.), elle pourra être saisie ou s’auto-­saisir sur des thématiques de prospective afin d’éclairer les choix des élus. »

Alain Rousset propose également un « droit d’initiative local » : « lorsqu’une pétition citoyenne réunira 50 000 suffrages parmi les habitants du territoire, la question soumise sera obligatoirement inscrite à l’ordre du jour de l’assemblée régionale ».

Côté transports, outre la fusion des TER, le PS veut des lignes interrégionales Bordeaux-­Limoges, Angoulême-­Limoges, Poitiers-­Limoges), une écotaxe poids lourds, la gratuité des transports scolaires (par autocars), ainsi que celle des Ter pour certains publics comme les chômeurs en formation ou encore les apprentis.

Françoise Coutant, la transition énergétique en avant

Françoise Coutant (DR)

Vice-présidente du conseil régional de Poitou-Charentes, en charge des transports, Françoise Coutant estime que son « pacte écologique » peut créer 150 000 emplois locaux non délocalisables. Notamment dans l’agriculture bio, dont elle propose de multiplier les surfaces par 4, les circuits courts, ou les énergies renouvelables, qu’une Agence régionale de l’énergie serait chargée de promouvoir.

Pour un maillage du territoire par des transports alternatifs à l’auto individuelle, la candidate Europe écologie-Les Verts, propose de coordonner les diverses autorités organisatrices de transports. Objectif : assurer la complémentarité des offres de transports entre les TER, les cars et bus, et l’autopartage.

Un schéma régional d’aires de covoiturage associées à une signalétique pour les points d’arrêt et la création d’un site internet dédié, est aussi au menu. Le programme écologiste s’appuierait sur un « schéma régional d’intermodalité », qui sera une obligation légale à compter du 1er janvier 2016.

Economie circulaire

Globalement, les écologistes s’appuient sur les outils mis à la disposition des régions par les nouvelles lois de décentralisation. Alors que la Région va désormais devoir élaborer le plan régional de gestion et de réduction des déchets (PRPGD), EELV y voit « une formidable opportunité d’engager une véritable politique écologique de réduction des déchets et d’optimisation du recyclage » ; et une façon de booster l’économie circulaire, potentiellement créatrice d’emplois.

Hostile aux projets de LGV, Françoise Coutant veut aussi des « mécanismes de participation directe pour les citoyens, et garantir un débat public sur tout projet structurant ». Suivez mon regard.

Jacques Colombier pour la « préférence régionale »

Jacques Colombier (photo SB/Rue89 Bordeaux)

Le tract dans lequel la tête de liste frontiste expose son programme lui vaut des poursuites pour diffamation. En stipulant que le projet de centre islamique à La Bastide « sera financé en grande partie avec l’argent des contribuables Bordelais, de la métropole de la Gironde et du Conseil régional », Jacques Colombier, patron du FN girondin, est allé en effet très vite en besogne, puisque rien n’indique pour l’heure quand et comment, le centre pourra voir le jour.

Mais la dénonciation de l’ « islamisation de Bordeaux » reprend les thèmes classiques du parti d’extrême-droite, comme d’autres propositions – « supprimer les subventions aux associations communautaristes, pro-immigrationistes et aux syndicats politisés » (ce qui pourrait faire beaucoup de monde), « supprimer le budget de coopération international » ou encore « instaurer la préférence régionale ».

Derrière cette expression floue, le FN précise que « les aides financières aux entreprises de la région devront inclure des engagements de maintien de l’activité sur place. En cas de délocalisation ou d’embauche de travailleurs détachés, le remboursement des aides perçues sera exigé ».

Contre les LGV

Autre thématique chère à la droite dure, la sécurité figure en bonne place dans le programme, même si elle n’est pas directement du ressort de la région. Le FN veut donc « négocier avec l’Etat la création d’une police régionale des transports », ou installer des portiques et des caméras dans les lycées. Sans préciser le coût de cette mesure.

Au rayon écologie, le conseiller municipal bordelais veut « ramener la part régionale de la TIPP sur l’essence au minimum (elle est au maximum en Aquitaine) » ou encore « pratiquer la chasse dans les espaces Natura 2000 sans l’ukase des écolos ». Il se prononce également contre les LGV Bordeaux-Dax et Bordeaux-Toulouse.

Olivier Dartigolles, la mobilisation pour l’emploi

Olivier Dartigolles (Marie-Lan Nguyen)

« Solidaire », « citoyenne », « écologique ». Mais derrière ces mots clés et ses 12 engagements (« rompre avec les choix d’austérité », « mettre en œuvre l’égalité territoriale en lieu et place de la métropolisation »…), le programme d’Olivier Dartigolles, tête de liste du Front de gauche, est relativement (par rapport à d’autres concurrents) light côté propositions concrètes.

Par exemple, le porte-parole palois du Parti communiste défend « la gratuité des services publics, biens communs et garants de l’égalité des citoyens ». Mais il ne cite comme mesure possible que la gratuité des transports pour les jeunes, les scolaires et les demandeurs d’emplois.

Olivier Dartigolles est en revanche précis et offensif sur sa volonté de « mettre en place une véritable conditionnalité des aides publiques ». Celle-ci consisterait à ne plus verser « un euro aux entreprises qui licencient ou qui ne réinvestissent pas dans l’emploi », ni « aux multinationales qui distribuent des dividendes à leurs actionnaires, ni à leurs filiales présentes sur le territoire régional ».

Les aides économiques seraient conditionnées « à leur utilité sociale, démocratique ou environnementale, en nous appuyant sur l’expertise des comités de bassin d’emploi ».

Faire payer les banques

« Il faut dépasser le ciblage sur les seules filières d’excellence (aéronautique, NTIC…), pour aider toutes les TPE/PME/PMI qui répondent aux besoins de la population », note par ailleurs Olivier Dartigolles.

Le Front de gauche veut également « mobiliser l’argent des banques pour l’emploi » : une conférence bancaire régionale serait convoquée, « pour faire le point du financement de l’économie par les banques, avec les acteurs concernés : représentants des chefs d’entreprises, syndicats de salariés, exécutifs des collectivités territoriales ». Des « Fonds régionaux pour l’emploi, la formation et l’environnement » serviraient à aiguiller cet argent vers la transition écologique, notamment.

Et aussi…

Faisons ensemble avance « 10 premiers engagements », dont le TER à 1 euro pour tous, une télévision régionale publique et un établissement public foncier régional pour acquérir des terres et les mettre à disposition de nouveaux agriculteurs.

L’Union populaire républicaine (UPR), un parti souverainiste, « refuse la privatisation du TER imposée par l’UE » (en fait, l’ouverture à la concurrence autorisée à partir de 2019). Elle veut « favoriser le retour aux régies locales des eaux » ou augmenter le nombre de logement sociaux, même si ce sont deux compétences plutôt du ressort des communes.

Nouvelle Donne propose notamment « un grand jury citoyen tiré au sort, co-décisionnaire des grands projets d’avenir », et « un revenu de base pendant les formations ».


#Alain Rousset

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