Les habitants du quartier Fondaudège s’étaient habitués aux parfums de l’anis vert méditerranéen et des 11 plantes et épices qui composent la recette secrète de Marie Brizard. Bientôt, il n’en restera qu’un vague souvenir.
Le groupe français Marie Brizard Wine & Spirits (MBWS), anciennement Belvédère, vient d’annoncer la signature de promesses de vente pour la cession de deux de ses sites, celui, historique, de la rue Fondaudège à Bordeaux, et l’autre, Polmos krakow, en périphérie de Cracovie..
Un lieu multi-activités
A Bordeaux, selon les détails de la vente révélés par Sud Ouest, c’est Belin l’Immobilier qui a remporté l’appel d’offres privé face à une vingtaine de concurrents, parmi eux Vinci et Eiffage. Confié au cabinet d’architecture bordelais Luc Arsène-Henry et Alain Triaud (Hôtel de Bordeaux Métropole, square Pey Berland, école Kedge à Talence…), le projet qui s’étend sur plus de 11 000 m2 prévoit un lieu multi-activités : 100 logements (dont 25% sociaux), 1500 m2 bureaux, 200 places de parking (dont la moitié financé par la Métropole), un supermarché et un lieu dédié à la liqueur bordelaise, « dans lequel son histoire, son savoir-faire et ses produits seront mis à l’honneur ».
La signature des actes de vente définitifs est attendue en 2016 et la fin des premières tranches de travaux en 2019. Le prix de la vente n’a pas été dévoilé. Un communiqué indique un total de 28 millions d’euros pour les deux sites.
Rendue nécessaire par « l’impossibilité de maintenir une activité industrielle dans le centre urbain de Bordeaux », la cession du site bordelais coïncide avec la reprise des travaux de la ligne du tram D. Actuellement à deux voies, la rue Fondaudège va accueillir les rails du tram et ne laisser qu’une voie pour la circulation des voitures, ce qui rendra difficile le chargement et les manœuvres des camions de transport.
Selon la feuille de route
La production des liqueurs Marie Brizard, jusqu’alors réalisée dans ce site, sera répartie entre les sites existants de Lormont et Zizurkil en Espagne qui offrent un processus de production moderne et rationalisé. A Lormont, Marie Brizard rejoint les locaux de William Pitters que le groupe MBWS a racheté en février 2015 à son PDG fondateur et unique actionnaire, Bernard Magrez.
Ces restructurations correspondent à une feuille de route avec l’arrivée de nouveaux actionnaires comme le groupe Castel et le groupe marocain Diana Holding en octobre 2014, rejoints par le groupe Bardinet La Martiniquaise depuis juin 2015. En juillet, le nom de la célèbre liqueur bordelaise remplace celui de Belvédère, le groupe qui en avait fait l’acquisition en 2006 et qui avait entrainé la marque dans une période agitée et incertaine sur les plans financier, juridique et humain.
Fort d’une gouvernance renouvelée et d’une situation financière assainie, MBWS avait publié en décembre 2014 un nouveau plan stratégique BiG 2018 (Back in the Game 2018). Celui-ci prévoyait notamment la fusion de William Pitters et Marie Brizard, le transfert de la production de Fondaudège ainsi que la vente des bâtiments dans l’espoir de réaliser 1,5 million d’euros d’économie sur les charges opérationnelles.
La vente des deux sites permet d’atteindre près de trois quart de l’objectif de 40 millions d’euros de produits de cession fixé pour le volet rationalisation de la stratégie BiG 2018.
Marie Brizard, l’aventure d’une bordelaise
La liqueur bordelaise figure parmi le cercle étroit des sociétés de liqueurs et alcools dont l’origine date du XVIIIe siècle (comme Rémy-Martin, Martell ou Hennessy). Celle-ci est née à une époque où l’anisette était devenue une pratique courante à Bordeaux grâce à l’essor des relations maritimes qui avait permis d’importer des épices en provenance des îles.
Marie Brizard n’est pas un personnage mythique. Plusieurs documents des années 1760 attestent de son existence à la tête de sa marque avec un « sieur Roger », ce qui a valu à la société la dénomination de Marie Brizard & Roger à sa création en 1755. Celle-ci s’est installée rue Fondaudège en 1874, dans un atelier et un entrepôt déjà existants. En 1878, les chais et l’atelier de fabrication sont édifiés dans une logique de croissance portée par la famille Glotin. Vers 1912, une grande partie du matériel est renouvelée et, entre 1920 et 1930, certaines opérations sont mécanisés.
A partir de 1950, l’usine ne cesse d’améliorer ses équipements. Son ascension aboutit, entre 1957 et 1961, à la construction de bureaux et du siège social sur un projet de l’architecte bordelais Salier père. Celui-ci met en avant la charpente métallique exécutée par les établissements Desse de Bordeaux dans le style « Eiffel », témoignage architectural du XIXe siècle qui sera remis en valeur une nouvelle fois dans la prochaine métamorphose des lieux.
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