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Le Forum d’Avignon sur le pont à Bordeaux

« Davos de la culture », le Forum d’Avignon prendra ses quartiers à Bordeaux du 30 mars au 1er avril. Sur le thème « entreprendre la culture » cette édition dont le programme a été présenté mercredi à Paris, accueillera des invités prestigieux, dont un Prix Nobel de la Paix, mais aussi un concert gratuit de Yael Naim. Entretien avec Laure Kaltenbach, directrice générale du think tank Forum d’Avignon.

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Le Forum d’Avignon sur le pont à Bordeaux

Laure Kaltenbach, directrice générale du Forum d'Avignon (DR)
Laure Kaltenbach, directrice générale du Forum d’Avignon (DR)

Rue89 Bordeaux : Qu’est ce que le Forum d’Avignon, et pourquoi le surnomme-t-on souvent le Davos de la culture ?

Laure Kaltenbach : Chacun emploie les mots qu’il veut mais ce n’est pas comme ça que j’aime présenter le forum. C’est d’abord un laboratoire d’idées, qui travaille sur les liens entre la culture, l’économie et l’innovation. Notre association de 4 salariés est le seul think tank au monde à relier ces sujets. Nous le faisons à travers des études, réalisées par de grands cabinets de conseil pour éclairer des enjeux et proposer des solutions innovantes, et via des rencontres internationales et des débats organisés tout au long de l’année. Ce n’est pas le même état d’esprit que Davos. Nous avons ainsi 4 catégories de participants : artistes, étudiants, personnalités politiques et chefs d’entreprises. Nous voulons faire se rencontrer des gens qui n’en auraient pas l’occasion, et permettre ainsi à des projets de naître.

Par exemple ?

Un grand réalisateur marocain a rencontré des gens de Dassault Système, et créé avec l’entreprise une joint venture qui a recruté 8 ingénieurs afin de développer de la 3D en temps réel. Après une entrevue avec le maire de Bilbao, Philippe Stark a travaillé sur l’Alhóndiga, un centre culturel de la cité basque…

Pourquoi avoir choisi Bordeaux pour le prochain Forum ?

Le Forum n’en est pas à sa première itinérance.  En 8 ans nous avons eu 12 éditions, dont plusieurs à Paris, en Allemagne et à Bilbao. On cherchait une ville qui incarne nos valeurs et très spontanément Bordeaux s’est détachée. Elle porte haut les couleurs de la culture, elle a un patrimoine très fort et la volonté de développer l’attractivité de son territoire autour de trois axes de notre think tank, la culture, l’économie et l’innovation.

800 places gratuites pour Yael Naim

Quel sera le menu de ces trois journées bordelaises ?

Le thème choisi est « entreprendre la culture ». Nous voulons montrer toutes les facettes de entrepreneuriat culturel pour faire en sorte qu’il soit au cœur des politiques territoriales et nationales. Toutes les têtes d’affiche ne sont pas encore connues mais nous aurons l’honneur de recevoir Wided Bouchamaoui, qui dirige l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (Utica), et est une des lauréates du prix Nobel de la Paix 2015 pour la transition démocratique dans son pays. Nous pourrons aussi compter sur le commissaire européen à la culture, une dizaine de ministres et de grands artistes comme l’architecte Paul Andreu, le plasticien Michelangelo Pistoletto ou le cinéaste Michel Hazanavicius (The Artist, les OSS117…). De grands entrepreneurs des industries culturelles de l’innovation seront aussi présents.

Les échanges seront-ils ouverts au public ?

C’est la grande nouveauté cette année : nous allons ouvrir au grand public les débats du prologue (le 30 mars à Sciences Po Bordeaux), et la première journée du 31 mars. Nous ne pouvions pas le faire à Avignon faute de place, on ne pouvait pas pousser les murs de la salle du conclave. Au grand théâtre de Bordeaux, il y aura 300 participants du forum, et 500 personnes seront invitées, en particulier des personnalités des mondes étudiants, de la culture et de l’innovation. La journée du 1er avril sera réservée aux professionnels. L’autre spécificité du Forum, c’est de mélanger les débats et les performances artistiques. Un concert sera offert à la ville, et nous sommes très heureux d’annoncer que Yael Naim se produira au théâtre Femina. L’entrée est gratuite mais il faut s’inscrire en ligne dès ce mercredi après-midi pour avoir l’une des 800 places.

L’objectif du Forum d’Avignon est de faire du lobbying auprès des pouvoirs publics, notamment sur la question des droits d’auteur, très sensible dans les industries culturelles, et sur laquelle vous vous êtes exprimée l’an dernier contre les positions du Parti Pirate ?

On ne fait pas du lobbying, mais un éclairage notamment sur les questions de propriété intellectuelle, sujet sur lequel nous allons dévoiler prochainement une étude. Nous défendons très clairement ce principe, non pas dans une vision passéiste mais afin de la développer à l’ère du numérique, alors que des secteurs ont déjà fait leur révolution. C’est un mauvais débat d’opposer au public une poignée de gens qui voudraient garder leurs prérogatives.

« Normal que les artistes puissent vivre de leurs talents »

La question se pose pourtant clairement d’une meilleure répartition des profits colossaux de l’industrie entre les artistes, qui ne touchent par exemple que quelques centimes pour un téléchargement sur ITunes ou une diffusion en streaming légal... Que proposez vous ?

Il faut bien faire comprendre que ce qui sort de nos cerveaux a de la valeur, il est bien normal que les artistes qui produisent puissent émerger et vivre de leurs talents. C’est tout l’enjeu de ces débats. il ne s’agit plus d’être pour ou contre Hadopi, ou pour ou contre la licence globale, une idée simpliste. S’il existait une solution simple, cela se saurait. Dans une étude réalisée par Kurt Salmon, nous montrions que c’est par l’hybridation des modèles économiques que l’on parviendra à financer la culture.

Vous avez montré que la culture représente 1,4 millions d’emplois directs en France, soit plus que l’automobile, et 7,7 millions d’emplois directs en Europe. Pourtant, les pouvoirs publics, à commencer par l’Etat, ne cessent de réduire leurs financements dans ce secteur. Qu’en pensez vous ?

Nous avons toujours plutôt tendance à voir le verre à moitié plein. Notre approche consiste à faire des propositions concrètes pour que l’entrepreneuriat culturel réussisse. On continue à démontrer les performances économiques des villes et territoires qui ont fait le choix de mettre la politique culturelle au sein de leur stratégie, qu’elles aient un patrimoine matériel ou immatériel, comme un grand festival. Dans les 49 territoires et 21 pays que nous avons observés, le triptyque culture-innovation-économie fonctionne. Il faut en convaincre les collectivités locales et les mairies. Mais cela ne se décrète pas ; il faut faire travailler ensemble les acteurs du numérique, les entreprises, la culture, on est plutôt optimistes.

Mais cela supposerait quel genre de mesures pour soutenir le secteur ?

Aider les nouvelles générations à s’engager dans ces secteurs qui offrent beaucoup de nouveaux métiers et permettent de créer, mais aussi d’enseigner, d’écrire, de réaliser des performances. Il n’y a pour l’instant pas de système juridique ou de modèle social cohérent permettant de jongler entre ces différents sujets. Pour aller chercher des points de croissance, nous proposerons prochainement quelques idées pour déverrouiller quelques questions, comme celle de l’entrepreneuriat, des données et de l’éthique, ou de la présence en ville de ces nouveaux coworkers qui façonnent le paysage urbain.


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