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Les rénovateurs de Lescure répondent aux critiques

Critiqués pour leurs travaux d’aménagement envisagés au Parc Lescure, les architectes du Cabinet Ferret ont voulu répondre. De la reconfiguration de la plaine des sports à la suppression des escaliers « vénitiens », en passant par les loges vitrées nichées dans les virages du stade, voici leurs explications dans un entretien accordé à Rue89 Bordeaux.

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Les rénovateurs de Lescure répondent aux critiques

Venezia et Pierre Ferret (WS/Rue89 Bordeaux)
Venezia et Pierre Ferret, architectes retenus pour le réaménagement du Parc Lescure  (WS/Rue89 Bordeaux)

Les opposants aux travaux de réaménagement du Parc Lescure n’en veulent pas forcément aux architectes, mais plutôt à la mairie et ses « prescriptions destructrices ». Dans son billet publié par la Tribune de l’art, Jean-Claude Pelet prend garde de mentionner que « ce n’est pas l’architecte qui est en cause » et accuse la mairie de vouloir « détruire tout cet ensemble magnifique ».

Mais les critiques, notamment celles de l’association Préservons Lescure, ne sont pas passées inaperçues aux yeux et aux oreilles de Venezia et Pierre Ferret, architectes lauréat avec Adim Sud Ouest (société de Vinci construction France dédiée au développement immobilier) de l’appel d’offres lancé par la Ville de Bordeaux pour l’aménagement du Parc Lescure. Ils reviennent point par point sur les sujets qui fâchent.

Rue89 Bordeaux : Est-ce qu’on peut remettre le cahier des charges en cause ?

Venezia Ferret : Je ne pense pas car le cahier des charges émane directement des attendus de la concertation publique qui a eu lieu à l’automne 2013, elle-même ayant été précédée par un appel à idée courant 2012-2013. Celle-ci a souligné l’attachement à un ensemble patrimonial à préserver et utiliser, le manque de visibilité, de traversées et d’accès au site, les difficultés de stationnement avec la suggestion d’un parking, le manque de commerces de proximité, la volonté de rendre le site plus attractif par de nouveaux usages et des liens avec les hôpitaux et l’université.
Elle a aussi révélée la volonté d’affirmer la vocation sportive du lieu avec le maintien du rugby de haut niveau dans le stade, le maintien du sport scolaire et du sport pour tous en accès libre sur la plaine des sports, ainsi que le maintien des sports de salles. Enfin elle a fait émerger la volonté d’intégrer le Jardin de la Béchade au devenir de Lescure.

Pierre ferret : Le projet d’aménagement que nous proposons avec la préservation intégrale des deux grandes entités du parc que sont le stade et la plaine des sports, est peu interventionniste, dans le cadre du cahier des charges. Le but est de trouver un juste équilibre entre le patrimoine de Lescure et son utilisation. Nous savons tous que le meilleur moyen de le préserver est de lui trouver un usage qui permette de l’entretenir.

Nous allons aborder les points critiqués un à un.
Commençons par les escaliers dits « vénitiens » qui permettent de rejoindre les places des gradins. Vous proposez de les supprimer, pourquoi ?

Venezia Ferret : Le stade hérite d’une conception complexe parce qu’il y a plusieurs architectes qui ont travaillé dessus. Celui qui est considéré comme le concepteur avec les qualités architecturales reconnues aujourd’hui – sa forme, son anneau d’arcades et de voûtes en porte à faux, sa matérialité le béton armé – c’est Raoul Jourde. Le plan de Raoul Jourde ne comprend pas les fameux « escaliers » rapportés en saillie sur la façade, il les avait intégrés à l’intérieur du volume. Ces escaliers ont été rapportés par Jacques d’Welles, l’architecte de la ville à l’époque qui s’est emparé du projet. Factuellement, les historiens reconnaissent que Jourde était plus moderne et avant-gardiste et d’Welles plus néo-classique.

Pierre Ferret : Le sujet ici est finalement de savoir à quelle œuvre il faut faire référence pour parler de respect de patrimoine. Celle conçue par Jourde ou celle modifiée et construite par d’Welles ? C’est un vrai débat, et même les historiens qui s’intéressent à ce type de questionnement ne sont pas forcément d’accord entre eux. Le Stade Lescure a en effet été inauguré en 1938 avec les escaliers ajoutés par d’Welles. Jourde les avait pensés autrement et c’est ce que nous avons retenu.
Ceci dit, le projet peut encore tout à fait évoluer. Aujourd’hui rien n’est définitif.

Vous remaniez les gradins pour y construire des salons vitrés. Ce qui laisse craindre une modification de l’intérieur du stade, les voûtes et leur perspective, avec des murs et des pylônes pour supporter les vitres.

Pierre Ferret : Il nous été demandé de réduire les gradins pour ramener leur capacité de 34000 places aujourd’hui à 20000 – 25000 places. Où peut-on les enlever ? Évidement pas sur les tribunes principales, ce sont les meilleures. Le plus pertinent est donc d’enlever la partie haute des gradins des virages la plus éloignée de la pelouse. On nous reproche alors de toucher aux gradins d’origine. Mais c’est faux, aucun gradin n’est d’origine car ils ont tous été détruits lors de la grosse transformation de 1986.
En fait le stade contenait 15000 place à l’origine. On est passé ensuite à 45000 en 1986, puis à 40000, puis à 34000 en 1998, tel qu’on le voit aujourd’hui, et demain à 25000. On se rend compte que la jauge n’a cessé d’évoluer pour s’adapter à l’histoire et l’évolution du sport.

Venezia Ferret : Pour s’adapter à l’évolution du sport professionnel il est aussi indispensable que le stade Chaban puisse disposer de nouveaux espaces buvettes et commodités, d’espaces partenaires supplémentaires et d’un grand salon de réception à l’intérieur du stade. Les nouvelles buvettes seront de plein pied sur le parvis. Le grand salon de réception sera positionné sous la toiture du virage sud au droit du muret existant, qui fait partie de l’horizon du stade actuel. Il sera soigneusement vitré avec des verres bord à bord tenus en haut et en bas, et bien évidemment sans aucun murs, ni poteaux. Le verre extra clair et sans reflets ne changera rien à la perspective des voûtes en porte à faux. Ce salon pourra être utilisé en dehors des match permettant aussi à un autre public de découvrir l’architecture du stade.
En plus, l’intégration des réceptifs dans le stade évitera que les gymnases et la plaine des sports soient utilisés comme réceptifs le jour des matchs et donc confisqués aux pratiquants sportifs.

La plaine des sports revue par le Cabinet Ferret (DR)
La plaine des sports revue par le Cabinet Ferret (DR)

On vous reproche de réduire la plaine des sports de moitié.

Venezia Ferret : D’abord il faut corriger cette affirmation car elle est fausse. Contrairement à ce qui a été dit, la plaine des sports ne passe pas de 2,7 ha à 1,5 ha. Les vrais chiffres sont les suivants, compris espaces sportifs couverts : 22980 m2 actuellement contre 19945 m2 demain. Donc, il y a 13% de moins et pas 50% ! Cela permet de réinstaller la totalité des installations sportives existantes refaites à neuf, de manière adaptée aux normes et aux pratiques sportives actuelles. L’aménagement sera plus agréable avec un traitement paysager des espaces entre terrains.
Pour optimiser la pratique sportive libre, nous créons une liaison avec le Jardin de la Béchade en rendant piétonne la portion de la rue Léo-Saignat qui les sépare. Les joggers auront donc un espace d’évolution sécurisé augmenté de 17395 m2, et pourront faire des boucles de courses de 1,5Km.

Dans cette plaine des sports, vous proposez de supprimer la piste de 400 m et de changer l’orientation des terrains. Pourquoi ?

Pierre Ferret : On change l’orientation des terrains parce qu’ils sont, dans l’état actuel, mal orientés (Nord Est-Sud Ouest), ce qui est gênant pour les pratiquants qui sont éblouis.
Concernant la piste, on dit qu’elle est une des rares en France, c’est évidemment faux. Rien que sur la Métropole bordelaise, il y en a une au stade de Stéhélin, une au stade Alfred-Daney, une à la plaine des sports Colette-Besson à Bordeaux Lac, une au stade de Thouars à Talence, une sur le domaine universitaire et plusieurs autres sur les diverses communes de la Métropole bordelaise.

Venezia Ferret : Non, on ne supprime pas la piste d’athlétisme. Aujourd’hui, l’avant projet comporte deux pistes : une piste de 100m classique et anneau étalonnée selon les distances conventionnelles pour pouvoir se chronométrer.
En revanche Lescure est un site très important de pratique libre de course et de pratique scolaire. Des recherches sur la façon de pratiquer l’athlétisme aujourd’hui, ont révélé de nouvelles pratiques dans des pays à la pointe de la réflexion, comme les pays scandinaves. Ils ont fait le constat que les pistes traditionnelles, construites au siècle dernier au moment où l’athlétisme était la discipline reine du sport académique, ne suscitent plus l’attrait. Ils ont réfléchi sur la manière de rendre l’athlétisme plus attractif en ramenant les jeunes vers cette discipline. Leurs réflexions ont abouties à la mise en place de pistes étalonnées de forme libre afin d’être plus ludique et mieux intégré au paysage.
Je sais que certains souhaitent rester sur une forme d’anneau académique, mais ce ne sont malheureusement pour beaucoup pas des sportifs utilisant le site. Là encore, rien n’est figé, nous sommes entrain de travailler avec les utilisateurs du site et instances sportives compétentes afin d’affiner le projet. Si la forme académique de l’anneau l’emporte nous y reviendrons sans problème.

Cet ensemble, tout comme les terrains, ne seraient pas clôturés. On craint alors qu’il soit transformé « en petit square pour chiens » selon Jean-Claude Pelet.

Venezia Ferret : L’atout majeur de cette plaine des sports est déjà d’exister au cœur de la ville. Elle propose des terrains en libre accès et on peut y faire du sport y compris le soir. Certains ont cru qu’on y faisait un jardin au détriment du sport, je tiens à les rassurer, ce n’est pas le cas. Bien au contraire, l’idée est justement d’affirmer la vocation sportive du site dans un cadre paysager plus agréable, avec plus d’arbres et de pelouse, et moins de bitume.
En effet, une des questions majeures de cette deuxième phase de concertation est de savoir s’il faut clôturer ou pas la plaine des sports, et si oui, où ? sachant qu’elle est déjà naturellement clôturée par des bâtiments sur une grande partie de son périmètre.
Plusieurs solutions sont possibles. On peut imaginer :
– une plaine des sports ouverte façon quai des sports
– une plaine des sports clôturée sur tout son périmètre
– une plaine des sports clôturée au droit de l’ensemble ou partie de ses installations sportives de plein air.
Le projet s’adaptera à la solution qui sera retenu.

Pierre Ferret : De plus, autour des terrains qui en auront besoin, seront installés les pare-ballons. Le plus important est que cette plaine devienne visible et accessible pour susciter l’envie de pratiquer un sport. Je suis convaincu que l’urbanisme a un rôle à jouer dans la démocratisation et la diffusion des pratiques sportives.

Des logements prévus à l'emplacement de l'annexe Albert-Thomas (DR)
Les grilles du parc supprimées et des logements prévus à l’emplacement de l’annexe Albert-Thomas (DR)

Mais vous comptez également supprimer les murs et les grilles existantes qui dessinent les limites du Parc Lescure.

Pierre Ferret : En ce qui concerne le stade, nous proposons effectivement la suppression des grilles d’enceinte, mais en aucun cas du contrôle d’accès. La suppression des grilles d’enceinte du stade fonctionne avec le repositionnement des contrôle d’accès au droit des façades de celui-ci. La sécurité, le contrôle et les fouilles restent donc les mêmes, voir plus efficaces.
La libération des parvis du stade permet surtout de rendre à tous, un espace public aujourd’hui neutralisé pour 14 matchs par an. Cette évolution de l’organisation urbaine des stades est une pratique courante.

Venezia Ferret : A nos yeux, ce stade est un patrimoine culturel qu’il faut rendre accessible au public. Il est dommage que ce témoin important de l’architecture du XXe siècle soit dans une cage. On veut lui donner une façade urbaine, un nouveau rapport à la ville. Il y aura des grandes buvettes, la boutique de l’UBB vitrées sur le parvis. Ce qui va animer le quartier.

On vous reproche de supprimer le centre sportif Albert-Thomas construit par Michel Moga en 1998, qu’en est-il ?

Venezia Ferret : C’est un bâtiment qui a été construit pour la presse en 1998. Après la coupe du monde de football en France, il a été reconverti en salles de sports. Malheureusement, il n’a pas les dimensions nécessaires pour la pratique de tous les sports de salle.
Ce constat, allié à la logique urbaine de positionnement des nouveaux logements à construire le long de la rue Albert-Thomas, nous a amené à relocaliser l’ensemble des activités de sports de salle au sein d’un nouvel espace multisports parfaitement aux normes. Ce nouvel espace offrira 2945 m2 de surface de plancher dont 1995 m2 de surfaces d’activités, contre aujourd’hui 2630 m2 de surface de plancher dont 1500 m2 de surfaces d’activités. C’est 30% de plus.

Le fronton de pelote basque sera supprimé ?

Pierre Ferret : Sa suppression était possible dans le cahier des charges. L’avant projet le maintient.
La conséquence est la hauteur qu’impose le fronton à l’espace multisports. La hauteur pourrait éventuellement être réduite si la concertation privilégiait cette disposition. On peut aussi imaginer l’implantation d’un fronton dans la nouvelle organisation de la plaine des sports.
L’annexe Albert-Thomas a des mauvaises dimensions : 17,5 x 36 m, avec 6m35 de haut. Le nouvel espace multisports comprend, entre autre, un gymnase de 45×22 m et de plus de 9m libre de hauteur, intégrant le fronton de pelote et ses gradins.

Venezia Ferret : Ce nouvel espace multisports sera largement ouvert sur la plaine des sports et participera à l’affirmation sportive du site.

Pouvez-vous nous dire quelque chose sur la brasserie insolite ?

Venezia Ferret : C’est un petit bâtiment à la volumétrie assez exceptionnelle mais qui n’est plus du tout adapté aux pratiques sportives actuelles.
L’idée est d’en faire un restaurant original avec pourquoi pas une cuisine centrale ouverte qui permettrait de conserver intact le volume intérieur et d’en faire profiter tous les publics : les habitants de la Métropole comme les sportifs de Lescure.

Il est question de retravailler le dossier et de le représenter au conseil municipal en juin 2016 ?

Pierre ferret : Bien évidemment, comme cela a toujours été prévu, l’avant projet est en cours d’évolution selon la deuxième phase de concertation et le travail avec les différents services et autorités compétentes.
Les débats sont encore en cours notamment lors des permanences à Lescure le mercredi et vendredi. Ils seront arrêtés fin janvier. Tout est collecté, les avis directement exprimés lors de ces permanences, ou par courriers et sur internet. On connait les points qui font débat. A partir de là, nous proposerons plusieurs évolutions parmi lesquelles les élus choisiront.


#Cabinet Ferret Architectures

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