Les passants s’arrêtent souvent au 71 rue du Loup, devant la façade de l’hôtel Ragueneau. Tous les Bordelais connaissent l’élégant portail surplombé d’une voûte en trompe ondée et d’une glycine « remarquable » (elle est labellisée ainsi). Beaucoup l’ont même franchi pour travailler aux archives municipales, ou simplement visiter cet immeuble édifié en 1643 par la veuve de Pierre de Ragueneau, conseiller au parlement de Bordeaux.
Cela ne sera sans doute bientôt plus possible : propriétaire depuis 1860, la ville souhaite céder ce patrimoine, inoccupé depuis le récent déménagement des Archives dans l’ancienne Halle aux farines, ZAC Bastide Niel (ouverture annoncée en mars prochain).
C’est l’objectif d’une délibération qui sera soumise au vote du prochain conseil municipal (le 25 janvier). Elle prévoit une vente aux enchères de l’hôtel, avec une mise à prix de 2 millions d’euros. Soit la valeur estimée en 2005 par France Domaines pour ce patrimoine d’une superficie de 985 m2, mais aussi le montant chiffré pour sa réhabilitation, explique Nicolas Florian, adjoint au maire en charge des finances :
« Cet immeuble est vacant et, comme dans le cas de la cité municipale, il était convenu que les bâtiments qui ne sont pas réutilisés par la collectivité soient mis en vente. La façade est jolie mais il y a beaucoup de travaux à l’intérieur pour y remettre des services ou des logements sociaux. Nous avons investi 18 millions d’euros dans les nouvelles archives. Or pour financer ce genre de projets nous devons aliéner d’autres biens. Avec le désengagement de l’Etat, nous n’avons plus les moyens financiers de conserver ce patrimoine. »
« Bijoux de famille »
Nicolas Florian précise toutefois qu’à côté de la procédure de vente aux enchères, un jury sera mis en place pour évaluer ce que voudront faire les candidats de l’immeuble.
« L’ensemble est classé aux monuments historiques, les contraintes de rénovation sont donc très fortes. Il ne pourra pas s’y faire n’importe quoi, et cela pourrait en refroidir certains… »
Conseiller municipal d’opposition (PS), Matthieu Rouveyre a réagi aussitôt après la présentation aux élus de cette délibération :
« On vend des bijoux de famille pour équilibrer le budget, plombé par les grands équipements qui coutent tellement cher à rembourser (Cité municipale, Cité du vin…). Pourtant, l’hôtel de Ragueneau est “l’une des plus belles demeures bordelaises du XVIIe siècle”, comme le remarque la ville elle même sur son site internet. Il mérite qu’on y mette les moyens pour le conserver dans le patrimoine public. L’acquéreur devra certes expliquer ce qu’il entend faire de ce bâtiment mais il y a de grandes chances qu’il finisse en hôtel de luxe. C’est de mon point de vue la première fois qu’une vente concerne un bien aussi remarquable. »
Pour Nicolas Florian, la stratégie immobilière de la ville est inchangée depuis la vente de la tour de Gaz de Bordeaux ou de Santé navale. Mais celle d’un bâtiment emblématique en plein centre ville pourrait susciter davantage de levées de boucliers. Réponse le 25 janvier.
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