A Call at Nausicaa est l’un des groupes les plus prometteurs de la scène bordelaise. Formé en 2011, il tourne depuis trois ans sous sa forme actuelle – un quintette guitare-violon-violoncelle-batterie – mais n’a depuis produit que deux EP (extended play). Le premier avait été fort remarqué par la presse nationale. Le dernier en date, « Grand feu », un album de 5 titres, sort ce lundi 7 mars sur le label Velvet Coliseum.
Ses envolées pop, portées par les cordes, les chœurs et les cuivres, et les recherches mélodiques du groupe, confirment le talent de ces jeunes gens, tous passés par le Conservatoire de Bordeaux. L’énergie de certains morceaux évoque Arcade Fire, dans les meilleurs moments, ou Of Monsters and Men, dans les moins bons.
Eux revendiquent avant tout l’influence du folk américain, pour les amples paysages musicaux, bercés par Sufjan Stevens et Andrew Bird. La voix du chanteur et leader du groupe, Jean Grillet, ressemble d’ailleurs étrangement à celle de ce dernier. Mais pas question de se laisser enfermer sous une étiquette, explique-t-il :
« Nous n’avons pas encore sorti d’album car on estime n’avoir pas assez de matière pour un objet aussi long, mais aussi parce qu’on on aime le côté polaroid de l’EP, représentatif d’où nous sommes maintenant. Un album forge vraiment une identité. Nous sommes encore dans le voyage, en train de travailler, d’évoluer. Notre démarche actuelle se rapproche de Steve Reich ou de la musique industrielle. Dans trois mois ce sera peut être autre chose ».
D’Ulysse à Ocean Climax
D’ailleurs, Jean Grillet comme Elisa Dignac, la violoncelliste du groupe, citent tout autant comme sources d’inspiration Schönberg qu’Animal Collective, même si leur disque ne s’aventure pas dans des voies aussi expérimentales, et reste d’une facture sagement pop.
Reste que le voyage est dans les gênes du groupe bordelais : son nom est une double référence à la Nausicaa d’Homère, qui, dans l’Odyssée, attire Ulysse dans ses filets, et à celle de Miyazaki. La princesse de la vallée du vent tente d’empêcher deux empires belligérants de ressusciter les technologies biologiques ayant causé la fin sanglante des civilisations industrielles, et la pollution de la planète.
A call at Nausicaa n’a donc pas participé au festival écolo-festif Ocean Climax pour rien, même si les textes de leurs chansons (en anglais) sont plus dans le registre de l’intime et dans la poésie que dans l’engagement politique.
« “Who loves” parle de notre manière d’aimer, poursuit Jean Grillet. J’ai une famille complètement disloquée, et j’ai voulu dépeindre cette situation. »
D’autres rivages
Une atmosphère restituée dans le clip sensuel de Dorothée Pierson, présentant des corps à corps tour à tour amoureux et violents d’hommes et de femmes nues.
Mais pourquoi ne pas s’exprimer en français, au fait ?
« Toute notre musique est empruntée à une tradition musicale, qui s’exprime en anglais, comme tout opéra se devait d’être en italien », justifie Elisa Dignac.
Peut-être aussi pour ne pas souffrir de la comparaison, ajoute Jean Grillet :
« Bashung, Dominique A, Gainsbourg, sont des poètes qui ont écrit des choses magnifiques. Mais quand on écoute les paroles de Maître Gims, autant chanter en anglais ! Pour que les nôtres soient comprises, on a cependant tenu à ce que les textes figurent dans l’EP. »
S’il fait de la musique depuis l’âge de 6 ans, Jean a créé son premier groupe de rock à 14 ans, après avoir vu Louise Attaque en concert au Krakatoa, à Mérignac.
« Il y avait Bertrand Cantat dans la salle, on s’est rué sur lui comme des petits cons, et on rentré chez nous avec des paillettes plein les yeux. »
Le Krakatoa, A Call at Nausicaa y sera le 6 avril prochain pour sa « release party », la soirée de sortie de l’album. Avant bouche le 26 mars à 18h30, pour un mini-concert gratuit à La Machine à Musique – Lignerolles.
Le groupe espère que son début de reconnaissance nationale lui permettra d’enchaîner les dates lors des prochains festivals de l’été. Et de poursuivre son voyage, dans l’Hexagone ou, pourquoi pas, vers d’autres rivages.
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