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A l’Ehpad des Carmes, les aides-soignantes ne battent pas en retraite

Les aides-soignantes grévistes de la maison de retraite « Les Carmes » à Bordeaux ont manifesté ce jeudi 21 avril pour dénoncer la dégradation de leurs conditions de travail qui pèse sur la prise en charge des résidents.

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Les aides-soignantes de la maison de retraite "Les Carmes" dénoncent des conditions de travail déplorables

Les aides-soignantes de la maison de retraite "Les Carmes" dénoncent des conditions de travail déplorables
Les aides-soignantes de la maison de retraite « Les Carmes » dénoncent des conditions de travail déplorables (JP/Rue89Bordeaux)

« On ne lâchera rien », « honte à vous », « on va se battre ». Les voix s’élèvent ce jeudi 21 avril devant l’Ehpad « Les Carmes » à Bordeaux. Depuis une semaine, une partie des aides-soignantes est en grève pour dénoncer des conditions de travail déplorables qui, selon elles, impactent  directement les résidents.

Manque de personnel, manque de temps pour s’occuper des personnes âgées, pas assez de budget animation… Autant de problèmes signalés à la direction depuis des mois mais laissés sans réponse. En organisant cette manifestation, les aides-soignantes comptent bien se faire entendre.

« On ne peut pas continuer à travailler comme ça, nous n’avons pas assez de temps pour nous occuper de nos résidents, déplore Manon Tomyslak, employée depuis un an et demi. Le personnel n’est jamais remplacé. Quand il y a des vacances ou des absences, la charge de travail est dispatchée sur les autres aides-soignants qui ont deux fois plus de boulot. Si aujourd’hui on fait grève, c’est pour l’amélioration des conditions de travail et des conditions d’accueil. On fait ça pour la dignité de nos résidents ».

Pour régler ces dysfonctionnements, les aides-soignantes réclament à la direction deux postes supplémentaires. A l’heure actuelle, elles ne sont en semaine que 7 à s’occuper des 80 résidents durant la journée, et deux seulement la nuit. Autre demande : l’augmentation du budget animation qui s’élève aujourd’hui à 6000 euros par an, soit 20 centimes par résident :

« C’est honteux, s’insurge Cathy Arèse, aide-soignante. Les résidents ne peuvent même plus bénéficier de sorties, ils restent chez eux. Quand vous pensez qu’ils payent entre 2500 et 4500 euros leur chambre, c’est scandaleux ».

Une question de moyens

La direction, qui a entendu le personnel mercredi lors d’une réunion de plus de 3h30, a expliqué ces dysfonctionnements par un manque de moyens et dit ne pas être en mesure de les résoudre. Un argument mensonger, estime Manon Tomyslak :

« La maison de retraite appartient au groupe DomusVi, qui fait de gros bénéfices chaque année ! Un poste supplémentaire reviendrait à 15 000 euros par an, c’est rien du tout ! Mais comme c’est un groupe coté en bourse, alors bien sûr les choses sont plus compliquées ! »

Avec plus de 220 résidences médicalisées, le groupe DomusVi est en effet le troisième groupe privé d’accueil et de services en France et en Espagne. Il appartient au fonds d’investissement français PAI Partners et d’après les derniers chiffres, aurait fait 670 millions de chiffres d’affaires en 2014 dont un bénéfice de 46 millions d’euros.

La direction des Carmes, contactée par Rue89 Bordeaux, n’a pas souhaité réagir. Elle n’a pas non plus donné suite à la demande de nouvelle réunion faite par les aides-soignantes. Celles-ci ont reçu jeudi le soutien de plusieurs proches de résidents, dont Adrien petit-fils d’un ancien locataire :

« J’ai été touché par votre message, je suis moi-même infirmier au CHU de Bordeaux et je comprends les difficultés de vos conditions de travail. Ce n’est pas normal de ne pouvoir passer que 15 minutes par jour avec ses résidents. C’est même inhumain ! ».

Un service déplorable

« Beaucoup de résidents sont d’ailleurs partis de la maison de retraite, une dame est encore partie le mois dernier, relate Cathy Arèse, aide-soignante. Du côté du personnel, ce n’est pas mieux. Trois infirmières ont démissionné en six mois. Les conditions de travail sont déplorables. On nous en demande toujours plus avec moins de personnel pour une question de rentabilité. Parfois on a quinze toilettes à faire par jour. Idéalement, il faudrait pouvoir passer 45 minutes avec les résidents, prendre le temps de leur parler, de rester avec eux mais ici on passe maxi 20 minutes avec eux ! Il y a aussi un problème avec le matériel, on est sans cesse en rupture de drains, de serviettes. Alors ils expliquent ça par le manque de moyens mais pour autant, ils ont embauché deux vigiles pour surveiller l’entrée de la maison de retraite depuis le début de notre grève ! »

Si la petite affichette collée à l’entrée de la maison de retraite par la direction évoque « un mouvement de grève salariale », les grévistes insistent sur le bien-être des résidents. L’Union Syndicale Interprofessionnelle Solidaires de la Gironde (Solidaires 33), qui soutient le mouvement depuis le début, souhaite d’ailleurs solliciter une audience d’enquête auprès du président du Conseil Départemental, Jean Luc Gleyze ainsi qu’auprès de l’Agence Régionale de Santé (ARS) :

« Il s’agit presque d’un cas de maltraitance ici. On espère qu’un contrôle pourra être fait. Les personnes âgées ne peuvent pas être considérées comme des marchandises. La direction laisse pourrir l’affaire mais nous, on ira jusqu’au bout », explique Gilbert Hanna, membre du bureau Solidaires 33.

Le syndicat souhaite élargir encore l’action et envisage également d’adresser une lettre à Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Les grévistes, quant à elles, sont déterminées à poursuivre leur action.


#aide-soignantes

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