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D’une ZAD à l’autre contre la LGV Bordeaux-Toulouse ?

La ZAD (zone à défendre) d’Agen a en partie été évacuée ce mardi pour les travaux d’une technopole sur le tracé de la LGV Bordeaux-Toulouse. D’autres actions sont prévues dans la région contre ce « grand projet inutile et imposé », dont un rassemblement à Landiras (Gironde) ce samedi. Par Céline Belliard et Simon Barthélémy.

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D’une ZAD à l’autre contre la LGV Bordeaux-Toulouse ?

Evacuation de la ZAD d'Agen (CB/Rue89 Bordeaux)
Evacuation de la ZAD d’Agen (CB/Rue89 Bordeaux)

Ce mardi 31 mai à 6 heures du matin, 500 gendarmes ont procédé à l’évacuation d’une vingtaine de zadistes qui occupaient depuis plus d’un an des maisons rachetées par l’Agglomération d’Agen dans le cadre de son projet de TAG (Technopole Agen Garonne). Cette zone d’activité de plus de 200 hectares est destinée à accueillir des entreprises en lien avec la construction d’une gare TGV, dans le cadre de la future Ligne à Grande Vitesse Bordeaux-Toulouse.

Pas d’affrontements, pas de heurts, pas de blessés si l’on excepte deux gendarmes victimes d’entorses en glissant dans la boue. L’évacuation de la ZAD d’Agen s’est déroulée dans le calme. Les forces de l’ordre ont investi simultanément les 7 maisons et le hangar où se trouvaient 25 personnes, certaines en train de dormir à cette heure très matinale. 3 personnes recherchées pour des peines à exécuter ont été interpellées. L’une d’entre elles, un homme d’une trentaine d’années, allait devoir passer la nuit à la prison d’Agen – il est sous le coup d’une condamnation à deux mois de prison ferme pour cause de travaux d’intérêt général non exécutés.

Le procureur d’Agen a annoncé ce mardi soir la découverte sur place de 9 cocktails Molotov, une grenade à plâtre et 85 pieds de cannabis. Des procédures judiciaires ont été ouvertes.

500 gendarmes pour 25 zadistes

4 compagnies de gendarmes mobiles, des motards, des unités locales et régionales, appuyés par un hélicoptère ont investi les lieux dès potron minet. Surpris ou informés à l’avance, les zadistes «n’ont pas opposé de résistance», selon le colonel Patrick Touak, qui commande le groupement de gendarmerie de Lot-et-Garonne.

Les forces de l’ordre se sont attachées à sécuriser une vaste zone de 200 hectares, surtout près de l’autoroute. L’A 62 d’ailleurs a été fermée sur 30 kilomètres pendant une heure tôt ce matin dans le sens Bordeaux Toulouse. Patricia Willaert, le Préfet, qui a ordonné l’évacuation en application de décisions de justice ordonnant l’expulsion, explique : « il s’agissait d’éviter que les zadistes ne partent sur l’autoroute, mais aussi de permettre aux engins de chantier d’entrer sur le site ».

En effet, les pelleteuses ont aussitôt procédé à la démolition des 8 bâtiments. Un arrêté d’interdiction de la zone est en cours jusqu’à jeudi inclus « et il pourra être prolongé le temps des travaux, selon le Préfet.

500 gendarmes pour 25 zadistes, un dispositif surdimensionnée ?

« Non, répond le colonnel Touak. Il faut se rappeler le site sur lequel on est. L’autoroute présente un danger particulier. Nous avions 4 lieux à investir au même moment, une certaine incertitude sur le nombre et le positionnement des zadistes. Je rappelle que depuis 18 mois que cette ZAD existe, nous avons recensé plus de 300 personnes différentes sur cette zone. Nous avions la volonté d’agir simultanément avec la nécessité de boucler de nombreuses petites routes pour assurer cette sécurité».

« Green power ! »

« Je vais partir dans une autre zad et je serai encore plus déterminé pour continuer le combat, green power ! » lance un des rares zadistes encore présent quelques heures après l’évacuation.

Avec d’autres, il s’est replié sur la partie encore non évacuée de la ZAD, un terrain appartenant à l’agriculteur à la retraite Joseph Bonotto. C’est lui qui avait lancé un appel aux militants pour créer la Zad d’Agen et défendre les terres fertiles de Sainte-Colombe en Bruilhois, en décembre 2014. Sur le champ qui jouxte sa maison, 3 constructions en bois et palettes, dont le « mirador » sont toujours debout. Les lieux pourraient se vider rapidement, à en croire ce même zadiste qui demande aux gendarmes de laisser passer des amis qui vont venir chercher l’âne de la communauté.

« D’ici demain, on aura quitté les lieux. On n’a pas envie de vivre le même réveil que ce matin ! »

Ces derniers mois, les rangs des zadistes d’Agen se sont réduits. Certains ont rejoint le mouvement Nuit Debout à Toulouse, Bordeaux ou encore Paris, un des occupants historiques de la ZAD, auteur de nombreuses vidéos, a fait l’objet d’une décision judiciaire d’interdiction de séjour sur place. Quant à Joseph Bonotto, bonnet vissé sur la tête en ce mardi de mai pluvieux, il semble accuser le coup.

« Je suis toujours combattif mais très fatigué de cette situation. »

Vendredi, il se rendra au tribunal d’instance d’Agen pour l’audience de son expropriation. La justice doit estimer le prix de ses 11 hectares de terres et ses 5 maisons, il a refusé toute négociation avec l’Agglomération pour le rachat de sa propriété. La décision sera mise en délibéré.

« C’est un cas inédit en France, estime l’agriculteur à la retraite. Une juge de proximité qui va se prononcer dans une affaire alors que la DUP est annulée. Où on est ? On n’est plus en démocratie, il n’y a plus de règles, il n’y a plus rien. »

Sur les terrains de M. Bonotto (CB/Rue89 Bordeaux)
Sur les terrains de M. Bonotto (CB/Rue89 Bordeaux)

Marché de DUP

La DUP (déclaration d’utilité publique) a effectivement été annulée pour vice de forme par le tribunal administratif de Bordeaux en décembre dernier. L’Etat et l’Agglomération d’Agen ont fait appel de la décision. En attendant le jugement, une autre procédure de demande de DUP a été lancée en parallèle. Par ailleurs, le PLU (Plan local d’Urbanisme) de la commune de Sainte Colombe en Bruilhois a été annulé suite au recours déposé par les opposants. Un nouveau PLU est actuellement en cours.

A la veille de la comparution de Joseph Bonotto devant le juge des expropriations, un appel au rassemblement de soutien à la Zad d’Agen a été lancé pour ce jeudi 2 juin. Suzanne Calmon, habitante de Layrac non loin de là et militante opposée au projet de TAG, devrait en être :

« Je ne suis pas zadiste, je ne suis pas écologiste, je ne suis pas anarchiste, je suis une citoyenne de 70 ans et je serai mieux ailleurs qu’ici. Mais ce qui me scandalise, c’est qu’il y a 130 hectares et aucune entreprise ne s’est déclarée pour s’installer ici. On est sur un projet surdimensionné, on n’a même plus de déclaration d’utilité publique ! Ce qui se passe est extrêmement grave, le déploiement des forces de l’ordre… On dirait qu’on a tué 10 personnes cette nuit. Et on rase des maisons. C’est effroyable. »

 


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