Les éboueurs de Bordeaux Métropole, employés rive gauche, démarrent une grève ce lundi 20 juin à partir de 20 heures. Ils seront rejoints par le service propreté ce mercredi. Les fonctionnaires employés par la métropole dénoncent un « mal-être dans les services depuis la mutualisation ». Raymond Leglise, secrétaire général de Force Ouvrière (qui a déposé le préavis avec la CGT), liste leurs revendications :
« Des embauches supplémentaires, une harmonisation du temps de travail entre les éboueurs et les agents de propreté, une prise en charge de l’augmentation de la part mutuelle, et des indemnités compensatrice de repas. »
Lundi 13 juin, c’est Véolia Propreté Aquitaine, agence chargée des déchets dans la métropole de Bordeaux, qui était en grève. 60 à 70% des 433 ouvriers ont mené des opérations de blocage. Leurs revendications : une revalorisation de 10% des salaires, le renouvellement du matériel vétuste, un meilleur management, l’amélioration des conditions de travail, et l’arrêt du recours accru à des entreprises sous-traitantes. Actuellement, le salaire le plus bas est de 1 470 euros brut. Cela concerne les éboueurs, les agents de tri, les conducteurs de véhicule, ou encore les agents de déchetterie. Et ce sont justement ces salariés qui ont fait grève.
Pourtant, aucun amoncellement de déchets n’ a été constaté dans les rues de Bordeaux et des camions poubelles continuaient de passer régulièrement. La faute, justement, à cette sous-traitance. Rien que sur la métropole, un nombre incalculable d’entreprises privées gèrent les déchets :
« Suez, Azura, Derichebourg, Nicollin… Je ne peux pas vous dire combien, mais on en voit beaucoup ! », raconte René Massie, délégué syndical Force Ouvrière.
Déchets de gauche ou de droite
Une critique balayée par Dominique Alcala, vice-président à Bordeaux Métropole :
« On peut faire appel à d’autres entreprises pour un surplus de travail sur certaines bennes, mais en règle générale il n’y en a que deux pour le traitement des déchets. Astria (filiale de Suez) pour la rive gauche, et Rive Droite Environnement (RDE) rive droite. »
Et pour la collecte, ce sont des fonctionnaires de la métropole qui s’en occupent. Mais attention, ils ne s’aventurent pas rive droite, où la collecte est gérée par le privé… mais payée par la métropole. Dans sept communes (Artigues, Cenon, Floirac, Lormont, Bouliac, Ambares, et Carbon-Blanc), c’est le syndicat Sivom qui collecte les déchets. Ce syndicat est en effet subventionné par la métropole, mais fait appel à l’entreprise Veolia. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?
« C’est comme ça, c’est ancestral, justifie Dominique Alcala, maire de Bouliac. Les syndicats plaident pour une uniformisation, que la régie s’occupe de toute la métropole. Les maires des sept communes ont refusé. On est satisfaits des services du Sivom, pourquoi changer ? »
Dans le cadre du schéma départemental de coopération intercommunale, visant à simplifier le fameux millefeuille administratif, l’Etat avait même enjoint Bordeaux Métropole de fusionner les deux entités, ce à quoi s’est refusé l’intercommunalité.
« Diviser pour mieux régner »
Mais de quoi se plaignent les syndicats de Veolia ? Du management qui « remplace les salariés par des intérimaires à la semaine ».
« Elle cherche la moindre faute pour nous licencier. Avec une telle pression, les gens partent d’eux-mêmes avec une rupture conventionnelle. Mais ce ne sont que des licenciements déguisés », raconte le syndicaliste Jean-Pierre Melgar.
« On paie une prestation à Veolia, après ils font ce qu’ils veulent en interne, ça ne me regarde pas », tranche Dominique Alcala, délégué au tri et de la collecte des déchets dans la métropole.
Pourtant, le problème viendrait aussi de la gestion de ce service par la métropole. Les entreprises seraient choisies à coups d’appels d’offres, afin de compresser les coûts.
« Cela permet effectivement de comparer les coûts de revient, mais ce n’est pas l’objectif premier », défend Dominique Alcala.
Leur stratégie est claire, assure René Massie : diviser pour mieux régner. Si une entreprise est en grève, les autres sont là pour y pallier. Et les revendications passent inaperçues. D’autre part, Veolia Aquitaine embauche de plus en plus d’intérimaires et de CDD. Ces ouvriers continuent de travailler, affaiblissant encore la portée du mouvement social.
Et pour assurer encore un peu plus un service normal, les dirigeants de Veolia Aquitaine mettent aussi la main à la pâte…
« Les directeurs et les cadres se retrouvent à conduire les camions poubelles et ramasser les déchets ! », lance René Massie dans un rire jaune.
Le syndicaliste a remarqué « deux tournées de ramassage au lieu d’une » depuis le début de la grève.
0,97% d’augmentation
Résultat, les négociations patinent. Mercredi 15 juin, après cinq réunions avec les syndicats, la direction est « restée sur ses positions ».
« Elle nous propose 0,97% de revalorisation de salaire, se gausse Jean-Pierre Melgar, mais c’est une simple obligation légale : nous n’avons pas été augmentés depuis 10 ans. »
Pourtant, les ouvriers abdiquent vendredi 17 juin sans obtenir de revalorisation plus élevée. Mais avec la promesse d’une commission qui veillera contre le harcèlement et la discrimination. Jean-Pierre Melgar commente avec lassitude :
« Pour nous, l’avenir est sombre ».
Sera-t-il aussi sale pour les rues de Bordeaux ? Ce lundi 20 juin dans l’après-midi, c’est au tour des fonctionnaires de Bordeaux Métropole de négocier.
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