Enquêtes et actualités gavé locales

Pour les 10 ans de votre média : objectif 2000 abonné⋅es

30/04/2024 date de fin
729 abonné⋅es sur 2 000
Pour ses 10 ans, Rue89 Bordeaux propose un abonnement à 10€/an et vise les 2000 abonné.es

L’indemnité vélo-boulot-dodo arrive à Bordeaux

[Réactualisé à 13h30] La fête du vélo, c’est ce week-end à Bordeaux. Le reste de l’année, d’heureux salariés seront indemnisés pour aller travailler en bicyclette : quelques entreprises de la métropole instaurent en effet l’indemnité kilométrique vélo.

Cet article est en accès libre. Pour soutenir Rue89Bordeaux, abonnez-vous.

L’indemnité vélo-boulot-dodo arrive à Bordeaux

Un cycliste rue Sainte-Catherine (SB/Rue89 Bordeaux)
Un cycliste rue Sainte-Catherine (SB/Rue89 Bordeaux)

Le peloton des entreprises décidées à tester l’indemnité kilométrique vélo (IKV) n’est pas encore très fourni. Ce dispositif, qui permet de verser 25 centimes par kilomètre aux salariés qui viennent travailler à vélo, n’est il est vrai inscrit au Journal officiel que depuis le 12 février 2016. Surtout, il est facultatif et ne concerne que le secteur privé.

Autant dire que les entreprises qui veulent mettre leurs salariés en selle font figure d’avant-garde éclairée à la dynamo. L’Observatoire de l’indemnité kilométrique vélo, mis sur pied par le Club des villes et territoires cyclables et par l’Ademe (agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) n’en recense que 14 en France, et aucune dans la région.

En fait, un questionnaire envoyé par le Club Mobilité (qui fédère l’Ademe, la CCI de Bordeaux et la Métropole) à une centaine d’entreprises de l’agglomération bordelaise, révèle que plusieurs d’entre elles (le chiffre exact n’est pas encore arrêté) s’engagent dans la démarche. Parmi elles, certaines sont déjà fortement investies dans les problématiques de responsabilité sociétale des entreprises (RSE), comme la librairie la Machine à lire ou les sociétés basées caserne Niel.

« Symbolique »

« 7 ou 8 boites mettent en place l’IKV à Darwin », indique Jean-Marc Gancille, directeur de la transition écologique du Groupe Evolution, l’incubateur des entreprises de la caserne Niel. Soit une cinquantaine de salariés concernés, dont les 15 d’Evolution et les 20 de l’agence de communication Inoxia, sur les 407 salariés de l’ »écosystème ». Aujourd’hui, selon Jean-Marc Gancille, la moitié d’entre eux viennent déjà travailler à vélo, contre « 148 en voiture, ce qui pèse lourd dans le bilan carbone des entreprises tertiaires » (seulement 33 personnes accèdent à la caserne Niel en transports en commun).

« Mais c’est surtout symbolique d’instituer l’IKV, estime le cofondateur de Darwin. Le montant est plafonné à 200 euros par an et par salarié, exonéré de charges, ce qui est peu élevé pour une entreprise. Cela aurait pu être davantage incitatif si le texte n’avait pas été détricoté par le gouvernement (l’IKV devait être à l’origine obligatoire pour toutes les entreprises et non plafonnée, NDLR). L’argument financier ne devrait donc pas être un élément moteur pour booster l’usage du vélo, c’est surtout une gratification pour ceux qui se déplacent ainsi, parfois contre vents et marées. »

Même réflexion du côté d’Alain Gross, directeur général de l’agence de communication Aggelos (15 salariés), basée près de l’hôpital Bergonié à Bordeaux :

« Il y a des salariés à qui on paye la moitié de l’abonnement aux transports collectifs, et ceux qui n’avaient droit à rien alors qu’ils font l’effort de venir à vélo même quand il pleut des seaux d’eau. Ils trouvaient ça injuste. L’indemnité est une façon de récompenser les efforts de ces 6 ou 7 personnes. 200 euros par an, ce n’est pas grand-chose, c’est plus une reconnaissance qu’une vraie incitation financière. Il faudrait accompagner ça d’une véritable initiation à la découverte du vélo, car c’est surtout la dangerosité présumée du vélo qui freine. »

Les vélos ont été impliqués dans 185 accidents en 2015 à Bordeaux Métropole, en hausse de 6% par rapport à l’année précédente, en « sur-représentativité dans l’accidentologie par rapport à d’autres modes de transports », selon Fabrice Limare, directeur de la multimodalité à la Métropole. Sans victime mortelle à déplorer l’an dernier cependant.

Sportif

Certaines grandes entreprises renonceraient ainsi à l’IKV et à d’autres mesures pro vélo pour empêcher tout accident sur le trajet domicile-travail. Mais d’autres franchissent le pas, comme le groupe de transport et de logistique Balguerie – 260 salariés sur ses sites de Bordeaux et Bruges.

« Nous nous inscrivons dans une démarche environnementale et dans ce contexte il nous semble normal d’encourager  l’utilisation du vélo, explique à Rue89 Bordeaux Florence Dacharry, directeur administratif et ressources humaines de Balguerie. Il s’agit de la part des salariés qui le font d’un choix personnel à la fois sportif et de protection de l’environnement et nous souhaitons soutenir cette démarche. »

Rouler sur les voies réservées du tramway (ML/Rue89 Bordeaux)
(ML/Rue89 Bordeaux)

L’IKV ne concerne pour l’heure qu’une petite minorité des effectifs de l’entreprise, précise Florence Dacharry :

« La part de la voiture est très largement prépondérante. A ce jour seules 7 personnes sont engagées dans cette démarche de façon officielle. Nous espérons atteindre 20 personnes surtout avec les beaux jours. Notre site de Bordeaux est bien desservi en pistes cyclables ce qui n’est malheureusement pas le cas de celui de la zone de fret de Bruges sur lequel il est difficile de circuler en vélo. »

Les salariés du privé privilégiés

On retombe encore sur un obstacle à la pratique du vélo régulièrement dénoncé par les associations, le manque d’infrastructures dédiées. Malgré tout, le Club Mobilité essaie de promouvoir auprès des entreprises l’intérêt de pousser leurs salariés à pédaler, comme l’explique Estelle Régnier, responsable du pôle mobilité à la CCI de Bordeaux  :

« Certains employeurs sont à l’écoute des problèmes de mobilité de leurs salariés, et ont un plan de déplacement d’entreprise (PDE) ou participent à un plan de déplacement interentreprises (PDEI). Mais tous ne sont pas dans ce cas, car ils estiment que les transports touchent à la liberté individuelle de chacun. Nous les sensibilisons au fait que le trajet fait partie de la mise en situation au travail, et que se déplacer à vélo a des effets positifs, individuels sur la réduction du stress et la santé des salariés, et collectifs en permettant de lutter contre la pollution et la congestion des villes. »

Plus basiquement encore, le Club Mobilité fait passer l’info sur la simple existence de l’indemnité kilométrique vélo, que beaucoup de chefs d’entreprises ignorent. Estelle Régnier regrette que le secteur public, qui pourrait donner l’exemple, soit exclu du dispositif :

« Les collectivités et EPCA (établissements publics à caractère administratif, comme les CCI) ont à la fois manifesté leur déception que leurs salariés ne soient pas concerné, mais aussi leur inquiétude sur le coût de l’IKV. Or si on prend l’exemple de la CCI, sur un effectif de 190 personnes, 30 utilisent le vélo de manière régulière. Cela ne couterait donc que 6000 euros par an. Ceux qui font du vélo dans le cadre de leur travail trouveraient normal d’avoir un coup de pouce financier pour pouvoir entretenir leur vélo, changer du matériel… »

Quid de la Ville ? Lors d’une intervention au conseil municipal de Bordeaux, le 22 février dernier, l’élue écologiste Delphine Jamet a estimé que le décret instaurant l’indemnité kilométrique vélo « est pris en application de dispositions du Code du travail dont l’Article L.32.61.1 précise expressément qu’elle s’applique outre aux employeurs de droit privé, aux employeurs du secteur public (…), et découle d’une décision unilatérale de l’employeur ».

Soulignant que « de nombreuses collectivités, comme la Ville de Paris ou la Région Centre Val-de-Loire, se sont d’ores et déjà déclarées prêtes à la mettre en place pour leurs agents », la conseillère municipale a demandé à la Ville de Bordeaux de faire de même. Nicolas Florian, adjoint au maire en charge des finances, lui a répondu que si ce n’était pas encore prévu, cela « pouvait être mis sur la table » des discussions avec les syndicats sur le futur « contrat de progrès social » (2016-2020), qui établit le régime indemnitaire et et aborde les questions le transport.

Le Palais Rohan ne ferme donc pas la porte à l’IKV.


#Bordeaux

Activez les notifications pour être alerté des nouveaux articles publiés en lien avec ce sujet.

Voir tous les articles
Plus d'options