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Malgré les aides, les banques suppriment des emplois en loucedé

Les majors hexagonales ont perçu 211 M€ en 2015 au titre du Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE). Mais elles poursuivent dans le même temps leurs plans d’amaigrissement de leur réseau pour maintenir leurs objectifs de rentabilité. A Bordeaux comme ailleurs, les agences de trois ou quatre salariés vont trinquer.

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Malgré les aides, les banques suppriment des emplois en loucedé

En 2014 déjà, le SNB CFE-CGC pointait le bug : les banques et établissements de crédit français font-ils un bon usage du Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) ? Pour l’organisation syndicale, c’était clairement non : les principaux groupes bancaires venaient de toucher 135,5 millions d’euros à ce titre. Mais pour le SNB, ces derniers ont choisi de « bénéficier à plein d’un effet d’aubaine. L’esprit qui a prévalu lors de la mise en place du Cice prévoyait un accroissement des investissements et non pas une simple affectation sur des projets déjà engagés et budgétés ».

Le syndicat demandait qu’une discussion se mette en place pour que l’utilisation du prochain Cice « soit bien au bénéfice de l’emploi et de la compétitivité ». En 2015, nouveau bingo : toujours selon la CFE-CGC, les majors du secteur ont touché 211 M€ du Cice, une somme en hausse de 50% : 39 M€ pour BNP Paribas, le n°1 français (contre 26 M€ en 2014) ; 38 M€ pour la « SG » (Société générale), qui en avait perçu 26 un an plus tôt ; et 29 M€ pour LCL (Crédit Lyonnais).

Une agence BNP Paribas (SM/Rue89 Bordeaux)
Une agence BNP Paribas (SM/Rue89 Bordeaux)

Petites agences au régime Slim Fast

Sauf que dans le même temps les groupes poursuivent la cure d’amaigrissement de leur réseau d’agences. Selon le SNB CFE-CGC, 3 000 postes ont déjà été supprimés en 2014. Petite précision : le Cice est un dispositif fiscal visant à permettre aux entreprises d’améliorer leurs marges pour embaucher.

Ainsi dans la Métropole bordelaise, les petites agences vont subir un régime Slim Fast. Dans les trois grands groupes cité plus haut, les plans de fonte du réseau sont dans les tuyaux.

« En 2008 ce sont les agences, soit 25 000 des 37 000 salariés de BNP Paribas SA, qui ont tenu la baraque, rappelle Gilles Bedin, délégué CFDT du personnel chez BNP Paribas Bordeaux. Aujourd’hui elles sont dans le viseur de notre directeur général car elles ont une rentabilité moindre depuis 4-5 trimestres. À l’heure du numérique, on n’est plus la priorité. »

Le réseau Sud Ouest de BNP Paribas SA – l’entité qui rassemble le réseau d’agences du groupe- compte aujourd’hui 2200 salariés. Il en a perdu 400 entre 2008 et 2015. Par départs en retraite non compensés et réorganisation de l’entreprise. La fonte va se poursuivre :

« La direction a élaboré un plan triennal 2015-2017 dans lequel elle a fixé ses objectifs, résume Gilles Bedin : une agence pour 25000 habitants dans les grandes villes ; une pour 45000 dans les villes moyennes ; dans les zones rurales, au cas par cas. Clairement, ils veulent supprimer les bureaux de 2-3 personnes par réallocation de moyens : sur des agences de 3 salariés, on va en mettre un 4e en fermant pour cela le bureau à côté. »

Le but du jeu étant pour BNP Paribas de récupérer 800 M€ sur la période 2016-2019. Pourquoi ? Parce que, selon la direction du groupe, le réseau est aujourd’hui moins rentable.

« Mais on reste rentable quand même, dénonce Gilles Bedin. Le réseau gagne de l’argent. Ils disent que nous sommes “un peu au ralenti” et “en décalage avec les confrères” à l’étranger. Alors qu’on est la plus grande banque française ! »

Dans l’agglo bordelaise intra-rocade, BNP Paribas compte 27 points de vente. 3 de moins qu’en 2015. « Trois petits bureaux ont fermé. Des bureaux de 2-3 salariés, il doit en rester 8-10. » Le plan 2015-2017 prévoit 31 fermetures dans la Direction régionale Sud Ouest (DRSO). « On est déjà à 20 : 5 en 2015, 15 cette année. Et on en fermera en 2018, 2019 et 2020. »

Une agence LCL (SM/Rue89 Bordeaux)
Une agence LCL (SM/Rue89 Bordeaux)

Flou au LCL

Même programme au LCL – du groupe Crédit agricole – où un plan moyen terme (PMT) a été annoncé le 9 mars dernier. Sur le nombre d’agences concernées, les syndicats sont encore dans le flou, le chiffre exact devant être communiqué durant l’été.

« 240 agences seraient supprimées, mais c’est pas confirmé à 100% admet Thierry Cornu, délégué CFDT à LCL. Est-ce que ce ne sera pas 300 ? Dès qu’il y a eu l’annonce du PMT, on nous a dit “ne vous inquiétez pas, ce n’est pas des fermetures mais des regroupements d’agences. Maintenant on sait que ce sera des fermetures de petites agences. On veut supprimer des postes d’agents d’accueil, de directeur. Sans compter le back office (l’administratif) où un PSE – plan de sauvegarde de l’emploi – a aussi été décidé. On se polarise sur les fermetures d’agences car c’est socialement très visible, mais il faut voir aussi les économies d’échelles qu’ils vont faire avec ce qu’ils appellent la synergie des métiers du groupe ! »

Comme à BNP Paribas, la raison invoquée pour la purge est « la moindre rentabilité du réseau. Les résultats ne sont pas à la hauteur des espérances du groupe Crédit agricole. De plus, ces petites agences posent des difficultés à la fois en termes de rentabilité et de gestion. Après, c’est toujours pareil : on regarde le côté financier mais pas le côté social. Comment va-t-on gérer le personnel ? » Les syndicats sont d’autant plus indignés que « les résultats du groupe sont toujours à la hauteur, y compris chez LCL même si on note un manque de PNB financier », relève Thierry Cornu.

Pour le syndicaliste, du fait de la politique de taux négatifs de la BCE, les marges des banques sont quasiment nulles « et les résultats sont faits au travers des économies d’échelles à droite et à gauche. Les actionnaires veulent un résultat maintenu pour bénéficier de dividendes. Donc on fixe des objectifs ambitieux et à charge pour chaque entité de se débrouiller pour les réaliser. Ces chiffres sont trop ambitieux, irréalisables. »

La SG réduit la voilure

Même logique à la « SG » où un plan de restructuration est sorti au dernier trimestre 2015. L’annonce a été faite au niveau national d’une restructuration du réseau avec un prévisionnel sur 5 ans de 2000 suppressions de postes en base avant et 400 fermetures d’agences. Donc un calendrier de 80 fermetures d’agences par an.

Mais les bases arrière du groupe (les centres administratifs etc) sont aussi concernées comme cela a été confirmé aux organisations syndicales le 10 mars dernier : 6 centres vont être supprimés.

« Ils anticipent la restructuration du réseau en fermant des centres administratifs, analyse Xavier Companys, délégué CFDT à Bordeaux. Sur tout le territoire, il y avait 24 centres administratifs. Ils en ont déjà fermé 4 ou 5, surtout au niveau parisien avec des transferts de bureaux vers la périphérie. Là, ils annoncent 6 fermetures supplémentaires : Caen, Rouen, Nancy, Grenoble, Nice et Paris. 900 salariés sont concernés. 550 suppressions de postes sont prévues. »

Le centre de Bordeaux (situé sur le quai de Brazza) va lui subir une « réorganisation » dans le cadre de cette restructuration avec celui de Toulouse :

« Il y aura des plateformes spécialisées en clientèle commerciale, d’autres en clientèle privée, poursuit Xavier Companys. Bordeaux va devenir une plateforme commerciale et Toulouse une plateforme clientèle privée. En clair, il va y avoir 60 suppressions de postes sur Bordeaux par le biais du transfert d’activité sur Toulouse, et 60 suppressions de postes sur Toulouse par la spécialisation vers la clientèle privée. »

La direction considère que ces transferts se feront sans suppression de postes. Sauf que, selon les syndicats, cela va poser « un gros souci interne de réorganisation et de formation. Mais surtout de priorité par rapport aux personnels qui vont perdre leur emploi avec la fermeture des centres. Sur les postes ouverts sur Bordeaux, priorité va être donnée aux salariés qui ont perdu leur emploi ; puis viendront les personnels de Bordeaux et Toulouse, des salariés voulant suivre leur activité dans un sens ou dans l’autre. »

Une agence de la Société générale (SM/Rue89 Bordeaux)
Une agence de la Société générale (SM/Rue89 Bordeaux)

Burn-out

Sur la restructuration du réseau d’agences, 80 agences vont fermer sur 2016. Sur Bordeaux, celle de Mérignac Capeyron est sur la liste, avec 4 postes. « D’autres vont suivre d’ici à 2020 » prévoit Xavier Companys. Le plan va s’accompagner dans l’organisation future de la SG d’une redéfinition du rôle des agents avec la mise en place d’un « accueil partagé » :

« Tous les postes de travail à faible valeur ajoutée, comme les chargés d’accueil ou les chargés d’accueil avec portefeuille vont disparaître, commente Xavier Companys. La majorité des 2000 suppressions de postes programmées se fera sur ce type de métier. Avec un plan de formation à la clé. Sauf que ce ne sera pas évident pour ces personnels de basculer sur des postes de chargés de clientèle “grand public” ».

De quoi aggraver le stress vécu par les salariés.

« Beaucoup de personnels se sentent mal dans les agences, de par la charge de travail et la pression de ne pas pouvoir boucler les objectifs de la journée, admet Gilles Bedin. Un directeur d’agence peut se retrouver à gérer à lui tout seul 2 bureaux ! Ou une même équipe se partager deux points de ventes sur la semaine. »

À BNP Paribas, le taux d’absentéisme s’élève désormais à 7,65% (+25% sur un an).

« On nous a alertés sur la hausse des arrêts de travail à LCL, avec des arrêts de plus en plus longs, note de son côté Thierry Cornu. On va travailler dessus région par région, pour voir la gravité de ces arrêts. »

 

« Ce qui nous inquiète, c’est la vision à court terme de la direction, note Xavier Companys. Aujourd’hui la seule variable d’ajustement sur les gains de productivité, c’est les salariés : 2000 suppressions de postes en base avant et 550 en base arrière. Cela veut dire grosso modo sur 5 ans 2550 postes supprimés. Cela représente des centaines de salariés en vérité car un poste peut être occupé par plusieurs agents. »

L’augmentation du dividende va passer cette année de 1,20 euro à 2 euros (70% d’augmentation) à la SG. Les actionnaires sabrent le champagne ; les salariés trinquent. Business as usual.


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