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La rue Fondaudège encaisse bien le chantier du tramway

Alors que la circulation est coupée sur une partie de la rue Fondaudège pour les travaux de la ligne D du tram, démarrés en février dernier, peu de commerçants du quartier s’estiment lésés. Certains avaient anticipé, quelques uns espèrent être indemnisés.

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La rue Fondaudège encaisse bien le chantier du tramway

Le remplacement de canalisations d'eau potable a commencé le 2 août (SB/Rue89 Bordeaux)
Le remplacement de canalisations d’eau potable a commencé le 2 août (SB/Rue89 Bordeaux)

Pare-choc contre pare-choc ce mardi 2 août rue Fondaudège. L’arrêt du trafic automobile au niveau de la place Marie Brizard, provoque de sacrés encombrements jusqu’aux allées de Tourny. Conduit par Suez, ce chantier, prévu pour durer trois semaines, consiste à remplacer les canalisations d’eau potable, enterrées plus profondément que les précédentes afin de pouvoir supporter la plateforme du tramway.

Depuis le démarrage des travaux, en février dernier, le trafic est ainsi fortement perturbé sur Fondaudège, avec la réduction à une voie sur certains tronçons et, pour la première fois, la fermeture totale du passage aux voitures, invitées à emprunter les rues adjacentes pour rallier les boulevards. Si les riverains peuvent emprunter la rue Croix de Seguey, celle-ci, également fermée barrière de Médoc, est actuellement une impasse. Les bus, eux, empruntent depuis quelques jours des itinéraires bis.

« Pas d’effet catastrophique »

Pourtant, et contre toute apparence, la roue tourne rue Fondaudège. Il y a 8 ans, de nombreux commerçants affichaient des « non au tram » dans leur boutique et faisaient signer une pétition contre le passage de la ligne D, selon eux (mais pas que) synonyme de mort assurée pour le commerce de proximité. Aujourd’hui, tous ceux que nous avons rencontré saluent la « compréhension » et « l’attention » des différents corps de métiers sur le chantier, qui disent-ils, tentent de minimiser au maximum les désagréments pour les riverains ; et la plupart d’entre eux estiment que l’impact sur leur activité est minime.

« Il faudra voir sur la durée, au bout des trois ans de travaux, mais je pense que cela n’a pas et n’aura pas d’incidence catastrophique sur le chiffre d’affaire, affirme Christophe Saley, pharmacien place Marie Brizard. Le seul problème c’est le bruit, et les gens qui ne peuvent pas se déplacer jusqu’ici. Alors on multiplie les livraisons à vélo. Notre clientèle vit principalement dans le quartier, on ne dépend pas du passage. Les gens s’arrêtent une minute en double file pour acheter des cigarettes, pas pour retirer une ordonnance ».

Cyril, vendeur du tabac presse voisin de la pharmacie, est en effet plus remonté. Il a fait ses calculs :

« Depuis le début des travaux, on enregistre une baisse de 30% du chiffre d’affaires, en espérant que ce ne soit pas 50%. Même si ça se passe très bien avec les ouvriers, le trottoir avait été creusé devant le magasin, c’était compliqué d’y accéder pour les personnes âgées ou à mobilité réduite. »

Fumasses

Le buraliste juge que sur ses 30% de clients de passage, ceux-ci ne s’arrêtent plus ou évitent Fondaudège. Il est d’ailleurs fumasse contre l’annonce par la presse locale (rectifiée le lendemain après intervention de Fondaudègement vôtre, l’association des commerçants) d’une fermeture de la rue, alors que cela ne concerne qu’1% de celle-ci, selon Cyril.

Son patron pourrait donc déposer auprès de Bordeaux Métropole une demande d’indemnisation. Destinée aux professionnels riverains du chantier, elle est destinée à compenser une baisse du chiffre d’affaires « anormale, directement liée aux travaux et présentant un degré de gravité ».  6 mois après le début des travaux, 33 dossiers ont été retirés auprès de la CIA (commission d’indemnisation à l’amiable) et 2 lui ont été retournés et sont en cours d’examen, indique-t-on à la métropole.

« C’est une usine à gaz, résume Christophe Saley, qui s’est penché sur le dossier. Tout est fait en sorte pour que l’indemnisation soit versée quand c’est déjà trop tard, que les commerces sont en faillite, qu’on a déjà licencié quelqu’un… »

« Il faut monter un sacré dossier, avec les bilans comptables sur trois ans, et justifier une durée de gêne supérieure à 4 mois », abonde Marie Dausque.

Paris réussis

Cette responsable d’une auto-école près de la place Charles Gruet envisage toutefois « sérieusement » de demander une indemnisation :

« Les travaux ont eu un effet sur la fréquentation, car beaucoup de gens, qui doivent faire des économies pour passer le permis, s’inquiétaient de savoir si on allait pouvoir rester, ou si on serait encore là dans un an. Mais nous n’étions pas plus inquiets que cela : le permis de conduire, on en a toujours besoin, et on fonctionne surtout avec les habitants du quartier. Nous avons aussi fait un maximum de communication (flyers, parrainages, Facebook…) pour rappeler que nous sommes toujours là. On diversifie notre activité, avec des cours de remise à niveau. Et avec le tramway, on sera mieux desservis… »

Bouchon dans la rue du Temps Passé, déviation de la rue Fondaudège (Rue89 Bordeaux)
Bouchon dans la rue du Temps Passé, déviation de la rue Fondaudège (Rue89 Bordeaux)

Bref, l’auto-école avait anticipé. Tout comme Caciano Afonso, un des trois buralistes de la rue Fondaudège :

« Quand j’ai repris l’affaire il y a trois ans, je savais qu’il allait y avoir le tram. Mais je l’ai fait parce que je suis du côté droit, où il y aura encore des places de stationnement. Et ce sera un plus pour la rue : jusqu’ici, la circulation ne se fait que dans un sens. Le tramway va amener les gens qui se dirigent aussi vers le centre de Bordeaux. En tous cas, j’ai fait ce pari là, en prenant quelque précautions, notamment celle de ne pas me verser de salaire au début. Cela amortit la perte de chiffre d’affaires, de l’ordre de 20%, lorsque pendant 2 mois les travaux étaient devant chez moi. »

Installé rue Fondaudège après 2011, donc en toute connaissance de cause sur le lancement des travaux, Caciano Afonso ne peut prétendre à une indemnisation de la métropole. Michel Vayssière, patron du restaurant Ambre et Michel, qui a ouvert il y a 3 ans sur la place Marie Brizard, non plus. Mais cela ne le chagrine pas outre mesure.

« J’ai perdu de la clientèle à cause des travaux, du bruit et de la poussière que ça peut générer, même si les ouvriers font attention de ne pas travailler entre midi et deux. Mais cette perte a été compensée par les ouvriers, qui viennent déjeuner ici. J’en avais tenu compte quand j’ai racheté l’affaire, et ça a marché. Je n’ai pas une clientèle de passage, mais cela pourrait changer un peu à l’avenir : j’aurai une station de tramway devant la porte, les gens pourront venir boire un coup s’il fait chaud, ou commander une pizza avant de rentrer chez eux. »

« Que du bien pour la rue »

D’autres commerçants attendent avec impatience l’arrivée du tram, prévue en 2019, et pas seulement parce qu’elle sera synonyme de fin du chantier.

« Cela ne fera que du bien à la rue, qui faisait sale, où les voitures roulaient trop vite, où c’est compliqué pour les piétons de traverser, estime Maria Pais, gérante d’un pressing. Quel effet cela aura sur le commerce, je ne sais pas trop. Pour l’instant, je n’ai pas vu de conséquence des travaux sur mon activité, mais si le chiffre risque de chuter quand on en viendra à la pose des rails. »

Les anti-trams sont ils partis en vacances, à la retraite ou se font-ils discrets ? Toujours est-il que parmi les personnes que nous avons interrogées, seul Cyril, le buraliste, est sceptique sur les effets de la ligne D :

« Ce sera un corridor. On a la chance d’être devant un arrêt, mais les autres commerces situés entre les stations ne tiendront pas le choc. Il n’y en aura que deux dans la rue (places Marie Brizard et Charles Gruet), moins que d’arrêts de bus. »

Hache de guerre

Coiffeuse et présidente de l’association des commerçants Fondaudègement Vôtre (31 adhérents pour 80 commerces dans la rue), Anne Caline juge toutefois que le débat sur l’intérêt du tram est « définitivement clos » depuis le rejet en mars dernier par le Conseil d’Etat des derniers pourvois contre le projet.

Et la hache de guerre enterrée : alors qu’on lui avait cassé sa vitrine il y a quelques années, peut-être du fait de ses positions pro-tramway, et que quelques opposants continuaient à se manifester à chaque réunion de l’association, Anne qu’il faut désormais être « positifs ».

« La rue était en train de mourir, c’était une autoroute entre les quais et les boulevards. Pensons aux gosses qui sortent des nombreux établissements scolaires du quartier et s’agglutinent sur les trottoirs pour attendre le bus. Et rappelons nous que nous avons un sacré potentiel de clientèle, de par la beauté du site, avec le Jardin public, le palais Gallien, ses vieilles pierres. D’ailleurs, il y a de belles opérations immobilières qui se réalisent, comme la transformation de l’usine Marie Brizard. »

Pour attirer les Bordelais dans une rue où de nouvelles boutiques se sont ouvertes ces dernières années, Fondaudègement Vôtre organise le 11 septembre prochain un deuxième dimanche d’ouverture des magasins, avec des animations (goûter dansant, DJ, cours de salsa…). Histoire de prendre le bon wagon avant même l’arrivée du tram.


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