Dans la carte de vœux adressée par Alain Juppé aux Bordelais, 2017 est une « année capitale » où, en reflet dans le miroir d’eau, le tram devient TGV et la place de la Bourse se mue en Tour Eiffel.
Même s’il se dit sans regret ni amertume après sa défaite aux primaires de la droite et du centre, l’édile préfère « prendre du recul », renvoyant les journalistes à la lecture des « Vertus de l’échec » de Charles Pépin. Il a écarté ce jeudi à l’Hôtel de ville les nombreuses questions sur l’actualité politique nationale.
Que pense-t-il de la rumeur d’un rapprochement Macron-Bayrou ? « Rien ! » Et la version Fillon-Bayrou ? « Je ferai la même réponse ». Suit-il les débats de la primaire socialiste et apparenté ? « Comme n’importe quel autre citoyen. » Comment compte-t-il soutenir François Fillon dans sa course à présidence de la République ? « S’il souhaite venir pour sa campagne munic… présidentielle – pardon – il sera le bienvenu. » Un lapsus qui a déclenché les rires dans la salle.
Voici donc le programme de Juppé 2017, circonscrit aux préoccupations locales, dont la fermeture aux voitures du pont de pierre. Peut-être inspiré là aussi par « Les Vertus de l’échec », le maire de semble vouloir corriger certains aspects de sa politique locale, notamment en matière de logement. Le feu vert à un établissement public foncier régional, auquel Alain Juppé était longtemps opposé au niveau local, en est le symbole.
Un budget « solide »
Alain Juppé a promis qu’il n’y aurait « pas d’augmentation des taxes directes locales », dont les taux seront gelés en mars lors du vote du budget définitif… Il a en revanche annoncé une « surtaxe » sur les résidences secondaires (5900 logement sur Bordeaux) : cette augmentation ciblée de 20% de la taxe d’habitation, récemment autorisée par l’Assemblée pour les agglomérations où le marché du logement est tendu, devrait rapporter un million d’euros à la Ville.
Alors que les dépenses de fonctionnement augmentent et que les dotations de l’État ont baissé pour Bordeaux de 74 millions d’euros depuis 2012, le mantra de la municipalité sera la maîtrise des dépenses, avec par exemple une baisse de 1% des subventions aux organismes privés.
L’objectif est de freiner l’endettement dont l’encours par habitant est de 890 euros à Bordeaux, « significativement en dessous de la dette moyenne par habitant dans les grandes villes », selon le maire.
Construire beaucoup, et mieux
« Il faut construire et construire beaucoup » indique Alain Juppé. Le rythme de 7500 logements par an dans la Métropole, dont un tiers dans Bordeaux, va se poursuivre. Mais il faut aussi « construire bien et mieux ». Forcément, l’épisode des malfaçons dans le quartier Ginko lui donne « quelques raisons d’inquiétudes ». Il appelle les constructeurs à établir avec les élus une charte du bien construire.
Le maire souligne par ailleurs le lancement en partenariat avec la SNI, d’une offre de logement intermédiaire où la location peut devenir acquisition. Elle s’adresse aux classes intermédiaires avec des loyers entre les prix les plus élevés des HLM et ceux « accessibles » du marché. Plus de 300 de ces logements devraient sortir de terre, dont une partie est déjà prévue à Brazza.
Sur la rive droite, le maire a tenu à rappeler à Darwin que ce dernier « n’a pas pour mission de diriger l’aménagement de Bordeaux et que des règles de sécurité sont à respecter ». Une réunion devait en effet se tenir ce jeudi soir entre le groupe Evolution, qui gère l’éco-système, et Bordeaux Métropole Aménagement (BMA) quant aux espaces occupés par Darwin, qui font l’objet d’AOT (autorisation d’occupation temporaires) pour certaines expirées, et que BMA compte récupérer pour le futur quartier Bastide-Niel.
L’établissement public foncier confirmé
Depuis lundi, le dossier de l’établissement public foncier a fait un come-back spectaculaire. Longtemps, Alain Juppé s’est opposé à cette structure permettant de « geler » des terrains pour les soustraire à la spéculation immobilière, contre l’avis du département ou de Vincent Feltesse, alors président de la Cub (communauté urbaine, aujourd’hui Bordeaux Métropole).
Mais la donne a changé. L’EPF déjà en place en Poitou-Charentes va être élargi à toute la région Nouvelle-Aquitaine et Alain Juppé s’en réjouit : « Le fait nouveau, c’est qu’on n’est pas obligé de créer une structure qui aurait eu des coûts. » La conséquence sur la fiscalité restera faible : entre 4 à 5 euros par contribuable et par an. Le président de la métropole tâchera de convaincre de son changement de pied ses collègues maires lors d’un prochain bureau.
Emploi : entre bon bilan et inquiétudes
Fier comme Artaban, Alain Juppé évoque une étude de l’Urssaf citée par Sud Ouest selon laquelle « la zone d’emploi de Bordeaux connaît la plus forte croissance régionale avec + 2,5 % en un trimestre, dans l’informatique et les services surtout ».
De 2013 à 2016, près de 10900 emplois nouveaux ont été créés. Mais le maire de Bordeaux partage en parallèle les inquiétudes sur le site de Ford Aquitaine Industrie (FAI) à Blanquefort. Les syndicats craignent la fermeture et la mort des 950 emplois restants. Alain Juppé monte au créneau :
« Il faut que l’État reprenne le dossier. Il faut une politique plus ferme envers la direction et mettre le groupe face à ses responsabilités. »
Sceptique sur le revenu universel
Interrogé sur l’expérimentation d’un revenu universel en Gironde, il avoue ne « pas bien savoir ce que c’est » :
« On va donner exactement la même somme pour une personne au seuil de pauvreté et un président du Cac 40 ? C’est une question philosophique. Est-ce que l’emploi va disparaitre avec la robotisation et qu’il faudra permettre aux hommes et aux femmes de demain de vivre sans travailler ? Cela crée une panique terrible chez moi. Mieux vaudrait créer de nouveaux métiers pour pouvoir vivre de son activité. Si le revenu universel est un super RSA, je n’en vois pas l’intérêt. »
Son « immense scepticisme » rejoint celui d’Alain Rousset quand le président de région déclarait en 2015 ne pas vouloir « donner ce revenu de base au fils de Bolloré ».
Et après 2020 ?
Actuellement à mi-mandat, Alain Juppé n’a pas répondu aux questions sur une éventuelle candidature à la mairie de Bordeaux en 2020. Cependant, il propose d’ores et déjà de « préparer l’avenir… pour la relève ».
Celle-ci prend aujourd’hui une allure féminine : pour remplacer Virginie Calmels, qui souhaite se consacrer à la mairie et à la métropole, Anne Walryck, également adjointe d’Alain Juppé (en charge du développement durable) sera la candidate des Républicains aux législatives, dans la deuxième circonscription de Gironde. Avec une mission délicate : tenter de prendre le siège à l’Assemblée de Michèle Delaunay.
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