L’instant est solennel. Costume bleu et cravate dans le salon des mariages de la mairie de Bègles, juste à côté de ce bureau qu’il occupe depuis 1989, Noël Mamère explique ce vendredi à la presse les raisons de son départ. La veille, lors de la cérémonie de vœux, il a annoncé la nouvelle aux salariés de la ville : en juin, l’élu cèdera son fauteuil, et proposera pour lui au conseil municipal d’investir son adjoint Clément Rossignol-Puech.
« C’est un moment émouvant, souligne le député maire. La politique est une drogue dure, on s’y habitue. Mais cela fait 48 ans que je vis sous le regard des autres, et à un moment, il faut transmettre. C’est ce à quoi je m’astreins. Je le fais avec Naïma Charaï, ma suppléante à l’Assemblée nationale, dont je serai le suppléant pour l’aider à gagner les élections en juin. Et je le fais désormais avec Clément Rossignol-Puech, car je souhaite que cette équipe puisse aborder 2020 et les prochaines élections municipales dans de bonnes conditions. Elle a 2 ans et demi pour mieux se faire connaître des Béglais et se préparer. »
Pas question donc d’organiser une élection municipale partielle :
« Cela coûte cher, je suis garant de l’argent des Béglais. En 2014, ceux-ci ont voté pour une équipe. Un de ses membres s’en va, le reste va mener la politique qu’elle s’est engagée à conduire. »
Le troc des circos commence
Quant au choix du successeur, il est logique : certes, la Première adjointe du maire de Bègles est Isabelle Boudineau, mais celle-ci est socialiste, tout comme Naïma Charaï.
« Ce n’est pas une question de personne, justifie Noël Mamère. Elle peut comprendre que les socialistes ne peuvent exiger d’être les seuls représentants des Béglais, et de revendiquer la mairie en plus du canton et de la circonscription. Je suis un maire écologiste, je passe la main à un autre écologiste.»
Clément Rossignol-Puech, qui avait déjà remplacé Noël Mamère comme vice-président de Bordeaux Métropole en charge de la nature, se dit quant à lui « très honoré de la confiance » du maire. Une déclaration faite lors des vœux à la presse du groupe écologiste au conseil de Bordeaux Métropole, où, preuve de la cacophonie en vigueur actuellement à gauche, EELV annonce qu’il présentera probablement aux législatives un candidat dans toutes les circonscriptions, y compris donc contre Naïma Charaï et son suppléant… Noël Mamère !
Dans les négociations qui vont (peut-être) démarrer avec le PS, ce dernier voudrait d’ailleurs propulser aux législatives son assistante parlementaire, et vice-présidente du conseil départemental de Gironde, Anne-Laure Fabre-Nadler, qui prendrait alors la place de Catherine Veyssy, élue régionale socialiste, et proche de Vincent Peillon.
« Nécessaire reconstruction de la gauche »
La transmission, c’est décidément ce qui anime l’ancien journaliste, et non des raisons de santé ou un ras-le-bol de la politique, a-t-il tenu à préciser. Car si Noël Mamère est désireux de « ne pas offrir le spectacle pathétique de ces élus qui s’accrochent au pouvoir », cette retraite anticipée « n’est pas un abandon de la vie politique » :
« Ce n’est pas parce que je ne présentais plus le JT que je ne faisais plus de journalisme, et ce n’est pas parce que je n’aurai plus de fonction élective que je renoncerai à faire de la politique. Je suis déterminé à prendre ma part dans la nécessaire reconstruction de la gauche et de l’écologie, en pleine balkanisation ».
Toujours ce « bon client » qu’apprécient les journalistes, le député-maire de Bègles ne s’est pas privé de distribuer les tacles, particulièrement appuyés contre les deux écologistes participants à la primaire du PS – « des « affidés » qui « font tapisserie dans un débat entre socialistes », un choix personnel «qui ne peut pas être celui de l’écologie politique ».
Soutien inoxydable à Jadot
Car si Noël Mamère se réjouit que Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon aient « intégré dans leur programme une bonne part de ce que [les écologistes] disent depuis longtemps », il réaffirme qu’il soutiendra « jusqu’au bout, s’il a ses parrainages », Yannick Jadot : « Un bon candidat, très engagé depuis qu’il a dirigé les campagnes de Greenpeace, et qui a contribué en tant que député européen à l’interdiction de la pêche en eau profonde. »
Tourné vers l’avenir, Noël Mamère s’est remémoré quelques instants marquants de sa carrière politique. Il se dit notamment fier du premier mariage homosexuel célébré en sa mairie, en 2004, et qui malgré son annulation par la justice, aura ouvert la voie à la loi Taubira.
Interrogé sur sa campagne présidentielle de 2002, il rappelle ce « sentiment paradoxal » – la joie d’avoir réalisé le meilleur score d’un candidat écologiste, la douleur de la qualification de Jean-Marie Le Pen au deuxième tour. Mais le scénario d’une extrême-droite triomphante en avril prochain, il affirme ne pas y croire.
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