Les cantines scolaires ne mettent pas les petits plats dans les grands. Désormais, les 15000 écoliers de Bordeaux mangent dans des assiettes en plastique. C’est par leurs enfants que les représentants des parents d’élèves du groupe scolaire Francin Fieffé (Bordeaux Sud) ont appris la nouvelle :
« En rentrant de l’école, ma fille m’a annoncé qu’à la cantine, les assiettes standards avait été remplacées par des assiettes en plastique, explique Magali Della Sudda, l’une des représentantes. Certes, nous savions que le sujet était dans les tuyaux : lors d’un conseil d’école en mars 2016, la mairie nous avait annoncé, alors même que nous réclamions le retrait des gobelets en plastique (en usage depuis longtemps dans les cantines bordelaise, NDLR), que le passage aux assiettes en plastique pour l’année scolaire 2016-2017 était prévu dans toutes les écoles publiques de la ville… Nous avions alors d’emblée exprimé notre désaccord et face à notre grande réticence, la mairie avait promis des concertations en nous invitant à faire part de nos remarques lors du conseil d’école de novembre. Mais, en fait, elle a choisi le passage en force ».
Remontée, cette maman d’élève, rejointe depuis par des représentants de parents d’autres écoles concernées, s’inquiète des conséquences sanitaires et écologiques d’un tel choix. Dans un courrier daté du 29 janvier, une demande a d’ailleurs été faite à la mairie d’abandonner ce projet de substitution de la vaisselle traditionnelle par de la vaisselle en plastique :
« La Mairie de Bordeaux met en avant ses ambitions environnementales, avec un effort particulier en matière d’alimentation proposée aux élèves (agriculture biologique, circuits courts). De même, les plats en plastique dans lesquels est réchauffée la nourriture dans les cantines devraient être remplacés à la rentrée 2017 par des plats en cellulose. Voilà pourquoi ce choix d’imposer les assiettes en plastique nous interroge. D’autant que le contexte de scandale sanitaire lié au bisphénol A, reconnu comme perturbateur endocrinien et la corrélation forte entre l’exposition à ces substances et les troubles du développement et de la fertilité nous amènent à privilégier le principe de précaution, inscrit dans notre Constitution ».
Garanties sans bisphénol A
Côté mairie, une telle polémique étonne :
« Nous avons fourni des analyses aux parents d’élèves, attestant que les assiettes choisies, qui sont en copolyester, sont garanties sans bisphénol A et sans phtalates », explique Emmanuelle Cuny, l’adjointe au maire en charge de l’éducation.
« Oui, suite à notre courrier, la mairie nous a donné plus d’informations sur certains composants, mais nous souhaiterions également savoir quels additifs et quels colorants sont utilisés dans la fabrication de ces assiettes, insiste Magali Della Sudda. Bref nous préférons rester prudents ».
Une attitude qu’approuve Maguy Saint-Ourens, la déléguée départementale de l’éducation nationale (DDEN) :
« Après l’affaire des biberons en plastique et les effets du bisphénol A tardivement reconnus, il me semble légitime que les parents s’inquiètent des composants du plastique de la vaisselle mise en service dans les écoles. La mairie nous a certes transmis des analyses relatives au copolyester, le substitut au bisphénol A utilisé dans la fabrication des assiettes, mais je ne suis pas capable de les interpréter. Et des questions restent en suspens : quels sont les effets de la chaleur subie au cours du lavage, des rayures provoquées par les couteaux? »
Arguments de poids
Il faut dire que depuis l’interdiction du bisphénol A (en 2013 pour les contenants alimentaires à destination des bébés, en 2015 pour tous les contenants alimentaires), la question des substituts fait débat. En 2015, l’Asef (Association Santé Environnement France) réunissant des professionnels de santé notait d’ailleurs que si « plusieurs alternatives (au bisphénol A, NDLR) sont possibles tels que le polypropylène (PP), le polyethersulfone (PES), le polyphénylsulfone (PPSU) ou le Copolyester Tritan®, on manque encore de données pour démontrer que ces substituts n’ont pas d’impacts sanitaires et environnementaux ».
Mais ce débat n’est pas la priorité de la mairie de Bordeaux :
« Notre choix de passer aux assiettes en plastique répond avant tout à notre volonté d’améliorer les conditions de travail des agents de cantine, prévient Emmanuelle Cuny. La vaisselle standard est lourde et nos agents souffrent de troubles musculo-squelettiques. Il s’agit aussi pour nous d’offrir de meilleures conditions de déjeuner aux enfants : avec une vaisselle en plastique les temps de repas sont bien moins bruyants ».
Contactée par Rue89 Bordeaux, la CGT municipaux de Bordeaux n’a pas souhaité communiquer sur le sujet.
Obsolescence
Pour les parents d’élèves, de tels arguments sont délétères :
« Il n’est pas question de privilégier la santé des agents au détriment de celles des enfants, proteste Magali Della Sudda, c’est d’ailleurs un sujet qui nous préoccupe et nous avions proposé, par exemple, que les grands aident les agents à débarrasser les tables. De même, nous avions mis la question du bruit à l’ordre du jour des conseils d’école et demandé une visite de la DDEN durant le temps de cantine : la principale source de bruit est le fonctionnement en permanence des machines, l’absence de porte entre l’office (où sont les lave-vaisselle) et le réfectoire et l’exiguïté de locaux ».
Quant au coût – financier et écologique – de l’opération, là encore le flou l’emporte : pour la mairie, qui a déboursé 135 000 euros pour équiper les cantines des 101 écoles de la Ville d’assiettes en plastiques, fabriquées par en France par une entreprise de Saint-Etienne (Loire), il s’agit là d’un investissement sur le long terme, puisque selon Emmanuelle Cuny, ces assiettes lavables sont « complètement pérennes ».
Ce que démentent les représentants des parents d’élèves en s’appuyant sur un rapport de l’Anses (l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail), où l’on peut lire que la vaisselle en copolyester est prévue pour une durée de 500 cycles de lavage. Soit une durée de vie en milieu scolaire de 2 ans et demi maximum…
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