Le conseil d’administration de l’université de Bordeaux a statué jeudi sur la sélection en master 1 dès la rentrée prochaine. Suite à l’annonce du blocage par les étudiants, les affaires juridiques de l’université ont décidé de déplacer la réunion du conseil de l’université au rectorat, près du palais de justice.
« C’est un endroit plus propice à la mobilisation policière », considère Florian, étudiant de 22 ans hostile au projet. En effet, trois camionnettes et deux voitures de police sont présentes sur place pour contenir la petite cinquantaine d’étudiants mobilisés. Toutes les entrées sont bloquées par des barrières où un contrôle d’identité a lieu.
Tout en faisant un beau vacarme à l’aide de petites cornes, les étudiants cherchent aussi à bloquer les entrées aux élus du CA, en vain. Plusieurs employés du rectorat font également les frais de cette mobilisation. Une employée s’emporte: « Il y a tellement de choses injustes dans la vie. Exactement comme ce que vous faites en ce moment. »
Une équipe de CRS est dépêchée sur place pour dégager manu militari les étudiants qui bloquent l’entrée. A l’issue des débats, 22 élus votent pour la sélection, contre 9 voix dissidentes ainsi que 4 abstentions.
Une concurrence plus rude
La sélection qui se faisait auparavant à l’entrée des Masters 2 se fera désormais en Master 1, faisant suite à l’adoption de la loi du 19 décembre 2016. Si il existe un régime dérogatoire mais « temporaire » pour le M1 de droit, ce ne sera pas le cas pour les différents masters d’économie. A l’heure actuelle, on recense 632 étudiants en 3e année de licence d’Economie et Gestion et d’AES. Il n’y aurait que 375 places en M1 d’économie et de gestion vers lequel ils se prédestinent, et plus d’un étudiant sur deux serait laissé sur le carreau, dénonce l’Organisation socioculturelle de Bordeaux IV (OSB IV).
« L’administration pense que nous devons réduire les dépenses, ce qui signifie réduire les étudiants, déclare Théo Contis, élu étudiant au Conseil d’administration. Ce n’est pas une sélection basée sur la méritocratie mais bien sur des logiques de comptables de la misère. »
Plusieurs étudiants se tourneront alors probablement vers le M1 de droit qui sera exempté de sélection. Mais le doyen ne l’entend pas de la même manière. Sceptique vis à vis des étudiants en provenance de la filière AES, il aurait réclamé la mise en place de « comités d’équivalence ». Une initiative à préciser qui pourrait finalement pousser les étudiants à faire valoir leur droit à la poursuite aux études – publié au journal officiel le 27 janvier. Cela signifie que le recteur devra leur proposer trois solutions en cas de refus. Si les places devraient être proposées en adéquation avec les formations et l’université d’origine comme l’indique le texte, le flou juridique persiste et inquiète.
Une farce de démocratie
Les élus étudiants se disent désarçonnés par les pratiques de la direction de l’université lors des différents conseils. Yohan Bihan, en L3 droit et représentant d’OSB IV, ne cautionne pas:
« On a essayé de discuter mais ça s’est fait dans une telle rapidité, une telle opacité que le débat est impossible. Ce n’est pas la première fois qu’on essaie de nous empêcher de parler. Les élus du CA ont reçu les documents avant-hier (le week-end dernier, NDLR), alors qu’ils doivent statuer sur toutes les capacités d’accueil dans toutes les matières de l’université de Bordeaux. C’est absolument gigantesque. »
Si les étudiants affirment que certains professeurs les soutiennent, le corps professoral est tout de même très atomisé. Certains se positionnent pour une sélection plus « soft » afin d’améliorer leurs conditions de travail, « mais aussi pour valoriser leurs filières ». Mireille Poirier, maître de conférence en droit privé, se mobilise quant à elle, en faveur des étudiants:
« On parle de sélection alors qu’il y a déjà une sélection avec les examens en fin d’année. On va plus vers l’élitisme qu’une véritable sélection. De bons étudiants ne pourront continuer leurs études, je ne peux pas cautionner cela. »
Théo déplore surtout le fait que la majorité des professeurs ait voté en faveur de cette décision qui risque bien d’enterrer la filière AES:
« Beaucoup d’entre eux arguent d’une facilité au niveau des enseignements. Si ils souhaitent réellement une meilleure qualité d’enseignement, ce n’est pas en éjectant les étudiants mais en demandant plus de fonds qu’ils y arriveront. »
Le personnel administratif aurait également voté majoritairement en faveur de cette sélection. Une élue du CA tempère la furia étudiante:
« Il faut qu’ils sachent ce que leurs masters vont valoir à leur sortie. C’est bien beau de vouloir accepter tous les étudiants mais c’est parfois nécessaire de faire une sélection. »
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