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Guy Bedos, sur la présidentielle 2017 : « Je nous souhaite bonne chance »

Guy Bedos vient de mourir. Rue89 Bordeaux vous propose de relire un entretien que l’humoriste nous avait accordé lors d’un passage à Bordeaux, où il évoquait ses « dégoûts » politiques et ses hésitations d’électeur, peu avant la présidentielle. « Adversaire absolu de Marine Le Pen », il se déclare alors « sidéré » de voir son succès chez les jeunes et en veut à la gauche d’avoir abandonné ses valeurs.

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Guy Bedos, sur la présidentielle 2017 : « Je nous souhaite bonne chance »

« Hanté par la présidentielle 2017, je suis de ceux qui ne savent pas vraiment pour qui ils vont voter. […] Certains de mes amis, aussi paumés que moi, s’apprêtent à s’abstenir, ou préféreraient voter Juppé. Il faut bien dire qu’à côté de Sarkozy, Juppé, c’est Mélenchon. »

« Sauf que Juppé n’est pas partant » s’exclame Guy Bedos en réponse à cet extrait de son livre A l’heure où noircit la campagne, paru ce mois-ci chez Fayard.

A l’occasion de sa venue ce jeudi à Bordeaux pour une rencontre à la Machine à Lire, le toujours piquant humoriste français a accordé un entretien à Rue89 Bordeaux.

Guy Bedos à Bordeaux (WS/Rue89 Bordeaux)

Rue89 Bordeaux : Vous signez un livre politique à un mois de l’élection présidentielle, c’est un hasard ?

Guy Bedos : Pas tout à fait, mais je parle de la politique en général, y compris de la politique internationale : Netanyahou, Trump, Poutine et quelques autres. J’ai surtout écrit ce livre parce que j’étais un peu orphelin de ma revue de presse que je faisais sur scène. C’est parti de cette idée. Même si j’ai glissé 2 ou 3 revues de presse des années 2000 sur Sarko, je parle surtout d’aujourd’hui. Ce qui risque de me valoir quelques procès.

C’est-à-dire ?

GB : Je dézingue évidemment madame Le Pen. J’ai eu six procès avec son père que j’ai tous gagnés d’ailleurs, mais ça coute de l’argent, même quand on gagne. La loi devrait faire payer celui qui perd les frais qu’il a occasionné.

On ressent dans votre livre des inquiétudes. Vous confirmez ?

GB : Ce livre pourrait s’appeler « Journal citoyen » parce que je suis un citoyen comme les autres. Je suis aussi surpris par la vie politique d’aujourd’hui. Je suis un peu paumé. Je suis plus sûr de mes dégoûts que de mes goûts. Je suis un homme de gauche. La gauche de François Hollande et de Manuel Valls ne m’emballe pas. Hollande n’a pas tenu ses promesses, ce qui me fait écrire dans le livre : « Nous sommes tous des Valérie Trierweiler ». Mais j’évoque aussi Valls, Macron et, pire encore, Gattaz.

Le bilan du quinquennat qui se termine est à ce point noir selon vous ?

GB : Je dirais gris. Je n’ai pas d’antipathie violente contre François Hollande. Simplement, encore une fois, j’ai eu la chance, tout saltimbanque que je sois, d’approcher François Mitterrand, et aussi Michel Rocard à qui je dédie le livre, la gauche était tout autre. Aussi bien à gauche qu’à droite, il y a eu une désintégration du politique. A droite, de Gaulle a été remplacé par Giscard et Chirac.

Vous êtes proche d’Arnaud Montebourg…

GB : J’ai une certaine sympathie pour Arnaud Montebourg. Je n’ai pas voulu être le président de son comité de soutien parce que je ne veux pas avoir de rôle en politique. Je suis un artiste engagé mais je ne veux pas entrer en politique, sinon je me présente comme président !

J’aime beaucoup Montebourg parce que j’ai combattu avec lui Arcelor Mittal. Hollande et, avant lui, Sarkozy n’ont pas été à la hauteur.

On critique beaucoup les politiques, mais moi j’ai tendance à critiquer aussi les électeurs. Car, que ce soit en France ou ailleurs : Israël, USA, Russie… je trouve, pour dire les choses simplement, que les électeurs n’ont pas très bon goût.

Il y a pourtant un malaise chez les électeurs qui les pousse vers les extrêmes.

GB : Bien sûr. J’ai su, et ça m’a surpris, qu’énormément de jeunes gens s’apprêtent à voter pour Marine Le Pen. Je suis sidéré.

Qu’est ce qu’il faut leur proposer pour les en empêcher ?

GB : Le contraire de madame Le Pen. Il faut leur proposer la sincérité et, d’une certaine manière, se préoccuper de leur présent et de leur futur.

Je suis un adversaire absolu de Marine Le Pen. Je suis un anti-raciste obsessionnel. Je me suis battu contre mes propres parents qui étaient racistes l’un comme l’autre. Ma mère avait une photo du Maréchal Pétain dans son sac et mon beau-père regardait des émissions sur Hitler avec beaucoup de bienveillance. A partir de 14 ans, j’ai fait de la résistance familiale, sur tout ce qui va vers l’extrême droite.

Marine Le Pen exploite, entre autres, deux sujets : l’Islam et les migrants…

GB : Oui, je vous avoue que je n’approuve pas tout dans l’Islam.

Vous avez justement provoqué une polémique quand vous avez déclaré en janvier : « Aussi antiraciste que je sois, je ne suis pas toujours d’accord avec mes amis musulmans et la façon dont ils traitent les femmes » ?

GB : Exactement, je le confirme.

Vous faites une généralité ?

GB : Non. Ce n’est pas ce que je veux dire. La tendance générale avec le voile, et ce qu’on appelle maintenant le burkini, est absurde. C’est une atteinte à la liberté. Je suis né en Algérie. Je voyais des femmes avec tout ce fatras sur la tronche et j’étais déjà désolé pour elles.

Vous comprenez que les musulmans aient été choqués par cette déclaration ?

GB : Je ne savais pas, mais je persiste.

A propos des migrants, vous avez signé avec plus de 250 personnalités la tribune «Calais, ne réduisons pas la France à des barbelés et des bulldozers». Qu’est ce que la France aurait du proposer aux migrants ?

GB : L’asile ! c’est des gens qui fuient les carnages dans leurs pays, qui essaient de sauver leurs enfants. A Calais, j’y étais avant François Hollande, j’ai vu ce qu’ils appelaient la jungle de près. Ce sont des gens – j’ai envie de faire une comparaison un peu forte – comme les juifs sous Hitler, qui se sont sauvés et qui ont essayé de trouver un destin ailleurs. Ça donne du grain à moudre à madame Le Pen. Tous ne sont pas un danger pour la France. Tous ne sont pas jihadistes.

Qu’est ce que vous répondez à ceux qui disent que la France ne peut pas accueillir toute la misère du monde ?

GB : En effet, la France n’a pas vocation à porter toute la misère du monde. Mais encore une fois, ces migrants – avant on disait les immigrés – se réfugient en France. La France a mal géré cet afflux. Elle s’y est moins bien prise que l’Allemagne. Madame Merkel, qui n’est pas mon idole je précise, a bien traité ces problèmes. Il semblerait que la situation sociale et économique de l’Allemagne était plus favorable à l’accueil de ces gens. Ok. Mais là, il s’agit d’humanité. C’est révoltant.

Pourquoi la gauche au pouvoir n’a pas été à la hauteur de cette situation selon vous ?

GB : La gauche actuelle est terriblement déconcertante. Il y a une sorte de paresse qui s’est emparée du pays, et de découragement. Quelque chose s’est passé sous le quinquennat de François Hollande.

Vous allez voter pour qui ?

GB : Je fais partie de ces milliers de Français qui ne savent pas pour qui voter. Je serais tenté de voter pour Mélenchon, malgré les réserves que je fais sur son caractère qui font que j’ai du mal à le voir à l’Elysée. Il est très susceptible, il est très caractériel. Ce qui me paraît dangereux pour un homme d’État. Je le connais assez bien pour le dire. Mais ses idées et son talent me séduisent.

Mais on parle beaucoup de vote utile. Je fais finalement partie de ceux qui voteront plus contre madame Le Pen. Pour finir, je nous souhaite bonne chance.


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