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La gauche entre bisbilles et mutations pour les législatives en Gironde

Des discussions « sympathiques » mais infructueuses entre communistes et insoumis, un accord moribond entre socialistes et écolo, le PS menacé par la République en marche… Les législatives sentent fort la recomposition. Explications des tensions.

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La gauche entre bisbilles et mutations pour les législatives en Gironde

1. Insoumis et communistes : malentendus ou bizutage ?

Si les discussions entre France Insoumise et Parti Communiste (PCF) sont plus aimables localement que nationalement, elles ne devraient pas être plus fructueuses. Après une menace de poursuites judiciaires, des lettres cinglantes, des réactions houleuses et surtout un échec sur l’union envisagée entre les deux organisations, les accords nationaux ne seront pas signés.

Malgré ces troubles en cours depuis le premier tour de la présidentielle, Sébastien Laborde, secrétaire départemental de la fédération girondine du PCF, choisit de maintenir sa proposition. Il a adressé un courrier à tous les candidats de la France Insoumise en Gironde pour leur proposer des accords de désistement locaux : les communistes sont prêts à retirer leur candidat potentiel sur une circonscription si la France Insoumise en fait de même ailleurs.

« On maintient notre proposition sans grand espoir que ça aboutisse. On continuera jusqu’au bout bien que ça se complique. »

Jusqu’au bout c’est à dire au jeudi 18 mai, date butoir pour déposer ses candidatures.

Le PCF avait proposé son désistement sur la 2ème circo

Il craint que la gauche anti-libérale « rate une occasion historique » d’empêcher le président d’avoir une majorité parlementaire. Il y a un « devoir » de rassembler ces forces qui ne peuvent se réduire à la proposition d’un PCF suppléant des candidats de FI.

Il évoque un accord envisageable sur les circonscriptions bordelaises (1 et 2), mais aussi là où Jean-Luc Mélenchon a atteint des sommets : sur la 3ème (Bordeaux-Sud, Bègles, Talence, Villenave-d’Ornon) et la 4ème (rive droite). Et enfin sur des terres où députés sortant sous l’étiquette PS font des œillades au nouveau président de la République : dans le Libournais (11ème) et celle de l’Entre-deux-Mers et Sud Gironde (12ème).

Dans une lettre adressée à Jean-Luc Mélenchon le 5 mai, le numéro 1 du PCF Pierre Laurent avait déjà proposé un désistement de sa candidate Servane Crussière sur la 2ème circonscription, à laquelle devait répondre d’autres désistement nationaux de la part de FI.

Christine Texier et Sébastien Laborde du PCF en marche pour le rassemblement contre Macron (XR/Rue89 Bordeaux)

Pierre-Yves Modicom, directeur de campagne FI sur cette circonscription, accueille avec bienveillance la proposition mais précise d’emblée :

« Nous n’avons aucune légitimité pour négocier le désistement de la 1ère ou la 2ème ou inversement. Nous n’avons pas d’instances départementales. il n’y a donc pas d’interlocuteur pour cette proposition. »

Il ne nie pas non plus un point d’achoppement : signer la charte de la France Insoumise. Une condition inacceptable pour le PCF pour deux raisons selon Sébastien Laborde : les communistes ne peuvent ou ne veulent pas tous se reconnaitre derrière la bannière FI et ne souhaitent pas de discipline de vote qui contraint le groupe parlementaire à voter d’une seule voix.

Porte-voix de la candidate Aude Darchy, Pierre-Yves Modicom parle de « malentendus » sur une charte qui mérite d’être lue pour éviter les « fantasmes ». Dans la 1ère circo, Handravane Vongway, directrice de campagne d’Evelyne Cervantes-Descubes s’étonne de l’urgence d’une telle proposition :

« Pourquoi le PCF adopte cette posture ? Je crains qu’on joue sur notre noviciat en politique. Le mouvement est en perpétuelle évolution avec des sensibilités différentes, y compris communistes. Aucun membre de l’appareil du PCF ne s’est manifesté pour briguer l’investiture des législatives lors des réunions publiques initiées en janvier alors qu’il n’y a pas de droit de passage, pas besoin d’être inscrit sur la plateforme. »

La porte resterait « ouverte »… mais uniquement pour défendre le programme de l’Avenir en Commun qui a réuni 7 millions d’électeurs.

Pierre Laurent annoncé à Bordeaux le 21 mai

La carte nationale des candidats FI a été publiée ce mercredi avec une moyenne d’âge de 41 ans, dont 90% ne se sont jamais présentés et 63% de non-encartés.

Côté PCF, Sébastien Laborde assure que faute d’accords, les communistes auront des candidats dans toutes les circonscriptions girondines. Pierre Laurent viendra d’ailleurs les présenter le 21 mai lors d’un meeting à Courrejean.

L’espoir aurait pu venir du Médoc où le maire de Saint-Yzans avait proposé une candidature de rassemblement. Après 30 ans passés au parti, Segundo Cimbron se retrouve plus dans la « démocratie directe » des Insoumis. Le PCF espérait voir en lui un « François Ruffin local », le journaliste picard ayant reçu le soutien de FI, du PCF, d’Europe-Ecologie-les-Verts (EELV) et du parti Ensemble. Mais les choix sont faits : Martine Calvo pour FI et Stéphane Le Bot pour le PCF concourront non pas ensemble, mais côte à côte dans le Médoc. L’édile résume :

« Le charte de la France Insoumise permet de dire : « Tant que tu l’a signé, on se fiche de savoir si tu es trotskiste, communiste ou même de droite, gaulliste. Vous redevenez un citoyen. Il y a deux conceptions du rassemblement qui ne sont pas les mêmes. L’ancienne – et ce n’est pas péjoratif – qui cherche des accords entre les partis et organisations. La nouvelle qui cherche des accords entre les citoyens. « 

Oui mais l’entente n’a pas eu lieu. Le candidat FI de la 3ème, Loïc Prudhomme estime que la campagne a démarré. Il faut aller convaincre « ceux qui ont voté Jean-Luc Mélenchon et les 15000 électeurs qui ne se sont pas déplacés » sur la circonscription au premier tour de la présidentielle. Et il précise que les ennemis ne sont pas communistes mais « dans l’autre camp. »

En retournant le problème, les deux organisations pourraient-elles finalement se renforcer en regagnant leur liberté comme l’analyse le magazine Politis ?

2. PS et écologistes : un accord non recyclable

Insoumis et communistes peuvent se rassurer comme ils le peuvent : quand un accord abouti, il n’est pas voué au succès non plus. Sur sa 12ème circonscription de l’Entre-deux-Mers, l’écolo Anne-Laure Fabre-Nadler vit une « surprenante » désillusion. Elle pensait que sa candidature porterait les logo EELV et PS. Que nenni : la maire PS de Cénac Catherine Veyssy a décidé de se maintenir vaille que vaille.

« Je me serais permis de griller une priorité à une candidature au PS. C’est curieux quand on sait qu’il s’agit d’un accord qui prône un grand rassemblement. Je me rends compte que dans une certaine génération d’élus ce n’est pas une évidence », déplore Fabre-Nadler qui craint une défaite de la gauche sur la circo et va « discuter avec d’autres forces de gauche »

Sur la 3ème circonscription, il parait qu’on peut trouver « La gauche rassemblée ». C’est en tout cas le slogan portée par la candidate socialiste Naïma Charaï dont le suppléant est le député sortant Noël Mamère. Pourtant, à bien les compter, les candidatures s’y sont multipliées. Au moins 5 bulletins de vote permettront de voter à gauche.

« Ce n’est pas une nouveauté, relativise Naïma Charaï. En 2012, il y avait déjà 7 candidatures sur le territoire. »

Bien que soutenue par le PRG et EELV, elle affrontera aussi des écologistes déçus qui pas goûté la place prise par l’élue régionale PS. Fier de ses 22% aux élections cantonales de 2011, Olivier Cazaux s’était déclaré en amont candidat pour EELV. L’accord ferait selon lui sortir les écolos d’une circo où les écologistes font « leurs meilleurs scores en Aquitaine ». Olivier Cazaux peste contre « un renvoi d’ascenseur » – Mamère ayant été propulsé à Bègles à la fin des années 1980 par le maire PS de Libourne Gilbert Mitterrand.

Panneaux électoraux à Villenave d’Ornon (XR/Rue89 Bordeaux)

Naïma Charaï a certes 10 années de présence et de travail sur le territoire, mais elle n’a pas été présentatrice du JT. Coincée entre En Marche et la France Insoumise, elle ne va pas non plus profiter d’une vague hamoniste. Mais elle pronostique que sur sa circo « les législatives ne seront pas la présidentielle » et que les voix de Jean-Luc Mélenchon (arrivé premier du premier tour, avec 29,6% des voix) n’iront pas mécaniquement à Loïc Prudhomme, investi par FI.

Autre circo et autre vision écologiste, dans le Médoc Stéphane Saubusse espère un ultime soutien de Benoit Hamon (mais la circo est détenue par la socialiste Pascale Got). A Bordeaux (2ème circonscription), Pierre Hurmic se lance pour ne pas que les « Bordelais se sentent orphelins d’un candidat écologiste » comme lui a pu l’être lors de la présidentielle.

Et pour l’accord national ?

« Madame Delaunay [député sortante PS] m’accuse de ne pas le respecter. Mais Bordeaux n’est pas dans cet accord. Et elle est plus menacée par un candidat Macron que par ma candidature. »

Avec un programme qu’il dit avoir lui-même écrit, il compte faire vivre la « biodiversité politique » qui à coup sûr existe chez les Verts mais qui , faute de proportionnelle, n’arrive pas à se nicher à l’assemblée que par des accords électoraux.

3. Au PS, everybody hurts avec la Rem ?

Le PS « sort éreinté du quinquennat qui vient de s’achever » admet Naïma Charaï. Et éparpillé façon puzzle depuis l’élection présidentielle peut-on ajouter.

Déjà cinq députés PS sur les 11 sortants ont choisi de ne pas se représenter en Gironde et deux autres ont prêté allégeance à En Marche !.

Florent Boudié dans le Libournais (10è circonscription) est en première ligne de ce mouvement. Tout juste réinvesti par le PS, le député avait choisi de parrainer Emmanuel Macron plutôt que Benoit Hamon, candidat élu par la primaire de la Belle alliance populaire.

Légitime

En mars, la fédération PS de Gironde avait donc instantanément demandé aux instances nationales de lancer une « procédure de désignation d’un nouveau candidat socialiste aux législatives ». Exclu du parti, il indique à Sud Ouest comprendre une décision jugée « légitime »

L’élection présidentielle passée et remportée par Emmanuel Macron, Florent Boudié dit ne pas vouloir entrer au gouvernement mais fait partie des 24 députés socialistes sortants investis par la République en marche. Ouf (pour lui) : il n’est pas parmi les « nombreux » recalés évoqués par Richard Ferrand, secrétaire générale de la République en Marche, ces PS qui ont demandé en vain l’étiquette majorité présidentielle.

Une gauche soudée en Gironde contre Emmanuel Macron ? (XR/Rue89 Bordeaux)

Dans le Sud-Gironde, Gilles Savary avait aussi fait sa déclaration d’amour à Emmanuel Macron, après avoir savonné la campagne du frondeur Benoit Hamon, pourtant désigné par la Belle Alliance Populaire. Il avait émis un souhait : être candidat PS tout en demandant à la République En Marche (REM) de ne pas présenter de candidat contre lui. « Ma trajectoire est claire », ose-t-il affirmer. Claire comme l’eau du port de la Lune ?

Toujours est-il que Gilles Savary n’aura pas les honneurs faits à Manuel Valls, et se voit mis dans les pattes une Marcheuse encartée au Modem.

Le PS avait 11 députés sur 12 en Gironde. Si la dynamique Macron se confirme pour En Marche ! dans le département, et si la droite et la France Insoumise prennent leur revanche de la présidentielle, il risque de perdre gros.


#Législatives 2017

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