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Œuvres d’humanité au Capc

Naufus Ramírez-Figueroa a investi la nef du musée d’art contemporain avec une installation difficile dans tous les sens du terme. Au 2e étage, Oscar Murillo présente une vision plus enchantée de l’humanité.

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Œuvres d’humanité au Capc

Dans sa nef, le Capc accueille Naufus Ramírez-Figueroa pour une installation in situ. Cet artiste guatémaltèque a tout d’un génie dans le monde de l’art contemporain. Né en 1978, il montre dès l’âge de 14 ans son travail artistique dans une exposition collective et affiche des productions qu’il qualifie de « viscérales » au point, selon lui, d’inquiéter ses parents. A 20 ans, il devient performeur ; une discipline qui l’accompagne toujours dans sa pratique.

Performeur, mais aussi sculpteur, Naufus Ramírez-Figueroa signe des œuvres polymorphes qui mêlent des parties du corps humain à d’autres formes animales, végétales, ou encore géométriques ou abstraites. Le résultat induit le spectateur dans une confusion nourrie par des compositions humoristiques d’une part, et des références tragiques à la guerre civile au Guatemala (1960-1996), l’autoritarisme de certains régimes répressifs, et la souffrance de la terre et des hommes face à l’exploitation industrielle d’autre part.

Très en vogue dans les grandes manifestations artistiques internationales, Naufus Ramírez-Figueroa a le vent en poupe. Il fut le grand vainqueur de la 16e édition du Mies van der Rohe Stipendium en 2017. Il participe à la biennale de Venise (au même titre que Leonor Antunes, également passée par la nef du Capc). Il est l’auteur d’un cycle de performances commandité et produit par Corpus, un réseau européen qui lui permet de présenter ses performances dans diverses villes comme Bilbao, Berlin, Amsterdam, ou Londres.

Au Capc de Bordeaux, son œuvre intitulée Linnæus in Tenebris accompagnée d’une performance, fait partie de ce cycle. L’artiste signe dans le musée bordelais sa première exposition monographique en France.

Détail de l’installation Linnæus in Tenebris dans la nef du Capc (WS/Rue89 Bordeaux)

« Dur et froid »

Sur le papier, l’installation déployée dans la nef suscite un fort intérêt. Elle s’inscrit « dans le contexte historique – particulièrement lisible à Bordeaux – du XVIIIe siècle, en s’intéressant à un personnage emblématique du rationalisme : Carl von Linné (1707–1778), le botaniste suédois à l’origine de la nomenclature ayant permis la classification de l’essentiel des espèces vivantes connues à son époque ».

Lors de la visite de presse, la commissaire Alice Motard souligne les pratiques taxonomiques employées ici pour classifier les dérives de l’industrialisation, notamment de l’agriculture, responsable d’espèces hybrides et manipulées.

A cette occasion notamment, Naufus Ramírez-Figueroa ajoutera de nouvelles notions : les traces de la guerre civile au Guatemala sur son statut de réfugié au Canada, un questionnement du complotisme répandu dans certaines vidéos sur Youtube, une référence au commerce triangulaire et au passé colonialiste de Bordeaux – référence qu’il dit avoir ensuite abandonnée, des inspirations piochées lors de sa visite au Musée d’Aquitaine, ses recherches et documentations sur les expositions accueillies dans les entrepôts lainés et les performances notamment du temps de Sigma, et aussi plusieurs clins d’œil à l’activité agricole de sa famille dans les bananeraies depuis 130 ans.

Le résultat est « un univers dur et froid » difficilement lisible. En cause, une faible force de persuasion et une abstraction employée à fortes doses, renforcées par l’éparpillement dans la nef des sculptures, réalisées en polystyrène puis recouvertes de résine, de créatures mi-humaines, mi-végétales, sur la base des références citées plus haut et autres notions d’artificialité. Les quatre vidéos qui entourent l’installation seront d’une grande utilité pour mieux saisir l’univers subtil de l’artiste. Ce que l’on peut regretter est l’emprise inexistante sur la nef de l’installation voulue « in situ », dans un lieu longtemps défendu pour des interventions que l’on ne devrait voir nulle part ailleurs.

Human ressources d’Oscar Murillo (WS/Rue89 Bordeaux)

L’altérité bienveillante

Au deuxième étage, dans la Galerie Arnozan, le deuxième des quatre volets du cycle « L’économie du vivant » proposé par le commissaire indépendant, Osei Bonsu pour la programmation Satellite 2017, est une exposition de l’artiste colombien Oscar Murillo. Coproduite par le Jeu de Paume, la Fondation nationale des arts graphiques et plastiques et le CAPC musée d’art contemporain de Bordeaux, elle s’intitule Estructuras resonantes et propose plusieurs supports, dont une vidéo comme à chaque invitation (déjà exposé, le Libanais Ali Cherri, et, à venir, l’Américaine Steffani Jemison et la Palestinienne Jumana Manna).

Untitled, est une restitution subjective d’un séjour de l’artiste à Marrakech. Elle montre un groupe de musiciens bédouins d’Afrique du nord jouant de la musique traditionnelle devant un public composé d’autochtones et de touristes. Le cadrage installe le spectateur dans la spontanéité du moment et le naturel de son vécu. La caméra devient un regard et une écoute fidèles à l’aspect live de la musique.

Une autre œuvre occupe une grande partie de la galerie : Human ressources. Cet ensemble, fait de gradins en bois sur lesquels sont disposés des personnages en papier mâché à taille réelle, se complète par une lecture de noms de personnes qui ont travaillé dans l’atelier de l’artiste. Ces noms évoquent d’emblée la diversité des origines et donnent à ses poupées géantes, habituellement destinées à être brûlées dans certaines fêtes colombiennes, une présence humaine. L’altérité est ici bienveillante et souligne la question de la migration des travailleurs chère à Oscar Murillo. Une œuvre amplement sincère.


#Alice Motard

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