1 – Comment cela va se passer ?
La circulation sera interdite aux motos et aux voitures à partir de 4h30 le mardi 1er août. Des barrières seront mises en place le premier jour, avec le déploiement de forces de police nationale et municipale.
Ensuite, ces barrières seront enlevées, et l’information ne se fera que par des panneaux, d’indication de circulation modifiée et d’itinéraires alternatifs dans les alentours du pont ; de sens interdit sur ce dernier. L’annonce de l’expérimentation est déjà en place sur les panneaux électriques de la ville.
Pour les contrevenants volontaires ou maladroits, l’amande sera douloureuse : 135 euros et 4 points de permis. Le démarrage de l’expérience en août doit permettre aux automobilistes de s’habituer aux nouvelles conditions de circulation avant la rentrée. Aujourd’hui, les deux tiers des usagers du pont de pierre utilisent déjà des alternatives à la voiture.
2 – Interdire le pont de pierre, pour quoi faire ?
Réserver un pont aux modes de transports doux, « c’est une première dans une grande ville en France et en Europe », explique ce mardi sur la place Stalingrad Michel Duchène. Selon le vice-président de Bordeaux Métropole en charge des grands projets d’aménagement urbains, « la pollution dans le centre-ville est devenu un problème de santé publique », et le gouvernement mis en demeure par le Conseil d’Etat d’agir pour la qualité de l’air.
Michel Duchène rappelle que la circulation automobile génère des particules fines (notamment les PM10) très nocives pour les personnes à la santé fragile, et contribue au changement climatique.
Libérer le pont de pierre des voitures est aussi une « mesure de santé publique » pour prévenir les accidents, estime Sébastien Dabadie, directeur des infrastructures et des déplacements de Bordeaux Métropole :
« Avec l’augmentation du trafic vélo (+40% entre 2016 et 2015, soit 7000 cyclistes par jour, NDLR) et les promeneurs de plus en plus nombreux à faire la balade entre le pont de pierre et le pont Chaban-Delmas, on voit une augmentation des accidents corporels. Désormais, les voies de circulation seront réservés aux vélos, aux bus, aux taxis et aux véhicules de secours, et les trottoirs seront rendus aux piétons. »
Ce sera aussi le cas sur l’avenue Thiers, où les cyclistes seront déplacés sur la voie de bus, afin d’éviter les accrochages avec les voitures aux carrefours.
Pour Michel Duchène, réserver le pont de pierre aux modes doux va par ailleurs renforcer l’attractivité de la ville, en améliorant à la fois sa qualité de l’air et son image. La motivation principale de l’expérience n’est en tous cas pas l’état du pont de pierre, et les travaux de rénovation de ceux-ci.
3 – Éviter le pont de pierre, un chemin de croix pour les voitures ?
Paradoxalement, la fermeture du pont aux véhicules motorisés est censée « améliorer la fluidité dans le centre de Bordeaux et la rive droite », assure la métropole. Pourquoi ? Parce que « 33% des automobilistes passant par le pont de pierre viennent d’une commune située hors de la métropole, alors qu’il est dans leur intérêt d’emprunter un autre pont », indique Jérôme Siri, maire adjoint de la Bastide. En déviant leur itinéraire vers les autres ponts, ils soulageront ainsi le trafic dans tout le centre
« A chaque fois qu’on ferme une voie à la circulation une bonne partie du trafic automobile disparait, et une autre emprunte un autre itinéraire », affirme Michel Duchène. Sans forcément créer de thrombose sur les autres axes, selon les études prospectives de la métropole :
« Les conditions de circulation devraient rester bonnes sur le pont Saint-Jean, franchissement sur lequel se reporteront majoritairement les véhicules qui empruntaient jusqu’alors le pont de pierre. Les modélisations réalisées montrent également une amélioration de la circulation sur le pont Jacques-Chaban-Delmas mais aussi rive droite, quai de Brazza et avenue Thiers, assortie d’une hausse modérée du trafic sur l’axe Joliot Curie et les quais rive gauche. »
Afin d’anticiper d’éventuelles difficultés lors des levées du pont Chaban-Delmas, l’agglo a notamment travaillé avec la capitainerie du port pour réduire le temps de fermeture à la circulation, passée de deux heures à un peu plus d’une heure.
Surtout, sachant que 60% de déplacements de moins de 2 km se font aujourd’hui en voiture, Michel Duchène veut croire que la fermeture du pont donnera « un signal pour changer de mode de transports » : la métropole parie ainsi sur un report modal de 5000 automobilistes (sur 15000 empruntant chaque jour le pont de pierre actuellement) vers la marche, le vélo, le covoiturage, le tram et les bus.
Pourtant, la métropole ne prévoit pas d’accompagner la fermeture du pont par un renforcement de l’offre en transports en communs.
« La ligne de bus 45 (place Ravezies – place de la République via la rive droite, NDLR) constitue un premier renfort, répond Sébastien Dabadie. Beaucoup de gens l’évitent car il met 8 à 10 minutes rien que pour traverser les 500 mètres du pont de pierre. Et des usagers du tram préfèreront le vélo, ce qui va générer des capacités dans le tramway. »
4 – Une expérience sans marche arrière possible ?
Alain Juppé a présenté d’emblée l’interdiction du pont au voiture comme une expérimentation susceptible d’être interrompue à tout moment si elle n’était pas concluantes. Aujourd’hui, il y a trois alternatives possibles, selon son adjoint Jérôme Siri :
« Fin septembre, soit nous prolongeons l’expérience car nous avons besoin de données supplémentaires sur les effets sur la circulation, sur la qualité de l’air ou le chiffre d’affaires des commerçants de la Bastide. Soit nous arrêtons car ça ne marche pas. Soit nous entérinons car c’est un succès. »
Sont prévus un suivi quotidien des trafics automobiles sur les trois ponts et les principaux axes, tout comme une analyse des temps de parcours et de la présence des principaux polluants dans l’air.
« Mais cela se jouera d’abord sur l’utilisation du pont, si les gens sont heureux d’avoir un espace dégagé, de l’emprunter », juge Michel Duchène.
La fermeture du pont de pierre sera dans tous les cas un bon test grandeur nature pour les nouvelles zones à circulation restreintes que la métropole s’est engagée à créer pour lutter contre la pollution atmosphérique. Une concertation va démarrer sur ce sujet, pour une création de ces ZCR fin 2018.
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