Le 15 avril 2013, sur le site Bordeaux-Lac, le Maire de Bordeaux posait la première pierre d’un futur Grand Stade devant accueillir 43 000 spectateurs au printemps 2015.
A l’heure où le gotha du sport-spectacle et du béton-industriel s’extasiait devant cet évènement, les écologistes bordelais plantaient à proximité immédiate un arbre. Pas n’importe quel arbre : un poirier.
Un jeune poirier frêle et encore chétif, un poirier rebelle, face à l’immensité de la gabegie de ces grands projets inutiles et coûteux.
Mais pourquoi avoir choisi un poirier ?
Dans la Chine ancienne, le poirier est le symbole de la bonne gouvernance et d’une bienveillante administration…
Ainsi, ce choix horticole symbolise la réaction nécessaire face à une mauvaise gouvernance et une administration dispendieuse des deniers publics.
Un poirier pour les « bonnes poires » ?
Un poirier en fleur, figure de la générosité printanière, est aussi emblématique des « bonnes poires » que sont les contribuables bordelais qui devront payer 17 millions d’euros pour la construction du stade mais aussi un loyer de 3,6 millions d’euros pendant 30 ans soit un total de 125 millions d’euros !
Et ce, pour un équipement surdimensionné, utilisable seulement 35 jours de divertissement par an ! (25 jours pour le foot et 10 jours pour d’autres manifestations).
Cet arbuste fruitier symbolise également notre réprobation outrée de la destruction d’une surface de plus de 10 hectares classée Zone Naturelle d’Intérêt Ecologique Faunistique et Floristique, située en partie en zone humide, sur un ancien secteur de marais, occupé par des activités agricoles jusqu’en 1981 et devenu, au fil des ans et des constructions du quartier, une zone de remblai par des matériaux issus du BTP.
Disparition de terres fertiles
Aujourd’hui, nombre de métropoles se rêvent en ville verte et durables, et des initiatives se font jour un peu partout pour promouvoir une agriculture urbaine.
Pendant ce temps, ici, ce sont des terres alluvionnaires qui auraient pu être réhabilitées pour des activités agricoles, qui sont bétonnées et bitumées.
Si l’on songe que sur le territoire de la Communauté Urbaine, autrefois riche en zones maraîchères, nous n’avons aujourd’hui sur l’année qu’une seule journée d’autonomie alimentaire, ce gaspillage est paradoxal.
Depuis que nous l’avons planté, nous rendons régulièrement visite à notre poirier-rebelle, en toutes saisons, l’arrosoir à la main, toujours aussi navrés d’assister passivement à la poursuite des dégâts floristiques et faunistiques causés par les travaux du voisinage.
Il a fière allure, notre valeureux arbuste, il pousse bien mais pas aussi vite, hélas, que son encombrant voisin qui rêve de lui faire de l’ombre. Notre poirier ne sauve-t-il pas l’honneur d’une nature bafouée sur l’autel d’un affairisme conquérant ?
Un affairisme qui a conquis les règles du jeu footballistique devenues plus financières que sportives.
Une situation inédite qui fait dire justement à Michel Serres :
« A la glorieuse incertitude du sport a succédé la honteuse certitude de l’argent ».
Au final, cet arbre est important pour nous car il témoigne d’un choc des cultures, une confrontation qui nous a opposé au maire de Bordeaux dès le départ du projet.
Car, de quoi nos agglomérations auront-elles le plus besoin dans les années qui viennent ?
D’une couronne bétonnée de grandes surfaces commerciales et d’immenses équipements surdimensionnés, ou d’une ceinture verte réconciliant les citadins avec une nature imprudemment écartée de la ville ?
Nous sommes convaincus que, dans le futur, les villes qui auront su préserver leurs ressources naturelles et protéger leur périphérie verte l’emporteront sur celles qui auront sacrifié de telles richesses.
Dans cette compétition, la ville de Bordeaux est en train de disqualifier une partie de son territoire, en dilapidant son patrimoine naturel.
« Pour qu’un écologiste soit élu président, il faudrait que les arbres votent », disait Coluche.
Notre poirier-rebelle ferait surement un excellent électeur.
Pierre Hurmic
Conseiller municipal EELV de Bordeaux
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