En 2014, et selon la loi de l’offre et de la demande, le prix de la truffe se négocie chez les professionnels entre 400 et 500 euros le kilo. Un cours deux fois moins élevé qu’en 2013, année où le prix était de 800 euros le kilo en moyenne. Cette chute des prix s’explique par une production en hausse de 30 à 40 % par rapport à l’année dernière. De son côté, la production espagnole a littéralement doublé. Ce prix est pourtant encore trop élevé par rapport à la quantité et la qualité de la truffe noire, estime Pierre-Jean Pebeyre, directeur d’une société familiale fondée en 1897 dans le Lot.
La truffe du Périgord ne se trouve pas qu’en Périgord
La truffe noire du Périgord est une appellation botanique qui ne garantit pas la région d’origine : comme les champignons de Paris ne descendent pas forcément de la capitale, elle n’est pas uniquement produite dans le Périgord. La truffe noire ou truffe du Périgord, en latin Tuber melanosporum, se trouve dans les sols calcaires du Périgord mais aussi dans ceux du Vaucluse, du sud de la Drôme, du Lot et, en général, dans les sols du sud-est de la France (Gard, Bouches-du-Rhône, Alpes-de-Haute-Provence et Var).
Mais on la trouve également au Maroc, en Italie, en Croatie, en Slovénie et en Espagne, ce dernier étant un important pays fournisseur de truffes pour la France.
Moins de bétail, moins de bergers, moins de truffes
En France, la production annuelle de la truffe noire a chuté en un siècle passant de huit cents tonnes à une petite quinzaine de tonnes ces dix dernières années (une moyenne décennale, pour s’affranchir des aléas climatiques qui influent beaucoup sur la production). Cela est dû, selon Pierre-Jean Pebeyre à la disparition de l’agropastoralisme et la montée de l’exode rural.
« Nous sommes passés de millions d’hectares à des milliers d’hectares. Les terres ne sont plus courues par le bétail qui répandait ses matières organiques. L’exploitation naturelle par les bergers est en voie de disparition et l’ensemencement naturel aussi. La truffe a fui les mains des paysans pour celles des citadins, qui, à défaut de pouvoir la faire vivre et cultiver, ils exploitent sa mort. Car c’est bien de mort qu’il faut parler. »
Les confréries : des parodies de folklore
Ce que Pierre-Jean Pebeyre entend par exploiter la mort de la truffe, c’est l’existence des confréries aux « habits pompeux et ringards » qui ne sont que des parodies de folklores. « Signe que la truffe est morte ». Parce que si la truffe n’était pas chère, tout ce cirque n’existerait pas.
« Elle n’avait jamais encore eu ce statut de produit d’hyperluxe qu’elle a depuis une vingtaine d’années, . Son caractère exceptionnel était lié à son étrangeté et à ses qualités gustatives. Aujourd’hui, l’exceptionnel est lié avant tout à son prix et à sa rareté. On assiste, désemparé et démuni, à l’exploitation d’une image fantasmée qu’elle n’avait jamais encore projetée. Après avoir appartenu au monde du rêve et du plaisir, elle sombre aujourd’hui dans le monde du faux. »
« Faux folklore, fausse histoire, faux discours sur son développement — on trouve même de faux producteurs. On ne l’appelle plus truffe mais « melano », pour faire connaisseur. On ne plante plus d’arbres truffiers mais des arbres mycorhizés. On ne cherche plus à produire des truffes pour en vivre, on plante des arbres pour être trufficulteur. On plante, pour s’occuper pendant quelques week-ends à la campagne. »
La truffe : un piège à subventions
Pierre-Jean Pebeyre s’en prend au marketing mal fait, à la légende qu’on veut construire autour de la truffe. Il regrette aussi l’imposition forfaitaire pour les cueilleurs qui leur reconnaît ainsi la non-déclaration de tous leurs revenus. Il trouve aberrantes les subventions inutiles aussi bien dans la promotion de la filière que dans la recherche.
« Puisque la truffe disparaît, il faut occuper le vide en faisant d’elle une chose compliquée, en lui retirant sa place parmi les légumes. Elle devient une icône, un vecteur publicitaire ; elle ne sert plus qu’à vendre du tourisme, une gastronomie du vin, des laboratoires de recherche. Elle devient un piège à subventions… Un chêne truffier est vendu 10 à 12 euros le plant. Il est subventionné à 50 % par l’État. Alors qu’un arbre truffier, je vous en fais à moins de 2 euros. Et pas forcément un chêne. Le charme, le pin d’Alep ou le tilleul sont aussi de bons arbres truffiers. »
Les particuliers ne doivent pas acheter des truffes sur un marché
Que l’on se rassure, le patron de la maison Pebeyre aime et chérit la truffe. Elle est pour lui un produit « simple » et merveilleux qui, si on l’utilise simplement, peut encore procurer d’immenses plaisirs. Avec le consommateur, il partage des secrets et des conseils dans le Manuel de la truffe qu’il vient de signer (aux éditions Féret). Il invite le particulier à ne pas se risquer dans les marchés sauf pour une balade, car pour en acheter, il vaut mieux s’adresser à un revendeur professionnel.
« La truffe sur les marchés n’est pas brossée, elle est pleine de terre. Quelqu’un qui ne s’y connaît pas va se faire avoir. »
Tout comme pour la cuisiner, il livre beaucoup de recettes dans son ouvrage. Il insiste pour ne pas la mélanger à l’huile d’olive, ce qui explique que dans le sud de la France, région qui fournit pourtant le plus gros de la production française, la cuisine autour de la truffe ne s’est pas développée, contrairement au Sud-Ouest.
Il rappelle une règle pour bien en apprécier le goût : « Il faut mettre 10 à 15 grammes par personne. Sinon, vous allez chercher le goût en mangeant et vous n’en profiterez pas ». Car, pour lui, il n’y a pas plus cher qu’un plat où il n’y a pas assez de truffe.
Chargement des commentaires…