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Le vin reconnu patrimoine : le verre est à moitié plein

La commission des Affaires économiques du Sénat a adopté, mercredi 19 février, un amendement reconnaissant le vin comme partie du patrimoine culturel, gastronomique et paysager français. Cet amendement est introduit dans l’examen du projet de loi d’avenir pour l’agriculture qui sera débattu en séance publique à compter du 8 avril 2014.

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Le vin reconnu patrimoine : le verre est à moitié plein

(Photo DR)
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Sur les réseaux sociaux, les partages de la nouvelle ressemblaient à des cris de victoire. Les défenseurs du patrimoine viti-vinicole en France et tous ceux qui s’inquiètent d’un durcissement des règles vis-à-vis de la communication sur le vin dans notre pays pensent que l’affaire est dans le sac. Ils préfèrent en tout cas voir le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide, même si Bruno Boidron appelle à la prudence. Le directeur des éditions Féret et observateur averti du monde du vin déclare :

« La partie n’est pas gagnée, ce ne serait pas la première fois qu’un amendement du Sénat se ferait retoquer par l’assemblée. »

La commission des Affaires économiques du Sénat a prévu la reconnaissance de la vigne et du vin dans le patrimoine national, renforcé le droit d’opposition de l’Institut national de l’origine et de la qualité (INAO) sur les dépôts de marques commerciales et facilité la communication sur les produits frais dans les médias publics.

Le vin : patrimoine culturel, gastronomique et paysager de la France

Devant la commission, le rapporteur du projet de loi, Didier Guillaume (PS) a indiqué que le texte devrait encore évoluer durant la discussion en séance publique au mois d’avril, notamment sur les questions d’affiliation au régime social agricole et de registre de l’agriculture, sur la question des relations commerciales avec la grande distribution et sur la simplification des normes, indispensable pour le monde agricole.

L’amendement sur le vin retenu est celui du sénateur (PS) de l’Aude, Roland Courteau, qui a déjà déposé il y a quelques mois une proposition de loi visant à affirmer que le vin fait partie intégrante du patrimoine culturel et gastronomique français. Il s’agit de reconnaitre que « le vin, produit de la vigne, et les terroirs viticoles font partie du patrimoine culturel, gastronomique et paysager de la France ».

Un amendement similaire de l’UMP, porté par Gérard César (Gironde) et Raymond Couderc (Hérault), a également recueilli un avis favorable de la part de Didier Guillaume, sous réserve que le texte soit conforme à celui proposé par Roland Courteau. L’Aude, la Gironde et l’Hérault sont des départements grands producteurs de vin.

Rendre au vin sa dignité

En plus de donner à l’œnotourisme une notoriété et le protéger de l’urbanisme croissant, d’insister sur la protection des paysages et de l’architecture du vin, Roland Courteau veut enfin qu’il soit rendu à cette tradition française bimillénaire ses lettres de noblesse et une place digne dans la gastronomie française. Joint par Rue89 Bordeaux, son idée est fixe :

« Le vin fait partie de l’art de vivre à la française. C’est d’abord notre identité et notre histoire. C’est une richesse incomparable que le monde entier nous envie. C’est le rayonnement de la France. A vouloir dénigrer cette évidence, on se tire une balle dans le pied. »

Ce qui chagrine en particulier le Sénateur socialiste, c’est la mauvaise image que certains veulent donner au vin en France. C’est ce qu’il appelle le « lobby anti-vin » :

« Ces personnes encourage une prévention en voulant rendre le vin responsable de tous les maux. Dans les publicités pour la prévention, il y a toujours un verre de vin ! Alors qu’il y a des alcools beaucoup plus forts qui font des ravages. Certaines marques vont à la rencontre des jeunes dans les bars de nuit. L’INSERM a récemment tiré la sonnette d’alarme en dénonçant ces pratiques. Et rien n’est fait. »

« Grâce à cet amendement, nous engageons un réel processus pour la protection du vin et sa réhabilitation face aux attaques dont il est l’objet et aux amalgames avec les autres boissons alcooliques. »

[NDLR : Nous avons recherché le rapport de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale – INSERM – concernant la pratique des marques de boissons alcoolisées. Nous n’avons trouvé que cette mention, page 26, dans cette étude datant du 4 février 2014 intitulée : « Conduites addictives chez les adolescents« . Cette mention alerte sur « la promotion sur les prix des boissons, les cadeaux contre achats, les jeux-concours, les soirées “open bar” ».]

Savoir boire, savoir vivre

Vivant au quotidien la dimension culturelle du vin, Bruno Boidron voit dans l’adoption définitive attendue de l’amendement un pas dans le bon sens, c’est à dire la reconnaissance d’un statut pour le vin autre que celui des alcools qui servent au « binge drinking ».

« Cette reconnaissance viendra souligner 20 ou 30 années de retard sur nos amis Québecois et leur concept “Savoir boire, savoir vivre”, une quinzaine d’année de retard par rapport à nos voisins espagnols où le vin a un statut d’aliment. Cette reconnaissance constituera la réparation d’un oubli vis-à-vis du plus beau fleuron de l’agriculture française à savoir la vini-viticulture.”

Christophe Château, responsable de la communication au Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux (CIVB), reprend les mêmes termes et salue dans cette décision un geste symbolique qui mettrait fin à la diabolisation du vin.

« Derrière le vin, il n’y a pas qu’une boisson alcoolisée. Il y a aussi un volet important de l’économie française. Ces 12 derniers mois, le vin de Bordeaux représente 2,3 milliards d’euros à l’export. »

Anne Cusson, directrice communication de Vinexpo, rappelle qu’il s’agit du « deuxième produit français à l’exportation » :

« A l’étranger, on s’étonne du peu de valorisation du vin en France. Peut-être que considérer le vin comme patrimoine culturel et gastronomique va permettre de clarifier la place du vin au sein de la loi Evin. »

L’épouvantail de la loi Evin

Parmi les souvenirs douloureux causés par la loi Evin, l’affaire de la campagne de communication à destination du public français, lancée par le CIVB en 2004, reste dans les mémoires. Évitant de mettre en scène des consommateurs, elle choisit les acteurs de la filière vin : des viticulteurs. Attaqué en justice, le CIVB perd la bataille.

Durcissement de la loi Évin, répression sur les réseaux sociaux, hausse de la fiscalité : tout une batterie de mesures coercitives contre le vin provoque des signaux négatifs. Anne Le Naour, directrice technique chez CA Terroirs et Châteaux, voit enfin un signal positif dans la décision du Sénat.

« On remplace enfin le vin dans un contexte différent. Le plus difficile pour nous les professionnels n’est pas forcément la prévention de l’alcool au volant et la répression routière qui en découle. Nous sommes bien évidement pour une consommation responsable, pour une alcoolémie 0 % au volant. Nous avons seulement du mal à communiquer, nous avons du mal à informer, nous sommes privés des moyens de communication qui accompagnent habituellement un produit prestigieux comme le vin. »

Enseigner le vin à l’école ?

Tout comme Roland Courteau, Marc Lagrange, chirurgien digestif au Centre hospitalier de Nevers et auteur de plusieurs ouvrages sur le vin et la santé, préconise la prévention dès l’école :

« Il faut enseigner la culture du vin dans les écoles. C’est ce qui éloignera les jeunes de l’alcoolisme et servira la sécurité routière. Il y a une culture qu’il faut transmettre. Que serait la littérature sans le vin chez Baudelaire, Musset ou Zola ? Que serait l’art lyrique chez Verdi ? Le vin, c’est notre culture. Transmettre une noble définition fera changer les mœurs. »

Si cet enseignement dissociait la consommation du vin des effets néfastes du binge drinking, en encore de la récente mode de Neknomination, il contribuera surtout à privilégier la qualité plutôt que la quantité. Selon Marc Lagrange, le vin pourra ainsi reprendre sa place de breuvage bon pour l’homme.

« Depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours, on dit la même chose de façons différentes : bu avec modération, le vin est bon pour la santé, pour les artères, pour la fluidité du sang, pour combattre le mauvais cholestérol… Et il ne faut pas oublier ce que disait Alexander Fleming : “C’est la pénicilline qui guérit les hommes mais c’est le bon vin qui les rend heureux”. »

En attendant courant avril – très logiquement après les élections municipales –, et en espérant le vote et la confirmation de la loi globale dans laquelle s’inscrit l’amendement concernant le vin, les acteurs du vin à Bordeaux ne cachent pas leur joie et s’accordent tous à trouver là une bonne nouvelle. Même si le verre est à moitié vide, c’est tout de même une occasion pour trinquer. Tchin !


#Économie

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Photo : WS/Rue89 Bordeaux

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