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Alain Juppé : le sacre du printemps

Alain Juppé, réélu maire de Bordeaux dès le premier tour : l’affaire semblait pliée depuis quelques semaines déjà, mais nul ne se serait aventuré à pronostiquer un tel score – près de 61% des voix. Surtout pas en juin dernier, lors de l’annonce de la candidature de son principal opposant, Vincent Feltesse, président socialiste de la Communauté urbaine de Bordeaux, que beaucoup imaginaient alors atteindre le second tour. La victoire s’est finalement avérée écrasante. Récit d’une soirée électorale, au cœur de l’Hôtel de Ville de Bordeaux.

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Alain Juppé : le sacre du printemps

(Anne Chaput/Rue89 Bordeaux)
(Anne Chaput/Rue89 Bordeaux)

Bientôt 20h, fermeture des bureaux de vote bordelais et ouverture des salons de l’Hôtel de Ville où se précipitent, comme à chaque élection, de nombreux contribuables alléchés par un copieux buffet et une animation plus intéressante que les programmes télévisuels du dimanche soir. Sous les dorures du Palais Rohan, cela sent littéralement le pâté, mais pas pour Alain Juppé que tous imaginent déjà gagnant, qu’ils soient « de droite » ou « de gauche », convaincus que le maire sortant, « le moins pire de l’UMP », a transformé Bordeaux d’une façon qui mérite d’être récompensée.

20h30, les journalistes commencent à s’impatienter. Devant une forêt de caméras érigée sur une estrade, les correspondants des chaînes nationales attendent d’être sollicités pour commenter les résultats bordelais dont ils ne disposent pas encore officiellement. Les premières estimations circulent sous le manteau. Alain Juppé est donné vainqueur à plus de 55%. Impossible de divulguer des chiffres fiables, alors que le dépouillement est toujours en cours. Le buffet est en train de se faire dépouiller lui aussi : chips, fromages, rôtis, pâtés, arrosés de vin rouge par la foule qui a envahi la mairie et attend de pied ferme la vedette de la soirée.

Chips, fromage, rôti… Comme à chaque élection, la mairie de Bordeaux a proposé, dimanche soir, un buffet roboratif à ses contribuables. (AC/Rue89 Bordeaux)

Le cliché à ne pas rater

20h40, les photographes se précipitent à l’entrée du Palais Rohan, informés de l’arrivée imminente d’Alain Juppé. Ils se préparent à prendre une photo qui n’aura qu’une « durée de vie limitée », selon l’un d’eux, (« deux heures à tout casser »), mais qu’ils ne peuvent pas se permettre de rater, au cas où il se passerait « quelque chose ». Alain Juppé sort d’une voiture, accompagné de son épouse. Il consulte son téléphone en se caressant le crâne, plutôt détendu. Les flashes crépitent. Le maire ralentit l’allure pour se prêter au jeu. L’essaim traverse la cour de la mairie, s’arrête au pied de l’escalier qui mène à l’étage où se rend Alain Juppé, d’un pas décidé. L’effervescence retombe.

Une dizaine de photographes ont guetté l’arrivée d’Alain Juppé à la mairie de Bordeaux (AC/Rue89 Bordeaux)

C’est l’attente de nouveau. Un journaliste de Paris Match est là avec un photographe, preuve s’il en fallait que le maire de Bordeaux est actuellement une valeur sûre à l’échelle nationale, susceptible d’intéresser les foules, de rassurer les électeurs d’une droite perturbée par les affaires, en quête d’une référence au-dessus des clivages et des remue-ménages. Vers 21h, le bruit commence à courir selon lequel la CUB repasserait à droite. Un quart d’heure plus tard, cela se précise : Le Taillan, Artigues, Ambès gagnés par les candidats du groupe Communauté d’Avenir. Enfin, l’attachée de presse de la mairie, toujours efficace, signale qu’il faut se replier sur la salle réservée à la presse, où le maire réélu va faire un premier discours.

La « plus belle victoire » d’Alain Juppé

21h40, il faut courir pour ne pas rater le coche. Alain Juppé annonce sa victoire avec près de 60% des voix (le meilleur score qu’il ait jamais réalisé à Bordeaux), mais surtout confirme ce que tout le monde pressentait : l’agglomération bordelaise va retomber dans le giron de la droite. Sous les applaudissements de ses colistiers et de son équipe de campagne, le maire réélu semble sincèrement ému, les yeux rougis par l’événement. Il se dirige vers la foule qui l’attend un peu plus loin, dans un autre salon.

Émotion palpable pour le maire de Bordeaux, réélu pour un quatrième mandat (AC/Rue89 Bordeaux)

21h50, nouveau discours – à peu près le même – devant des électeurs repus et ravis, qui apprennent à leur tour que leur maire a de fortes chances de diriger de nouveau la CUB dans quelques semaines. Alain Juppé les remercie pour « la joie » qu’il éprouve, annonce qu’il sera « le maire de tous les Bordelais » et se retire pour « boire un peu de champagne », tandis qu’une fanfare se met à jouer sous les lustres du Palais Rohan, en écho aux origines landaises du candidat victorieux.

La fête en petit comité

22h, c’est désormais à l’étage que « ça se passe ». Un vigile se charge de faire le tri, tandis que le journaliste de Paris-Match essaie de convaincre une adjointe d’Alain Juppé de l’escorter jusqu’au Saint-Graal, étape indispensable au papier qu’il est en train de concocter. Nous parvenons à nous frayer un chemin jusqu’au bureau du maire, mitoyen de celui de son directeur de cabinet et de campagne, Ludovic Martinez, qui bénéficie d’une ovation de son équipe en train de trinquer au champagne.

Ludovic Martinez, directeur de cabinet d’Alain Juppé, a été félicité pour son action de directeur de campagne de cette élection (AC/Rue89 Bordeaux)

Après s’être prêté au jeu des « selfies » avec ses plus jeunes partisans, le maire consulte ses messages sur son téléphone portable et annonce en souriant qu’il va se coucher « sur ordre du docteur Brugère », l’un de ses colistiers, déjà élu lors du précédent mandat. D’autres tentent de s’habituer à leur nouvelle casquette de conseiller municipal, bizuths enthousiastes affirmant qu’ils vont « faire la fête ce soir avant de se mettre au travail dès demain ». Isabelle Juppé s’attarde un peu. Dans un couloir, on croise le n°2 de la liste Lutte Ouvrière en quête des résultats officiels de l’élection qu’il n’arrive pas à obtenir. « On se croirait dans un gala d’école de commerce », nous confie-t-il, éberlué.

Alain Juppé en train de consulter ses messages (AC/Rue89 Bordeaux)

« J’irai au bout de mes rêves »

23h10. Alors que la mairie se vide peu à peu, l’équipe d’Alain Juppé se rassemble sur la terrasse du Café Rohan où débarque – surprise du chef – le maire qui, visiblement, s’est attardé. Offrant aux photographes un cliché de choix, Alain Juppé se met à siroter une bière, accueillant pendant quelques minutes son épouse sur ses genoux. Sans finir son demi, il disparaît enfin pour de bon, laissant ses colistiers chanter leur joie et retourner, in fine, dans les salons de la mairie où s’improvise une « boum » endiablée. Il est plus de minuit quand on quitte les lieux sur les paroles de Jean-Jacques Goldman : « J’irai au bout de mes rêves ». Alain Juppé est-il allé au bout des siens ?

L’équipe d’Alain Juppé s’est attardée à la mairie de Bordeaux jusque tard dans la nuit pour célébrer la victoire (AC/Rue89 Bordeaux)

#Alain Juppé

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