Le mercredi 19 février, la commission des Affaires économiques du Sénat avait adopté un amendement reconnaissant le vin comme partie du patrimoine culturel, gastronomique et paysager français. Cet amendement, introduit dans l’examen du projet de loi d’avenir pour l’agriculture qui a été débattu en séance publique, vient d’être définitivement adopté par le Sénat. C’est un soulagement et un signal positif pour la filière qui n’en finissait pas de subir un durcissement des règles vis-à-vis de la communication sur le vin en France.
Le vin : patrimoine culturel, gastronomique et paysager de la France
L’amendement sur le vin est celui du sénateur (PS) de l’Aude, Roland Courteau, qui a accordé un entretien à Rue89 Bordeaux après l’adoption de son amendement le 19 février 2014.
En plus de donner à l’œnotourisme une notoriété et le protéger de l’urbanisme croissant, d’insister sur la protection des paysages et de l’architecture du vin, Roland Courteau se battait pour qu’il soit rendu à cette tradition française bimillénaire ses lettres de noblesse et une place digne dans la gastronomie française.
« Le vin fait partie de l’art de vivre à la française. C’est d’abord notre identité et notre histoire. C’est une richesse incomparable que le monde entier nous envie. C’est le rayonnement de la France. A vouloir dénigrer cette évidence, on se tire une balle dans le pied. »
« Grâce à cet amendement, nous engageons un réel processus pour la protection du vin et sa réhabilitation face aux attaques dont il est l’objet et aux amalgames avec les autres boissons alcooliques. »
Devant le Sénat, Roland Courteau a été chaleureusement applaudi après la défense de son amendement :
« Le vin exprime un patrimoine vivant, il fait partie du patrimoine culturel, littéraire mais également gastronomique, paysager, architectural, matériel, économique et social, aussi bien sûr avec des centaines de milliers d’emplois. »
Savoir boire, savoir vivre
Vivant au quotidien la dimension culturelle du vin, Bruno Boidron, directeur des éditions Féret spécialisées dans les publications viti-vinicoles, voit dans l’adoption définitive de l’amendement un pas dans le bon sens, c’est à dire la reconnaissance d’un statut pour le vin autre que celui des alcools qui servent au « binge drinking ».
« Cette reconnaissance vient souligner 20 ou 30 années de retard sur nos amis Québecois et leur concept “Savoir boire, savoir vivre”, une quinzaine d’année de retard par rapport à nos voisins espagnols où le vin a un statut d’aliment. Cette reconnaissance constituera la réparation d’un oubli vis-à-vis du plus beau fleuron de l’agriculture française à savoir la vini-viticulture.”
Questionnés en février 2014, Christophe Château, responsable de la communication au Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux (CIVB), rappelait que :
« Derrière le vin, il n’y a pas qu’une boisson alcoolisée. Il y a aussi un volet important de l’économie française. Ces 12 derniers mois, le vin de Bordeaux représente 2,3 milliards d’euros à l’export. »
Anne Cusson, directrice communication de Vinexpo, fait valoir le « deuxième produit français à l’exportation » :
« A l’étranger, on s’étonne du peu de valorisation du vin en France. Peut-être que considérer le vin comme patrimoine culturel et gastronomique va permettre de clarifier la place du vin au sein de la loi Evin. »
Prévention et santé
Après le durcissement de la loi Évin, la répression mise en place sur les réseaux sociaux et la hausse de la fiscalité, Anne Le Naour, directrice technique chez CA Terroirs et Châteaux, se réjouit d’un signal positif dans la décision du Sénat.
« On remplace enfin le vin dans un contexte différent. Le plus difficile pour nous les professionnels n’est pas forcément la prévention de l’alcool au volant et la répression routière qui en découle. Nous sommes bien évidement pour une consommation responsable, pour une alcoolémie 0 % au volant. Nous avons seulement du mal à communiquer, nous avons du mal à informer, nous sommes privés des moyens de communication qui accompagnent habituellement un produit prestigieux comme le vin. »
Tout comme Roland Courteau, Marc Lagrange, chirurgien digestif au Centre hospitalier de Nevers et auteur de plusieurs ouvrages sur le vin et la santé, préconise la prévention dès l’école :
« Il faut enseigner la culture du vin dans les écoles. C’est ce qui éloignera les jeunes de l’alcoolisme et servira la sécurité routière. Il y a une culture qu’il faut transmettre. Que serait la littérature sans le vin chez Baudelaire, Musset ou Zola ? Que serait l’art lyrique chez Verdi ? Le vin, c’est notre culture. Transmettre une noble définition fera changer les mœurs. »
Si cet enseignement dissociait la consommation du vin des effets néfastes du binge drinking, en encore de la récente mode de Neknomination, il contribuera surtout à privilégier la qualité plutôt que la quantité. Selon Marc Lagrange, le vin pourra ainsi reprendre sa place de breuvage bon pour l’homme.
« Depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours, on dit la même chose de façons différentes : bu avec modération, le vin est bon pour la santé, pour les artères, pour la fluidité du sang, pour combattre le mauvais cholestérol… Et il ne faut pas oublier ce que disait Alexander Fleming : “C’est la pénicilline qui guérit les hommes mais c’est le bon vin qui les rend heureux”. »
Cet amendement fait partie d’un projet de loi sur l’avenir de l’agriculture qui est à l’étude depuis mercredi devant le Sénat. L’examen de la loi devrait s’achever mardi.
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