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SCOP it ! Ces salariés propriétaires de leur entreprise

Construction bois, société de sondages, cabinet d’architectes… Les sociétés coopératives se multiplient dans tous les domaines en Aquitaine. En impliquant les salariés aux choix de l’entreprise, elles sont pérennes, et deviennent une option pour poursuivre une activité lorsque le patron part à la retraite.

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SCOP it ! Ces salariés propriétaires de leur entreprise

Les Scop (WS/Rue89 Bordeaux)
Aujourd’hui, les Scop concernent tous les secteurs (WS/Rue89 Bordeaux)

« Fonctionner en scop, c’est presque un choix politique », clame Jean-Louis Lagardère. Gérant-salarié de Nature bois, une entreprise d’Avesan (33) spécialisée dans la charpente et la construction de maison à ossature bois, il a opté pour ce statut en 2001. Ce qui lui plaît dans la scop ?

« On est dans le marché mais le côté humain est fondamental. Quand ça va bien, on partage les bénéfices et quand l’entreprise traverse une période plus difficile on se serre les coudes. »

Aujourd’hui, les sociétés coopératives et participatives sont encore minoritaires mais concernent tous les secteurs. Parfois loin de l’image d’ouvriers propriétaires de leur outil de travail, elles défendent un autre modèle qui redonne du sens au travail en incluant tout simplement les salariés dans la bonne marche de l’entreprise.

Travailler dans un autre état d’esprit

Les salariés-associés y détiennent en effet au moins 51% du capital et 65% des voix lors des assemblées générales. Régulièrement, ils se prononcent sur les grandes orientations de leur entreprise selon le principe, un salarié-associé=une voix. Un mode participatif qui se retrouve également au quotidien.

A Nature Bois, les 8 salariés se réunissent toutes les semaines pour discuter des chantiers en cours ou à venir. Un fonctionnement qui responsabilise les employés selon Jean-Louis Lagardère, le gérant de la Scop médocaine :

« Les salariés viennent travailler avec un autre état d’esprit, ils sont plus motivés et plus impliqués dans la vie de l’entreprise alors que dans le bâtiment, il est difficile de trouver des gens fiables. Quand je parle avec d’autres entrepreneurs, ils me disent d’ailleurs qu’ils ont beaucoup de mal à trouver des employés sérieux et motivés. »

Guillaume Gravery est dans l’entreprise depuis 10 ans, dont 3 en contrat d’apprentissage. Il explique ce qui le motive :

« On se responsabilise vite parce qu’on nous demande tout de suite notre avis, sur l’organisation du chantier, le recrutement de personnel. On peut aussi faire des propositions sur l’achat de matériel par exemple. Rien qu’au niveau financier, si on travaille bien on est récompensé. »

Un Atelier provisoire qui dure

Avoir son mot à dire et ne pas être qu’un simple exécutant est un aspect essentiel des sociétés participatives. Cet aspect a en tout cas pesé dans la balance pour les architectes de l’Atelier provisoire (l’une des deux Scop d’archi de Gironde avec la Fabrique à Bègles). Ils ont fait le choix de la Scop voici maintenant 10 ans.

Regroupant aujourd’hui 5 associés, l’Atelier est le prolongement naturel d’une façon de travailler que les membres fondateurs avaient adopté alors qu’ils étaient encore étudiants à l’Ecole d’architecture de Bordeaux.

Sur le campus, près d’une dizaine d’étudiants, avaient pris l’habitude de travailler ensemble dans une salle mise à disposition. Hélène Soubiran, une des cinq salariés-associés de la Scop bordelaise raconte :

« On faisait beaucoup de recherches avec des maquettes et cette espace commun nous permettait d’échanger des idées, des conseils et de se donner des coups de main sur des projets. »

Des prises de décisions longues et exigeantes

Un goût du collectif et une manière de travailler qu’ils ont gardé et qui se retrouve dans leur pratique du métier. Leurs projets, qui sont plutôt orientés vers les équipements collectifs ; écoles, logements ou foyer de jeunes par exemple, font l’objet d’échanges constants même si « c’est compliqué parce que la décision démocratique est longue et exigeante ».

Bien qu’encore marginales, les sociétés coopératives et participatives – anciennement société de coopération ouvrière de production – se développent (2165 sociétés coopératives en 2012 contre 1883 en 2008) et concernent aujourd’hui aussi bien le secteur du bâtiment que celui des services, où elles représentent 43% des entreprises.

Pas de profits à tout prix

D’après le ministère du Travail, il existe en 2014, une centaine de Scop en Aquitaine. Quotas, une société de sondages bordelaise, qui compte six salariés permanents dont quatre sont salariés-associés, est l’une d’entre elles. Elle s’est transformée en Scop en 2013 suite au départ à la retraite d’un des dirigeants qui avait déjà posé les jalons du modèle participatif en associant ses employés à la vie de l’entreprise.

Une manière de fonctionner qui a poussé Sandrine Sallaberry, l’actuelle gérante-salariée pressentie pour reprendre le flambeau, vers la société participative. Elle explique :

« On avait toutes le même profil ; on était toutes des nanas entre 40 et 50 ans avec des enfants et on partageait une dynamique commune. Je ne me voyais pas avoir une place plus importante que les autres, d’où l’idée de la Scop. Ce qui importait c’était qu’on pérennise nos emplois, d’avoir des salaires réguliers et pas forcément de faire des profits à tout prix, ce qui peux paraître paradoxal pour une société dans le marketing. »

Ni délocalisables, ni cessibles

Le but des Scop, qui sont avant tout des entreprises commerciales (en SA ou Sarl) est plus d’assurer la pérennité de l’emploi que de rémunérer le capital. Pas vraiment intéressantes pour les loups de Wall Street, ces entreprises ne sont en effet ni délocalisables, ni cessibles.

En moyenne, elles mettent en réserve 45% de leurs bénéfices. Des fonds qui servent à renforcer l’entreprise par le biais de l’investissement et en cas de coup dur. Des dividendes sont versés aux actionnaires mais avec 10% en moyenne, ils représentent la part la plus faible de la répartition des bénéfices.

Les Scop en redistribuent également 45% en moyenne sous forme de participation aux salariés-associés quand l’entreprise a dégagé suffisamment de bénéfices. A Quota par exemple, la première année d’exercice en scop (2013) n’a pas permis de verser cette part aux quatre salariés-associés.

Cette gestion démocratique où les décisions, les risques et les profits sont partagés leur permet de tirer leur épingle du jeu. Elles sont globalement moins fragiles avec un taux de pérennité à 3 ans de 82,5% contre 66 % pour les entreprises classiques et à 5ans les taux sont respectivement de 66,1% et 50%.

En France environ 70% des Scop sont créées ex-nihilo, 15% sont issues de la transformation d’associations et 15% d’entre elles le sont suite à une transmission d’entreprises saines (10%) ou à une reprise d’entreprises en difficulté (5%).

Une Scop aquitaine sur 4 issue d’une transmission/reprise d’entreprise

En revanche, en Aquitaine, la part de transmission /reprise est plus importante, 26% d’après l’union régionale des scop. Pour son président, Marc Amorena, la scop a des cartes à jouer dans ce défi qu’est la transmission /reprise d’entreprise :

« Les salariés ont une bonne connaissance de leur entreprise, c’est un atout et pour peu que le dirigeant ai déjà su déléguer les décisions, s’entourer des bonnes compétences et responsabiliser ses collaborateurs, la transmission est plus facile. »

La question est d’autant plus importante que la Chambre de commerce et d’industrie de Bordeaux estime à 30500 le nombre de chefs d’entreprises de 55 ans et plus dans la région. Des entreprises pour lesquelles la question de la transmission se posera dans un avenir proche.

« Si l’entreprise n’est pas cédée à temps, ce sont des emplois, du savoir-faire, de la production de richesse qui se perdent ainsi qu’une perte de dynamisme pour le territoire, » estime Chantal Gardé, conseillère d’entreprise pour la reprise et la transmission à la CCI. Autant dire que la question est d’importance au niveau économique.

N’est pas Scop qui veut

Pour prétendre au label Scop, l’entreprise fait l’objet d’un audit annuel ou quinquennal, appelé révision coopérative et qui est autant un outil de contrôle de la gestion et du respect des principes coopératifs qu’un outil de diagnostic et de propositions.

Le respect de ces critères permet d’être inscrit sur une liste établie chaque année par le ministère du Travail. Une liste qui permet si l’on y figure, l’exonération de l’ancienne taxe professionnelle aujourd’hui contribution économique territoriale(CET) et sous certaines conditions, une diminution de l’assiette de l’impôt sur les sociétés.

POUR SE RENSEIGNER
Union régional des Scop d’Aquitaine : 05 59 74 54 92 – uraquitaine@scop.coop
Transmission d’entreprises :
– Chambre de Commerce et d’Industrie de Bordeaux : 05 56 79 50 00
– Chambre des métiers et de l’artisanat Gironde : 05 56 99 91 00

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