A la veille de son concert, Alexis Legros est stressé. Seul sur la scène du Solarium, à Gradignan, il va interpréter au piano ses deux compositions. Il a 36 ans et la maladie de Parkinson. Il est « jeune » parkinsonien : 1 cas sur 20 parmi les 10 000 nouveaux diagnostiqués chaque année, souffre de cette affection neurologique avant l’âge de 60 ans. Alexis est pianiste depuis l’enfance, mais ses mains fines ne veulent plus jouer les morceaux de Chopin qu’il aimait interpréter. Il compose toujours, néanmoins.
« La maladie rend même plus créatif. On est plus productif. Certains font du bricolage, d’autres inventent ou écrivent des poèmes. »
Il est comme ça Alexis, à voir toujours le côté positif. Il continue donc à faire de la musique, et il chante. Sur scène, il interprètera aussi des morceaux de Jean-Jacques Goldman, Linda Lemay, Claude Nougaro…
« Les gens croient que je suis bourré alors que je n’ai jamais bu d’alcool de ma vie »
Les premiers signes de sa maladie apparaissent à ses 30 ans. Il vit alors à Pessac. En décembre 2007, il se met à boiter. Deux mois plus tard, cet informaticien droitier trouve plus pratique d’utiliser la souris avec la main gauche. C’est le signal déclencheur. Hospitalisé en juillet 2008, un neurologue comprend : c’est Parkinson. « Je me suis pris le ciel sur la tête », souffle-t-il.
Rapidement, sa maladie évolue. L’informaticien réduit son activité jusqu’à devoir s’arrêter en 2013. Physique mince voire frêle, il évite de céder à la dépression. Il garde le sourire, sans rien masquer.
« Pourquoi le cacher ? Quand je suis fatigué, à cause de ma démarche, les gens croient que je suis bourré alors que je n’ai jamais bu d’alcool de ma vie. Je préfère le dire, que les gens sachent que j’ai Parkinson. »
Crampes douloureuses tous les matins
Il connait des coups de fatigue et doit adapter son quotidien. Ainsi, il conduit moins qu’avant. « Je fais attention avec mon traitement. » Ses nombreux médicaments permettent de prévenir les pertes d’équilibre. Mais ils ne l’empêchent pas d’avoir des crampes douloureuses tous les matins et d’avoir la hanche ou la jambe qui lâchent de temps à autres.
Malgré tout, il s’occupe de ses deux filles et d’un fils de 9 mois. Dans sa famille, on connaît bien la maladie. Plusieurs parents ont déjà été touchés, et certains se sont inquiété lorsqu’il a annoncé la venue prochaine d’un nouveau né : ils craignaient qu’il transmette sa maladie. Une crainte que l’avis des médecins a contribué à dissiper.
Juste après son diagnostic, Alexis se rapproche de l’association France Parkinson en Gironde.
« Un gros choc, commente-t-il. J’étais l’intrus. Tous les autres avaient plus de soixante ans et me prenaient pour un aide-soignant ! Quand j’ai dit que j’étais malade, boum, gros silence dans la salle ! »
« L’ennemi à combattre, c’est l’enfermement »
S’il lui a fallu plusieurs années avant de revenir, désormais, Alexis est incontournable dans cette association fondée il y a trente ans.
« C’est le jeune qu’il nous faut ! », lance Jean-Bernard Proux, délégué départemental de France Parkinson en Gironde. Ce dernier veut en effet qu’Alexis aide « à faire sortir de l’ombre les jeunes parkinsoniens. J’en connais beaucoup qui cachent leur maladie dans leur milieu professionnel, qui sont en phase de déni, qui veulent résoudre leurs problèmes seuls, qui se referment sur eux-mêmes… L’ennemi à combattre c’est l’enfermement. »
Ensemble, ils mettent en place des rencontres de jeunes parkinsoniens. Alexis Legros explique :
« Nous n’avons pas les mêmes questions que les malades plus âgés. C’est plus compliqué quand on est diagnostiqué jeune, il faut gérer le couple, les enfants, la famille, le boulot. Les jeunes parkinsoniens n’osent pas en parler. Ils sont mal. Ils ont honte. »
Tous les mois, une poignée de personnes se réunit. L’association teste ce type de rencontres en Gironde.
Les gènes et les poisons
Parallèlement, en février dernier, Alexis Legros devient le visage de France Parkinson. L’association avait organisé des castings pour son prochain spot publicitaire, où Alexis s’est distingué. Il endosse le costume pour représenter les 150 000 personnes touchées par la maladie en France, et inciter les gens à donner à la recherche pour « libérer le mouvement ».
Deux facteurs sont à l’origine de sa maladie selon lui : son héritage génétique, et l’impact des pesticides. Le lien est aujourd’hui officiellement reconnu : les recherches ont montré que l’exposition aux pesticides doublait le risque de survenue de la maladie de Parkinson chez les agriculteurs.
« Je n’ai pas mangé bio tous les jours et quand je vivais à Saint-Médard-en-Jalles, on larguait des insecticides pas très loin de chez moi. »
Mais il ne se voit pas porter ce combat – « ce serait le pot de terre contre le pot de fer. » Pour son cas personnel, il fait confiance à la médecine traditionnelle mais aussi aux pratiques alternatives.
« Dans cinq ans, j’espère que tout ira mieux. Il faut que tous les malades gardent confiance dans les progrès de la recherche. À terme, on réussira à avoir cette maladie ! Le tout est de ne pas perdre espoir. »
« On nous suspecte parfois de jouer la comédie »
Cela ne l’empêche pas de démarcher les politiques. Il leur parle de ses conditions de vie actuelle, celle à venir et des lieux d’accueil adaptés qui n’existent pas pour les parkinsoniens. Il écrit au Président de la République, au ministre du Budget, à son député, au Défenseur des droits et s’est rendu début avril à l’Assemblée National pour rencontrer des députés en charge du projet de loi de santé publique qui devrait être débattu à l’été prochain. Mais il ne s’en vante pas :
« C’est un peu égoïste car c’est pour améliorer ma vie quotidienne au départ. Si ça peut être utile aux autres, tant mieux. »
Il tente de « ne plus penser tout le temps à la maladie et donc mieux la vivre ». Samedi au Solarium, ce sera aussi le cas, même s’il chante dans le cadre des journées mondiales contre la maladie. Une soirée où se produira aussi la troupe de comédie musicale de sa prof de piano.
Pendant notre discussion, Alexis Legros boit un café. Ces gestes sont lents. Son phrasé aussi.
« C’est la motricité fine qui est touché. Parler, c’est compliqué, mais on peut chanter. Marcher, c’est compliqué, mais on peut piquer un sprint. Ça surprend les gens. On nous dit parfois qu’on joue la comédie », sourit-il.
Y ALLER
Présentation de « L’état de l’art » par le Centre Expert Parkinson du CHU de Bordeaux
Concert caritatif sur le thème Musiques Actuelles et Disco Night Fever
Samedi 24 mai 2014, 19h
Salle du Solarium, 24 rue du Solarium, Gradignan
Renseignements : Jean-Bernard Proux 06 68 60 28 49/05 56 52 26 13 – mail : jbproux@gmail.com
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