Lorsque je rencontre Alice Douard pour la première fois, on a déjà discuté longuement au téléphone quelques jours auparavant : de son parcours, de ses projets, de ses envies de cinéma. La voici maintenant devant moi. En caban et boots en cette fin mai, elle a froid, elle est fatiguée mais souriante, prête à la discussion sur la terrasse de l’Utopia.
Si on peut enfin se rencontrer c’est parce que, Bordelaise devenue Parisienne du côté du Canal Saint-Martin, elle revient « à la maison » pour quelques repérages de lieu et un début de casting. Elle prépare son prochain moyen métrage, « Les filles ont les cheveux longs ». L’été post-bac d’une jeune fille dans la région de Pau, entre un boulot dans une station de péage et l’espoir secret d’intégrer l’équipe de foot de sa sœur qui ne veut manifestement pas d’elle.
A la recherche de financements
Alice me raconte ses joies et ses galères. Le bonheur d’avoir déjà trouvé les actrices principales sur un presque concours de circonstances, Solène Rigot, jeune espoir du cinéma français vu dans « 17 filles », « Tonnerre », « La belle vie » et Salomé Richard actrice-réalisatrice belge encore confidentielle. Malheureusement, Vinci a dit non pour l’autorisation de tournage du fameux péage, lieu clé du film. Il faudra en trouver un autre, un plus petit, avec moins de passages, moins de touristes sur la route des vacances. Trouver aussi un juste milieu entre l’accent des actrices parisiennes et celles de Pau.
L’attente aussi, surtout, d’une aide de la Région Aquitaine, refusée une première fois en décembre 2013. Mais ce film, Alice le veut ici, dans le sud. Elle s’obstine, réécrit le projet et le représente au mois de mars. Sélectionné enfin à l’écrit, il passera à l’oral le 4 juin prochain. A la clé 40 000 euros dans le meilleur des cas et un premier cap vers d’autres subventions : le CNC, Arte… À la fin du parcours, elle espère atteindre les 100 000 euros de budget. Et le temps presse, le tournage est prévu fin septembre.
Le passage obligé : la capitale
Rien ne prédestinait à priori cette artiste au cinéma. Avant de plonger dans les délices des salles obscures, elle a touché un peu à tout, en théorie et en pratique. L’art plastique au lycée, l’histoire de l’art à la fac en double DEUG à Bordeaux 3, la danse aussi, du hip hop avec la compagnie Révolution, la musique enfin, en compagnie d’un violoncelliste et d’un batteur, quelques concerts à la guitare qu’elle préfère oublier. Les 20 premières années de sa vie du côté de la Victoire et de Saint-Genès.
L’idée au départ c’est une carrière du côté de l’enseignement ou celle de commissaire d’expo. Et puis, en y réfléchissant, elle se dit que le cinéma pourrait relier toutes ses passions, mélanger l’art, la danse, la musique, le documentaire :
« C’est arrivé un peu par hasard, très tard, j’avais très envie de faire de l’art vidéo. »
Elle s’inscrit à l’ESEC (Ecole Supérieure d’Études Cinématographiques de Paris) et monte à la capitale. Elle y découvre alors la fiction, le plaisir de raconter des histoires. En attendant, elle s’occupe de celle des autres. Après ses études, elle travaille en tant que chargé de production chez Atlantique Productions où elle coordonne les projets d’auteurs.
Son premier succès
En 2009, l’envie d’écrire ses propres scénarios se fait de plus en plus sentir. Elle démissionne et intègre la prestigieuse école de la Fémis en réalisation. Elle en sort en 2013 plus aguerrie.
« L’apprentissage est dense. On travaille avec des pros, on apprend le métier et le système, comment fonctionne le cinéma. En contrepartie, on a des moyens pour développer des projets. J’ai réalisé 5 courts métrage en 5 ans. »
Elle en sort surtout avec un film de fin d’étude, « Extrasystole« . L’attirance d’une jeune fille en classe prépa pour une de ses profs et au delà l’histoire d’une émancipation. Beaucoup de thèmes s’y bousculent : la compétition et la violence de ses filières ultra-sélectives, l’arrivée à Paris, le passage du lycée aux études supérieures lorsque l’enfance s’en va, l’admiration de l’une et la la perversité de l’autre. 6 mois de travail. 1 à 2 mois d’écriture, 15 jours de tournage, 5 semaines de montage pour au final un joli succès.
Le film tourne dans des festivals en France et à l’étranger où il reçoit des prix (Mention spéciale du jury au Festival international du court-métrage de Clermont-Ferrand, Youth Award au « Zinegoak » – International GLTB Film Festival, Bilbao, Espagne). Cerise sur le gateau, le film a été acheté par Arte et sera diffusé cet été !
Le bon départ
En parallèle de son film « Les filles ont les cheveux longs », Alice travaille sur d’autres projets, notamment un court-métrage avec Laetitia Doche d’une danseuse qui fait croire à son copain qu’elle part en tournée en Chine.
Un an près sa sortie de la Fémis, Alice, qui travaille aussi comme scripte de temps en temps pour boucler ses fins de mois, n’a pas chômé. Aujourd’hui, elle a le soutien d’une boite de prod, Stromboli films qui l’accompagne sur l’écriture et les subventions et l’oriente sur les bons choix à faire. Ça semble bien parti ! A suivre…
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