Média local avec zéro milliardaire dedans

Un Bordelais se dévoile dans la Solitaire du Figaro

C’est un Bordelais bien entouré qui s’apprête à courir la Solitaire du Figaro pour la première fois de sa vie : le navigateur Clément Salzes a fédéré de nombreux soutiens pour collecter le budget nécessaire à une aventure soigneusement préparée. Les collectivités publiques n’ont quant à elles pas suivi.

Cet article est en accès libre. Pour soutenir Rue89Bordeaux, abonnez-vous.

Un Bordelais se dévoile dans la Solitaire du Figaro

_IGP3271
Clément Salzes à bord de son Figaro Bénéteau II lors d’un convoyage entre Bordeaux et les Sables-d’Olonne en mars dernier (Anne Chaput/Rue89 Bordeaux)

Ce mercredi, il va dire au revoir à sa famille et ses amis, remercier encore une fois les sponsors et mécènes qui sont derrière lui, et faire une dernière petite fête (voir encadré ci-dessous) avant d’entrer dans la phase de concentration qui précède la course. Jeudi, Clément Salzes partira pour Deauville rejoindre son bateau, un Figaro Bénéteau auquel il apportera les derniers préparatifs pour prendre le départ, le 8 juin prochain, de la 45e édition de la Solitaire. Sa toute première.

L’an dernier déjà, il avait envisagé de participer à la course qui s’élançait alors de Bordeaux, avant de finalement renoncer, faute du temps nécessaire pour bien ficeler le projet. Cette fois-ci, ça y est, il se jette à l’eau, même s’il a dû faire face à quelques déconvenues financières qui rendent la situation plus inconfortable que prévu.

Les skippers aquitains lèvent l’ancre

Dans la vie « terrestre », le jeune homme de 31 ans est expert maritime de plaisance et architecte naval. Travailleur indépendant, il facture des prestations à une entreprise de Mérignac à laquelle il a dû expliquer qu’il ne serait pas disponible une bonne partie de cette année 2014.

« Heureusement, la Solitaire tombe pendant une période où il y a moins de travail, explique Clément, les sinistres et les accidents ont surtout lieu en été sur les bateaux de plaisance, donc les dossiers sont à traiter dans les mois qui suivent jusqu’en janvier-février. Après, c’est plus calme. »

Le jeune navigateur a donc mis son activité d’expert en stand-by pour vivre une aventure sportive à laquelle il compte consacrer deux ans, mais pas plus.

« Faire des régates pendant dix ans impliquerait de déménager près d’un centre d’entraînement et changer totalement de vie. »

En effet, malgré son important linéaire de côte, l’Aquitaine ne compte aucun centre de ce type pour les navigateurs de haut niveau et se résigne à une expatriation de ses skippers vers des régions mieux pourvues. Outre cette carence, Clément confie qu’il n’aimerait pas non plus dépendre entièrement d’un sponsor pour mener sa vie de marin. Car l’équipement coûte cher, il a pu le constater cette année en montant son projet.

L’Aquitaine, 250 km de côtes mais aucun centre d’entraînement pour les skippers de compétition (AC/Rue89 Bordeaux)

Un bateau siglé Darwin et Aéroport de Bordeaux

Budget requis sur un an : 100 000 euros. Et encore, sans espérer en tirer une quelconque rémunération. « Le plus cher, c’est la location du bateau, l’achat des voiles, l’entretien général, la décoration », détaille Clément, qui évalue ce seul pôle de dépenses à 60% du total. À cela il faut ajouter les déplacements – ceux du voilier, bien sûr, mais aussi du camion à bord duquel embarquent les complices de Clément, indispensables à sa logistique. Pour le reste, ce sont des dépenses engagées dans les centres d’entraînement, d’autres de fonctionnement, stockage, communication…

Pour réunir une telle somme, il faut susciter beaucoup d’enthousiasme et de confiance autour de soi. Clément Salzes a d’abord trouvé l’appui du fonds de dotation Darwin auquel il est intimement lié, en tant que membre fondateur du club nautique des Marins de la Lune qui fait partie intégrante de l’écosystème de la rive droite bordelaise. C’est donc logiquement que son bateau portera les couleurs de Darwin pendant la course, mais aussi celles de l’aéroport de Bordeaux qui a accepté de le sponsoriser. Son directeur, Pascal Personne, explique comment Clément l’a convaincu :

« L’an dernier au moment de la Fête du fleuve, il nous a proposé d’emmener sur son bateau un groupe de salariés de l’aéroport pour assister au départ de la Solitaire. Tout le monde est revenu très enthousiaste. Par la suite nous avons décidé de l’aider financièrement car c’est un beau projet qui porte des valeurs intéressantes, en adéquation avec les nôtres. Mais je ne veux pas en faire une opération de communication, il n’y a pas de plan derrière ce soutien, juste la fierté d’encourager un marin local – même si nous sommes bien sûr contents que notre logo apparaisse sur sa coque. »

Pour participer à une course telle que La Solitaire, il est préférable d’avoir des voiles neuves, ce qui représente un coût d’environ 20 000 euros (AC/Rue89 Bordeaux)

L’an prochain, la Solitaire revient

Il reste encore de la place sur le flanc du voilier de Clément pour un sponsor de dernière minute, ainsi que sur son spi – la grande voile qui se déploie à l’avant du bateau. La Région Aquitaine aurait pu y figurer : des pourparlers étaient déjà bien avancés ces derniers mois quand la collectivité a finalement renoncé, un peu trop tardivement au goût de Clément qui comptait dessus. Emmanuel Guérineau, le conseiller technique en charge du sport auprès du président Alain Rousset, affirme comprendre la déception du skipper :

« L’argent public se fait rare. Dans ses arbitrages, la Région donne la priorité à la formation professionnelle et au développement économique, pas aux actions de communication comme ce type de sponsoring, que nous avons pourtant essayé de mettre en place jusqu’au bout. »

Peut-être l’an prochain, quand la Solitaire partira à nouveau du Port de la Lune ? Il semblerait incongru que ni la Région ni la Ville de Bordeaux ne soutiennent le seul marin du cru. En attendant, les deux ont décliné. Clément n’a récolté pour l’heure que 50 000 euros et a revu toutes ses dépenses à la baisse, contraint notamment d’acheter des voiles pas tout à fait neuves et de renoncer à participer à la dernière épreuve du championnat de France aux Açores en septembre prochain.

Le spi de Clément peut encore accueillir le logo d’un sponsor de dernière minute (AC/Rue89 Bordeaux)

Un bizuth courageux et bien entraîné

Heureusement, le jeune trentenaire peut compter sur l’aide de sa famille et de ses amis, ainsi que sur des mécènes, comme par exemple la société de sirops et jus de fruits bio Meneau, installée à Darwin, qui a tenu à « apporter un coup de pouce à ce skipper courageux ». Et engagé : Clément a décidé de profiter de sa médiatisation pour mettre en avant deux partenaires qui lui tiennent à cœur, l’association de sauvegarde des océans Surfrider Foundation et le chantier naval associatif ARPEje, situé aux Bassins à flot de Bordeaux.

S’il n’est jamais trop tard pour qu’un mécène ou un sponsor se manifeste, désormais Clément doit se focaliser sur sa performance sportive. Au milieu d’une quarantaine de bateaux, le bizuth va naviguer seul pendant près d’un mois, avec seulement deux ou trois jours de repos entre chacune des quatre étapes de la Solitaire qui l’emmèneront de Deauville à Cherbourg, en passant par Plymouth (Grande-Bretagne), Roscoff et Les Sables-d’Olonne.

L’ancien scout marin a tiré les leçons des deux courses d’entraînement auxquelles il a participé ces derniers mois, une solitaire aux Sables-d’Olonnes et une autre à Concarneau où il a obtenu des classements très prometteurs. Gestion du sommeil, stratégie de navigation, il se dit fin prêt et affiche un sang-froid impressionnant.

« Entre les deux courses, j’ai convoyé le bateau depuis Saint-Gilles-Croix-de-Vie jusqu’à Concarneau dans la baston, avec une énorme houle et un vent de 50 nœuds (environ 80km/h) : j’ai vu que le bateau était fiable, que rien ne cassait, je suis confiant. »


#clément salzes

Activez les notifications pour être alerté des nouveaux articles publiés en lien avec ce sujet.

Voir tous les articles
Partager
Plus d'options
Quitter la version mobile