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Idahot à Bordeaux exige le respect pour les trans

Samedi 17 mai, à partir de 12h30 sur le quai Saint-Michel à Bordeaux, cinq associations bordelaises réunies par le centre Girofard commémoreront de façon festive la journée internationale de lutte contre l’homophobie et la transphobie. L’association Trans 3.0 invitera les journalistes bordelais à signer une charte de respect pour les personnes trans.

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Idahot à Bordeaux exige le respect pour les trans

Lô est étudiant à Bordeaux. Lors de son inscription en septembre dernier, il a eu le plus grand mal à se faire enregistrer dans le registre d’appel sous son nom d’usage, et non celui qui paraît sur son état-civil. Ce qui avait été possible à l’université de Rennes ne l’était plus à Bordeaux.

Où est le problème ? Lô est un garçon trans, et le chemin qu’il fait jusqu’à sa transition lui rend pénible de se voir appeler par un prénom féminin devant ses camarades et ses professeurs, alors qu’il est un homme et en a l’apparence.

Quel est le problème pour l’administration ? Aucun, sinon, pour les personnels de la scolarité et les professeurs, celui d’accepter que le genre de Lô, soit celui qu’il a choisi et non celui d’origine.

Ainsi va la vie des personnes trans, auxquelles on dénie très souvent le choix qu’elles et ils ont fait en les renvoyant au sexe biologique de leur naissance. Ce peut être de la négligence, comme ces présentateurs français de l’Eurovision disant « il » alors qu’ils commentent en direct la victoire de Conchita Wurst, la star autrichienne, gagnante de l’Eurovision 2014 : « Cyril, je crois que nous devrions dire “elle” pour désigner Conchita Wurst, elle se présente comme femme », dit Natacha Saint Pier après deux heures et demie d’émission.

Ce peut être aussi une haine transphobe consciente, comme dans ce texte violemment homophobe du groupe rap Sexion d’Assaut qui déclarait naguère : « Donc dites aux travelos que je les appellerai toujours messieurs. »

Une identité pathologisée

Un autre souci des trans est la pathologisation dont elles et ils sont constamment l’objet. La reconnaissance institutionnelle des trans s’est faite, en France, au prix de leur prise en charge par les institutions de santé : ce qui est encore appelé le « transsexualisme » devenait une maladie, la « dysphorie de genre » diagnostiquée comme un trouble de l’identité sexuelle.

Une équipe hospitalière à Bordeaux propose depuis le début des années 1980 un programme transgenre pour permettre aux personnes trans de suivre un parcours médicalisé si elles le souhaitent. Les délais d’attente à Bordeaux sont aujourd’hui d’un an et demi pour un premier rendez-vous.

Aujourd’hui, les quelques 1,5 millions de trans qui vivent en Europe (probablement près de 30 millions dans le monde) et les associations qui les regroupent demandent une reconnaissance civile de leur existence, et pas seulement une reconnaissance médicale. L’homosexualité est heureusement sortie de la nomenclature des maladies mentales de l’OMS depuis 1990. La « transsexualité » ou le « transsexualisme » continue en France à faire partie des affections de longue durée (ALD), tout en étant sorti de la classification des ALD psychiatrique depuis 2010.

Les trans dans le débat sur le mariage pour tous

La possibilité du mariage trans a suivi des chemins tortueux. Les personnes transformées cliniquement au titre de leur « maladie » peuvent aujourd’hui changer de sexe sur l’Etat civil, donc se marier (y compris, depuis le mariage pour tous, avec des personnes de même sexe), mais il leur est interdit, dans tous les cas, d’avoir biologiquement des enfants. Il leur est pratiquement impossible d’adopter.

Ce déni de droits humains fondamentaux se double de multiples discriminations dans l’accès au travail, aux études, dans l’accès au logement, dans la mobilité. Prendre un avion peut devenir une épreuve d’une violence inouïe dès lors que votre sexe civil ne correspond pas à votre apparence.

Maltraité(e)s par les médias

Les tracas, discriminations et violences dont sont l’objet les trans de façon quotidienne seraient certainement moindres si les médias traitaient ces questions d’une façon un peu moins sensationnelle et « scandaleuse ».

Karine Espineira a montré dans ses travaux que les relations entre les médias et les transidentités ont toujours été conflictuelles. Pour cette spécialiste des représentations transidentitaires, il s’agit bien là de violences, conséquences des « réductions » du sujet opérées par les journalistes, mais plus généralement de leur ignorance de la question. « On sent bien que le vocabulaire approprié fait défaut », dit-elle.

Lô en a fait l’expérience dans sa Bretagne natale : interrogé sur son parcours personnel et militant lors d’un long article bienveillant qui lui était consacré dans la presse locale, il a eu la surprise de voir son interview paraître sous le titre : « La jeune morlaisienne veut devenir un homme ».

Cette anecdote est cependant un moindre mal au vu d’innombrables portraits ou entretiens consacrés aux personnes trans, dans lesquels l’accent est toujours mis sur l’étrangeté, le travestissement, la question de la sexualité, les références à la prostitution, sur un ton où la compassion se mêle à une curiosité malsaine, impensable dans un entretien, même très intime, avec toute autre personne.

Les trans demandent le respect

En 2011, une charte « Trans respect » a été proposée aux médias anglais par Trans Media Watch, une association transgenre du Royaume-Uni, pour leur proposer de respecter l’image des personnes trans dans les médias. C’est le chemin qu’a suivi également l’association Genres Pluriels en Belgique.

À l’occasion de la journée mondiale de lutte contre l’homophobie et la transphobie, c’est au tour de l’association bordelaise Trans 3.0 de reprendre à son compte cette charte et d’interpeller les médias. Lô, membre actif de l’association revient sur cette démarche :

« La méfiance des trans envers les journalistes est intense et notre visibilité en pâtit. Ainsi, nous laissons les autres parler à notre place, ce qui n’est pas forcément mieux. Cette charte a donc pour objectif de réinstaller un climat de confiance entre les trans et les médias. »

Si les médias s’intéressent parfois aux dérapages homophobes et transphobes, Lô pense qu’il faut être attentif à ce qui se joue à l’intérieur même des articles. Ainsi, la photo du « Point », dans un article intitulé « Quand les transsexuels ont des projets parentaux », a été modifiée suite à de nombreuses plaintes (on y voyait préalablement une scène de carnaval). Quant au contenu de l’article, il amène à s’interroger non seulement sur l’emploi du mot « transsexuel » au cours du texte mais également sur le ton médical de celui-ci. Enfin, le cœur même de la question, la parentalité trans, est balayée d’un revers de la main.

Idahot à Bordeaux

Lô sera avec les cinq associations du Girofard, centre LGBT de Bordeaux, à la plaine des Sports de Saint Michel pour l’International Day Against HOmophobia et Transphobia (IDAHOT) qui commémore chaque année les meurtres et violences commises sur des personnes en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre.

Auprès des autres militant(e)s des associations, dont la très féministe Maison des Femmes (qui est là pour rappeler les liens qui existent entre les violences faites aux femmes et les violences homophobes), Trans 3.0 invitera toutes et tous les journalistes à venir signer la charte « Trans Respect ».

Les débats houleux qui ont eu lieu autour de la loi sur le mariage pour tous ont provoqué une augmentation importante des faits de violences et agressions homophobes en 2013. L’association souhaite aujourd’hui travailler en partenariat avec les médias aquitains afin de retourner cette tendance inquiétante et assurer une juste représentation des personnes transidentitaires dans la vie publique. Respect pour les trans.


#Girofard

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