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La rue Sarrette à Belcier, là où tout commence

Ce samedi 31 mai, la Grand Rue, projet du collectif Bruit du Frigo, s’installe place Ferdinand-Buisson pour la soirée dans une ambiance de fête, avec une balade urbaine, un bal et une guinguette. Juste en face, la rue Sarrette, que Bordeaux 2066 avait remonté.

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La rue Sarrette à Belcier, là où tout commence

Les échoppes de la rue Sarrette (Bordeaux 2066)
Les échoppes de la rue Sarrette (Bordeaux 2066)

Pour nous, c’est près de la place Ferdinand-Buisson, rue Sarrette, que tout commence.

Pour ceux qui veulent sortir de l’image basique du quartier « putes (Bordeaux 2066 : ça c’est juste pour notre référencement, on sait que c’est un mot-clé qui cartonne sur Google) – marché de gros – friches industrielles », on vous conseille les itinéraires de ballades patrimoniales publiés par nos sérieux collègues de Bordeaux 2030.

On rappellera simplement que nous sommes là dans une des zones historiquement industrielle et ouvrière de la ville. Proximité de la Garonne puis de la gare aidant, de nombreuses industries se sont installées dans le quartier dans la seconde moitié du XIXe siècle. Au XXe siècle le Marché d’Intérêt National de Brienne (sorte de Rungis aquitain) viendra compléter le paysage, et le bruit des camions s’ajoutera à celui des trains.

Autrefois quartier ouvrier

Avec l’industrie, viennent également les ouvriers. Ceux-ci se logent souvent à proximité, et c’est un véritable quartier d’habitation qui se développe à Belcier. La place Ferdinand Buisson l’illustre encore parfaitement, avec ses allures de place de village où convergent plusieurs rues plantées d’échoppes et autres maisons ouvrières.

La rue Sarrette est justement l’une de ces rues. A l’angle de la place, elle accueille une école et un dépôt de pain fermé. Dans l’axe, de petites échoppes sont alignées. Mais le passé n’est pas éternel, et quelques mètres plus loin pointent déjà des immeubles modernes, visiblement bâtis il y a une dizaine d’années pour accompagner le tramway venu s’implanter dans ce quartier longtemps délaissé.

Les passants nous confirment qu’avant, la rue avait une vocation industrielle et artisanale affirmée : Outibat qui a déménagé, une casse automobile, les transports Ducros, la verrerie Domec située sur l’actuelle emprise du tramway… C’était des centaines d’ouvriers qui travaillaient et vivaient dans le secteur. Mais voilà, en vingt ans tout a changé : les entreprises ont fermé ou sont parties en périphérie, et les immeubles modernes du nouveau Belcier ont poussé.

Le tram, sur le terrain de l’ancienne verrerie (Bordeaux 2066)

L’arrivée du tram

Le tramway est même venu couper en deux la rue Sarrette : sur une dizaine de mètres de large, sur l’emprise foncière de la verrerie disparue en 1992, l’allée Eugène Delacroix offre une percée très hausmanienne au bolide de la TBC, percée le long de laquelle on remarque quand même l’îlot Armagnac, ensemble architectural moderne plutôt audacieux, bien que son esthétique suscite le débat.

Notre rue ne s’arrête pas avec le tramway. Elle le traverse et poursuit son chemin quelques dizaines de mètres plus loin, mais dans un environnement intégralement moderne : plus de maisons ouvrières, plus de passé industriel visible… On pourrait même oublier qu’à deux pas de là était installée il y a encore peu de temps la célèbre boite de nuit / salle de concert : Le 4 Sans, en lieu et place du siège du bailleur social Gironde Habitat.

Avant, « les filles faisaient n’importe quoi »

Et les habitants dans tout cela ? Se faisant discrets lors de notre déambulation, on rencontre quand même la pharmacienne, installée depuis quelques années et qui trouve le quartier plutôt calme, en tout cas pas aussi « chaud » que certains le pensent. Les prostituées, la drogue… bien sûr il y en a toujours, mais moins qu’avant, quand « les filles faisaient n’importe quoi ».

Selon certains leur présence est tout de même fluctuante. Gigi, restauratrice bien connue de Vinjo et qui vit à Belcier nous le confirme : « Bordeaux c’est patrimoine mondial de l’Unesco, mais ce quartier on ne le montre jamais. Il n’y a qu’en ce moment que c’est calme, c’est les élections. Pendant les élections, elles disparaissent, après elles reviennent toujours plus nombreuses. »

Les prostituées à Belcier, un patrimoine intangible ? Vaste débat… En tout cas Gilles nous confirme qu’elles sont bien présentes : « une tous les trois mètres le soir » et parfois violentes (agression à coup de talons aiguilles semble-t-il).

« Tout part et Sarrette ici »

Gilles, devant son entreprise Sodigraf (Bordeaux 2066)

Gilles, qui est-il ? Il est le dernier fier représentant de la vocation industrielle de la rue Sarrette. Gilles est le patron de Sodigraf, entreprise familiale d’agrafage professionnel (bah quoi, vous n’agrafez jamais rien vous ?) créée par ses parents en 1966. Enfant du quartier, il l’a vu changer, évoluer, et pas toujours en bien selon lui. C’est en tout cas grâce à son accueil et sa générosité que nous avons appris tant de choses sur le quartier, et nous l’en remercions. Rien à dire, ce vendeur d’agrafes nous a scotché !

Malgré toutes ses qualités, Gilles n’a pas encore la Licence 4. C’est donc à la Brasserie de Belcier que nous terminons notre exploration. Ancien « tripot de quartier un peu louche » – dixit plusieurs riverains –, le restaurant a été entièrement retapé par Pascale et Véronique pendant un an, et le résultat est magnifique. Elles servent de bons petits plats à une clientèle d’habitués dans une ambiance sympa et décontractée. On y savoure un filet mignon tout en sirotant notre traditionnelle bière de fin d’exploration (Goudale pression, assez rare pour être signalé).

En regardant la place, et avec un peu d’imagination, on peut imaginer les grandes heures industrielles de Belcier, quand le va-et-vient des camionnettes n’annonçait pas des relations sexuelles tarifées. Et sur un petit air de Bouga, nous improvisons ceci :

« Tout part et Sarrette ici
Tu contestes ? Prépare ton testament gars.
Belcier, fleuron des quartiers bordelais
Coincé entre la gare et les quais…
Belcier Breakdown »

Gageons que depuis là où il est, Bernard Sarrette, Bordelais fondateur du Conservatoire de Paris, saura apprécier.


#Belcier

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