« ASH en colère, on n’est pas des serpillères ». Les assistants de service hospitalier en grève l’ont crié lundi devant l’entrée de la clinique Bagatelle, à Talence. Ils étaient 6 à 8 selon la direction, 22 selon la CGT, sur les 55 que compte la clinique. Leurs pancartes invitaient même les automobilistes passant sur la route de Toulouse à klaxonner devant l’établissement… Un pied de nez à la direction de la Maison de santé protestante de Bordeaux qui a la semaine dernière assigné six grévistes au tribunal de grande instance de Bordeaux pour nuisances sonores.
Les ASH en grève depuis trois semaines avaient en effet choisi d’exprimer leur colère sous les fenêtres de l’établissement, et tant pis pour le calme des patients. Mais si les salariées d’Elior Services, la société sous-traitante de Bagatelle pour le ménage, se sont lancées dans une telle action au long cours, c’est aussi, jurent-elles, pour la qualité de l’accueil des malades et des futures mamans.
« On veut travailler dans la dignité »
Depuis décembre dernier, une nouvelle organisation du travail mise en place par Elior leur impose en effet des journées à rallonge – 12 heures et 15 minutes, payées 10 heures, entre 7h30 et 19h. Alors qu’ils travaillaient auparavant en binômes, les femmes et hommes de ménages doivent travailler seuls pour faire un étage, jusqu’à 35 chambres à nettoyer en quelques heures. Le tout payé autour de 1200 euros par mois, sans treizième mois.
« On touche moins qu’ailleurs : 19 euros de prime pour le travailler le dimanche, contre 80 à La Mutualité, un établissement bordelais dont s’occupe également Elior, estime Dalia Nataf, représentante CGT des ASH de Bagatelle. Mais c’est pas parce qu’on est des femmes de ménage qu’on n’a pas de cerveau. On veut travailler dans la dignité, c’est tout ce qu’on demande, que les choses soient bien faites, car nos parents, nos grands parents ou nos enfants pourraient être dans cet hôpital. »
Les salariés d’Elior exigeaient une prime mensuelle de 100 euros, une clause de non-mobilité pour que les salariés ne soient pas envoyés partout dans la CUB, et l’embauche de trois personnes pour soulager les effectifs.
Mais à l’issue de négociations menées lundi après-midi et soir avec le médiateur désigné par le tribunal de Bordeaux, les deux parties ne sont pas parvenues à un accord. La direction d’Elior acceptait les embauches demandées, et proposait de réduire l’amplitude horaire de 30 minutes par jour.
500 millions d’euros de chiffre d’affaires
En revanche, pas question d’accéder aux revendication salariales, car selon Jean-Luc Haussu, directeur régional sud-ouest d’Elior Services, cela supposerait d’augmenter l’ensemble des 20000 salariés du groupe, et mettrait celui-ci dans le rouge.
« Finalement, Elior a proposé une revalorisation de 31,87 euros bruts par mois, pour 16 salariés que l’entreprise a reconnu avoir sous-classé de 11 centimes de l’heure par rapport à ses grilles, et ce pendant 5 ans, indique Isabelle Taris, déléguée CGT du site Bagatelle. On est encore loin des 100 euros demandés. D’autant que pendant 5 ans ils ont fait ainsi de sacrées économies sur le dos des salariés. »
Lundi soir, la CGT a donc refusé cette offre et dit vouloir « continuer et durcir le mouvement ». Le syndicat espère notamment négocier directement avec la direction nationale du groupe, et remettre autour de la table les donneurs d’ordre, les responsables de la clinique Bagatelle.
Si les salariés ne pourront plus bénéficier du médiateur nommé par le tribunal, dont la mission s’est achevée lundi à minuit, ils misent beaucoup sur la mauvaise publicité faite au groupe Elior, qui va prochainement être réintroduit en Bourse. La CGT met ainsi en avant les 5 milliards d’euros de chiffre d’affaires réalisés par la société. Celle-ci précise toutefois que les activités propreté ne pèsent « que » 500 millions d’euros, pour un bénéfice estimé entre 10 et 15 millions d’euros. Elior fait en effet principalement son beurre avec la restauration collective, qu’elle assure par exemple à Bagatelle.
Pour les grévistes, le pari est osé : la plupart ont fait une croix sur leur salaire, et les jours de grève ne pourront être totalement compensé par des RTT ou des récups.
« Je suis prête à continuer, tant pis pour la retraite, si on en a une un jour, souligne Coralie Dachicourt, 29 ans. Ce combat, c’est d’abord pour nous revaloriser. On en a assez d’être pris pour les derniers maillons de la chaîne. »
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